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Construction résidentielle

Mettre fin à un système à deux vitesses

Le rêve d’une habitation neuve représente l’investissement d’une vie pour la plupart des foyers québécois. Or, les histoires de construction défaillante ou de mauvaise qualité – et tous les déboires financiers et les drames humains qui en découlent – marquent encore trop souvent l’actualité.

Cette réalité souligne avec force l’importance d’accroître la protection des consommateurs dans le domaine de la construction résidentielle, d’abord en instaurant la surveillance obligatoire des travaux de construction par des professionnels et, parallèlement, en mettant à jour le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

Prévenir les défaillances à la source

La surveillance des travaux – tant pour les grands projets que les petits – constitue un puissant moyen d’accroître la protection du consommateur. Il s’agit d’un outil clé pour assurer la qualité et la durabilité des constructions et pour prévenir à la source certains problèmes, en instaurant une vigilance continue tout au long du projet. L’objectif est simple : prévenir plutôt que de guérir, et c’est pour cette raison qu’elle devrait être obligatoire, comme c’est le cas ailleurs au Canada.

Vu l’importance d’un investissement immobilier pour le consommateur, ce sceau de qualité et de conformité permettrait de réduire les conflits et les coûts exorbitants qui peuvent incomber au propriétaire à la suite d’une construction défaillante. Il faut savoir que reprendre, après la construction, des travaux mal faits peut coûter entre 8 et 15 fois plus cher que de bien les exécuter dès le départ.

La surveillance des travaux contribuerait certainement à rehausser la qualité de la construction. Mais elle doit aussi être complétée par d’autres mesures à l’avantage des consommateurs. C’est là que le plan de garantie entre en jeu. Or, la réglementation actuelle a pour effet de laisser tout un pan de consommateurs sans protection.

Des protections à deux vitesses

Actuellement, les bâtiments couverts par le Règlement incluent les maisons unifamiliales isolées, jumelées ou en rangée, les condos comprenant quatre parties privatives (unités) superposées ou moins et les bâtiments multifamiliaux tels les logements en duplex ou en triplex. Tous sont couverts par un plan de garantie obligatoire, administré par Garantie de construction résidentielle (GCR), organisme à but non lucratif parapublic. Parallèlement, les immeubles qui comptent plus de quatre unités superposées en sont exclus. Une garantie quelconque devient alors optionnelle.

Pourquoi cette différence de traitement ? Car, nous dit-on, ce segment de bâtiments représenterait un risque plus important. Au contraire, nous estimons que la protection devrait être à la hauteur des risques, surtout s’ils sont jugés aussi importants ! On ne règle pas un problème en l’ignorant.

Il faut plutôt niveler vers le haut la protection des acheteurs pour diminuer ces risques dans l’ensemble des constructions neuves.

Prenons l’exemple d’un acheteur qui hésite entre un logement dans une copropriété de quatre ou cinq étages. Dans le premier cas, il bénéficiera d’une protection contre les défauts de construction qui pourraient toucher l’immeuble à hauteur de 200 000 $ par unité. Si le constructeur manque à ses obligations légales ou contractuelles, les acheteurs pourront soumettre une réclamation auprès de GCR pour résoudre le problème.

À l’inverse, s’il choisit la copropriété de cinq étages, il sera soumis au choix de l’entrepreneur. Soit il ne sera protégé par aucun plan de garantie, soit il le sera par un plan optionnel. Les plans optionnels limitent généralement la protection contre les défauts de construction à 100 000 $ par unité. Dans tous les cas, en dehors des immeubles couverts par le plan de garantie obligatoire, il devra naviguer seul dans les dédales administratifs de la justice pour obtenir réparation aux mêmes problèmes. Charge alors au consommateur de s’informer et de faire des vérifications diligentes.

La nouvelle réalité du marché

Si le plan de garantie était adapté au contexte immobilier d’il y a 20 ans, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La tendance est à la densification, illustrée par la croissance du nombre de propriétés en hauteur. Cette tendance est favorisée et soutenue par la volonté du gouvernement de limiter l’étalement urbain. Il est essentiel qu’un plan élargi soit universel afin que tous les acheteurs d’une nouvelle propriété puissent bénéficier d’une protection identique, sans discrimination basée sur le type ou la hauteur du bâtiment. De façon complémentaire et urgente, il faut aussi miser sur l’aspect préventif et non curatif, et instaurer une surveillance obligatoire des chantiers de construction par des professionnels.

Alors que la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, s’apprête à rencontrer, le 2 décembre, les acteurs du secteur de la construction, nous l’appelons à saisir la balle au bond et à impulser ces changements nécessaires.

Cosignataires

• Kathy Baig, ing., MBA, ASC, DHC, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

• Pierre Corriveau, architecte, président de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ)

• Marc-André Harnois, directeur général de l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC)

• Laval Tremblay, T. P., président de l’Ordre des technologues professionnels du Québec (OTPQ)

• Denis St-Aubin, président de l’Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ)

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