Encore plus d’ados LGBTQ+ dans les séries

Euphoria, Sex Education, Les petits rois, Young Royals Les séries de fiction articulées autour d’adolescents LGBTQ+ abondent depuis quelque temps. La plus récente, Heartstopper, connaît un retentissement qui suggère qu’il s’agit d’un courant incarné, et non d’une mode passagère.

Relayé par Netflix depuis quelques semaines, ce drame romantique britannique raconte l’histoire de Charlie (Joe Locke), jeune rêveur intello – ouvertement homosexuel – qui s’amourache du joueur vedette de l’équipe de rugby de l’école, Nick (Kit Connor).

Les amis de Charlie ont beau qualifier son rouquin coup de cœur de golden retriever, son béguin refuse de mourir. Et contre toute attente, après avoir développé une belle amitié au terme de longues conversations, de messages privés sur Instagram, de parties de Mario Kart et d’entraînements sportifs, le sentiment s’avère réciproque. Heartstopper est inspiré d’un roman graphique d’Alice Oseman, d’où ces petites notes d’animation ajoutées en postproduction ou encore ces plans de caméra qui évoquent des vignettes de bande dessinée.

Composée de huit épisodes d’une demi-heure, la série applique les codes propres aux comédies romantiques, mais avec davantage de finesse qu’un banal teen movie.

C’est lumineux et rempli de bons sentiments, mais jamais cucul. Fait à noter, l’actrice oscarisée Olivia Coleman (The Crown, Broachurch) incarne la mère de Charlie.

Depuis trois semaines, Heartstopper domine le classement Variety des séries « tendance » sur Twitter, loin devant Moon Knight, superproduction de Disney+. Elle conserve actuellement une note parfaite de 100 % sur Rotten Tomatoes, qui recense les critiques. Du Hollywood Reporter au Guardian en passant par Time Magazine et Télérama, la presse internationale adore. Au Royaume-Uni, The Independant parle d’une victoire pour l’auditoire LGBTQ+.

Professeure à l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, qui donne ce printemps le premier cours traitant des approches queers en art, Dinaïg Stall partage cet avis.

« Ce que j’aime dans cette série, c’est qu’on ne nie pas l’homophobie, souligne-t-elle en entrevue. Elle est présente. Mais ce n’est pas l’horizon des personnages. On n’a pas fait du trauma porn. On n’est pas toujours en train de souligner à quel point c’est terrible. Ce n’est pas juste des relations destructives. Les personnages ne sont pas monochromes, tout roses ou tout noirs. La réalité est toujours beaucoup plus complexe. »

Une liste grandissante

Heartstopper vient gonfler une liste grandissante de fictions mettant en scène des jeunes du secondaire qui dérogent du modèle hétéronormatif, qui domine outrageusement ce type de productions.

Dans cette liste apparaît la série de HBO Euphoria, qui brosse le portrait d’une jeune toxicomane prénommée Rue (Zendaya), qui développe une relation amoureuse avec Jules (Hunter Schafer), ado trans.

Sur Netflix, mentionnons la série suédoise Young Royals (Jeunesse royale en version française), qui dépeint l’idylle compliquée d’un jeune prince et d’un étudiant de la classe moyenne dans un pensionnat, et Sex Education (Éducation sexuelle), qui s’intéresse aux romances diversifiées de lycéens assumés. On peut même citer Élite, thriller espagnol qui s’intéresse aux tribulations d’une bande d’adolescents incroyablement libidineux. Dans un style beaucoup plus chaste, Love, Victor (Avec amour, Victor) ausculte le quotidien d’un jeune garçon latino en quête d’identité sur Disney+.

Au Québec, la série Les petits rois (actuellement présentée sur ICI Télé, qu’on peut regarder en rattrapage sur ICI Tou.TV) s’inscrit dans cette mouvance en décrivant la chute d’un groupe d’étudiants décomplexés et privilégiés mené par Julep (Pier-Gabriel Lajoie), joueur de hockey, et Adaboy (Alex Godbout), patineur artistique passionné de mode. Surprise de taille : le premier est gai, le second est hétéro.

En entrevue, le créateur des Petits rois, Jeffrey Wraight, raconte qu’après avoir planché sur Code F. (2014-2018) et Code G. (2016-2019) à VRAK, il savait que l’auditoire adolescent/jeune adulte « était prêt » pour quelque chose d’un peu plus risqué et atypique.

« J’étais fasciné de voir l’ouverture des générations plus jeunes, souligne le producteur chez Zone 3. J’avais envie d’une série qui mettrait de l’avant des personnages LGBTQ+, mais sans que leur sexualité affecte le scénario. Parce que ce n’est pas parce qu’une personne est LGBTQ+ qu’elle est nécessairement gentille. On peut être des méchants aussi ! »

À l’affût des tendances télé, Jeffrey Wraight a regardé Heartstopper, bien qu’il sache qu’il n’est pas exactement le public cible.

« En tant qu’homme gai de 50 ans, je sais que ce n’est pas pour moi, mais maudit que ça m’a fait du bien ! Parce que mon expérience au secondaire, ce n’était pas du tout ça. J’ai trouvé ça très touchant. Ça montre qu’on fait des progrès malgré tout ce qui se passe aux États-Unis. »

« Un baume »

Selon le sexologue et sociologue Martin Blais, la prolifération des séries comme Heartstopper permet enfin aux jeunes LGBTQ+ de constater qu’ils ne sont pas seuls, que d’autres personnes comme elles existent et partagent leur vécu, leurs luttes, leurs embûches ou encore leurs préoccupations.

« Le succès dont jouissent ces séries suggère qu’elles visent juste dans les préoccupations qu’elles mettent en scène et dans la manière dont elles le font, note le professeur au département de sexologie de l’UQAM. Se reconnaître, constater qu’on n’est pas seul ou seule et que nos désirs ou préoccupations sont partagés, ne serait-ce que par des personnages fictifs, ça peut jouer un rôle de validation important qui fait souvent défaut quand on grandit dans un contexte où on n’a pas ou peu de modèles LGBTQ+. Sortir de l’invisibilité […] est déjà un pas dans la bonne direction. »

« C’est un baume de voir que ces séries existent, ajoute Dinaïg Stall. J’aurais sans doute perdu moins de temps si j’avais eu accès à ce type de représentation quand j’étais plus jeune. Ça crée des possibles pour des personnes qui sont en train de remettre leur sexualité en question. C’est merveilleux ! Quand j’ai fini Heartstopper, j’ai pleuré ma vie ! »

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