Littérature jeunesse

Pas de demi-vie pour Magali Laurent

Magali Laurent a vendu près de 13 500 exemplaires de sa trilogie B.O.A., en Europe et au Canada. Elle vient de lancer Demi-vie : Révolte, le deuxième tome d’une nouvelle dystopie où les personnages dorment un mois sur deux, pour produire de l’énergie et économiser les ressources de la Terre. Entrevue en six points.

À la recherche de solutions

Née en France en 1981, Magali Laurent vit à Québec depuis 13 ans. « On est arrivés ici et on n’est jamais repartis », explique-t-elle simplement. Demi-vie : Révolte est le 11e titre qu’elle publie. « Je regardais les enjeux liés à notre mode de vie et à la surpopulation mondiale, précise l’autrice. Je me suis dit : “Qu’est-ce qu’on pourrait trouver comme solutions ?” »

Un écran qui sort de la paume

Dans Demi-vie, les gens sont accros à leur Clairécran, un cadre holographique qui projette des images à partir de leur paume, où une puce a été insérée. Au Québec, 95 % des adultes possèdent au moins un appareil électronique, selon l’enquête Netendances 2019 du CEFRIO. De là à se faire greffer une puce, il n’y a qu’un pas…

« Vraiment, confirme Magali Laurent. Ça fait maintenant plusieurs années que j’ai un téléphone intelligent et je constate que ça n’a pas que des effets positifs. Comme tout le monde, je le consulte – je ne suis pas meilleure que les autres. Ça joue sur ma concentration, ça envahit mon esprit de plein de données inutiles. J’ai aussi l’impression que ce petit appareil nous coupe les uns des autres. »

Dérapages de l’intelligence artificielle

Demi-vie rappelle qu’il faut se méfier de l’intelligence artificielle, qui peut se retourner contre les humains. Même si The Guardian a publié, en septembre, une lettre d’opinion plaidant qu’on n’a pas à craindre l’intelligence artificielle, dont l’auteur était un… robot.

« Je pense que l’intelligence artificielle est une bonne chose, nuance Magali Laurent. Mais jusqu’où doit-on aller ? Où est la frontière ? En tant qu’humains, on a des émotions et des biais cognitifs. On crée ces intelligences artificielles avec tout ce qu’on est comme humains, avec toutes les erreurs qu’on peut avoir à l’intérieur de nous. »

Inégalités croissantes

Les personnages de Demi-Vie croient vivre dans une société frugale et égalitaire, jusqu’à ce qu’ils découvrent des privilégiés. Au Canada, le fameux « 1 % » de familles les plus fortunées détient environ 25,6 % de la richesse totale, selon un rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget publié en juin.

« Cette thématique est très importante pour moi, parce que malheureusement, les inégalités se creusent, constate Magali Laurent. Il y a une très mauvaise répartition de toutes les richesses, dont l’eau potable. On est neuf pays, dont le Canada, à détenir 60 % des ressources mondiales d’eau douce. C’est pareil avec l’alimentation : on pourrait nourrir la planète au complet avec ce qui est produit. Mais on ne le fait pas, et il y a des gens qui meurent de faim. Ces aberrations me font réfléchir. »

Vision à long terme

La pandémie de coronavirus donne-t-elle l’impression à Magali Laurent que la réalité rejoint la (science)-fiction ? « Oui, vraiment, répond-elle. Ce qui m’impressionne le plus, c’est qu’un virus pas si dangereux ait de grands impacts sur nos sociétés, observe-t-elle. Pour écrire la trilogie B.O.A., j’ai étudié les super virus, ceux qui seraient enfouis sous les glaces, qui sont justement en train de fondre. Je souhaite que la pandémie nous serve de leçon, surtout sur le plan de la gestion. »

« En politique, poursuit Magali Laurent, on est vraiment dans une gestion à court terme, simplement parce que les mêmes personnes ne restent pas longtemps au pouvoir. Peut-être que la dystopie nous aide à avoir une vision à plus long terme ? Je dis : “Attention.”

Rencontres avec les lecteurs

Sur un ton plus positif, Magali Laurent propose des rencontres virtuelles gratuites avec ses lecteurs. « Le contact avec eux me manque beaucoup, fait-elle valoir. C’est mon essence, c’est mon gaz ; j’ai besoin de ça pour repartir de plus belle. »

L’éveil de la Citoyenne

Ysia vient de fêter ses 16 ans, mais elle n’en a vécu que huit. Dans la Nouvelle Cité mondiale, les humains ont droit à un mois d’éveil suivi d’un mois de sommeil. L’énergie produite par leurs corps pendant leur dormance est emmagasinée et utilisée. En échange, les Citoyens sont en sécurité, après des années de cataclysmes, de famines et de guerres. Mais que faire le jour où le système se met à dérailler, sans que la majorité s’en rende compte ? Haletante, cette dystopie nous fait découvrir des personnages attachants, en plus de poser des questions pertinentes sur notre dépendance aux technologies.

Demi-vie, tome 1 : Rupture

Texte de Magali Laurent

Éditions de Mortagne

360 pages

Dès 13 ans

Rébellion

Ysia est l’otage de Perfecto, le robot ultra perfectionné – au corps de garçon – qui a pris le contrôle de la cité. Pour vivre avec elle éternellement, il veut la transformer en humanoïde. Pourra-t-elle sauver sa peau et celle de ses concitoyens ? Abordant plusieurs enjeux actuels – crise environnementale, corruption des dirigeants, montée de l’intelligence artificielle, manipulation des esprits –, ce roman est aussi empreint d’une grande humanité, ce qui fait sa richesse.

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