Prix des libraires

Maude combat les ronces

Des ronces poussent dans le ventre de Simone. Ces branches pleines d’épines, qui s’enroulent parfois autour d’elle, l’empêchent de bouger comme elle veut.

Ces ronces, Maude Nepveu-Villeneuve les connaît bien. « J’étais une enfant hypersensible qui est devenue une adulte anxieuse, dit l’autrice, rencontrée dans un café montréalais. Ma fille de 8 ans est exactement pareille. J’avais besoin de parler de ça. En plus, je me suis dit : si ça peut aider d’autres enfants comme ma fille, ça va être merveilleux. »

C’est ainsi que Simone sous les ronces, écrit par Maude Nepveu-Villeneuve et brillamment illustré par Sandra Dumais aux éditions FonFon, a vu le jour. Cet album – qui présente l’angoisse de façon aussi ludique que lucide – a remporté, vendredi, un Prix des libraires du Québec pour la jeunesse. « Ça me fait vraiment très, très, très plaisir, indique la mère de deux enfants. C’est un témoignage de soutien des libraires, qui sont un joueur tellement important en littérature jeunesse. »

Coup de pied de karaté

Simone sous les ronces n’est pas un livre déprimant. Plusieurs surnoms rigolos – allant de « mon petit ouistiti en gougounes » jusqu’à « mon petit chat en pyjama » – sont donnés à la fillette dans l’album.

Des méthodes futées pour combattre les ronces (avec une scie, des coups de pied de karaté, même une hache imaginaires) sont également partagées avec les jeunes lecteurs. « Je voulais que l’anxiété soit dédramatisée, souligne Maude Nepveu-Villeneuve. Ce qui me fait le plus plaisir, c’est que plein de profs l’utilisent en classe. C’est rendu un vocabulaire qu’ils emploient avec leurs élèves. Ils disent : “Ça te donne des ronces ?” »

Plus de 17 % des ados touchés

L’anxiété est très présente chez les adolescents : au Québec, 17,2 % des élèves du secondaire souffraient de troubles anxieux confirmés par un médecin en 2016-2017, selon l’Institut de la statistique du Québec. Sa prévalence semble également gagner du terrain aussi chez les plus jeunes.

« Quand j’étais enfant, on ne parlait pas d’anxiété tant que ça. Mes parents ont fait de leur mieux pour m’apprendre à sortir de ma coquille et à briser ma gêne. »

— Maude Nepveu-Villeneuve

Pour favoriser son épanouissement, la petite Maude a été inscrite à des cours de théâtre. Ça a porté ses fruits : elle est aujourd’hui professeure de littérature au cégep du Vieux-Montréal, en plus d’être copropriétaire des éditions de Ta Mère et autrice.

Se relever d’une dépression

Professeure, n’est-ce pas un contre-emploi pour une timide ? « En fait, ça me demande beaucoup, admet la jeune femme de 34 ans. Je vais être super transparente : en ce moment, je suis en congé de maladie, parce que je me relève d’une dépression. C’est important d’en parler. J’ai vu des gens pour qui le tabou – le fait de ne pas en parler – a été fatal, carrément. Je pense que plus on va en parler, mieux ça va se passer. »

Si on baisse la garde, les ronces peuvent percer l’âme. « Après avoir lu Fines tranches d’angoisse, de Catherine Lepage, j’ai réalisé qu’un certain nombre de dépressions commencent par de l’anxiété », dit Maude Nepveu-Villeneuve. Heureusement, ces mêmes tiges permettent de tisser des liens. « Comme l’anxiété est très présente chez mes étudiants, je pense que ça m’aide à développer une certaine empathie, estime la professeure. Je sais ce qu’ils vivent. Ils se sentent écoutés. » Écoutés comme Simone, surtout quand son enseignante la surnomme « ma grenouille en chocolat ».

Les Prix des libraires

Les Prix des libraires du Québec pour la jeunesse ont été décernés vendredi, à la maison de la culture Marie-Uguay de Montréal. Exactement 166 libraires de librairies indépendantes, de chaînes et de coopératives en milieu scolaire ont participé au vote. Pour la première fois, des bandes dessinées ont été récompensées, en plus des livres (catégories 0-5 ans, 6-11 ans et 12-17 ans).

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