Le Canadien

Le « malaise » Logan Mailloux

En temps normal, l’emballement serait vif et spontané.

Le Canadien n’a pas beaucoup de relève du côté droit de la défense, et le besoin est devenu encore plus criant avec le départ de Shea Weber.

Et voilà qu’à ses deux premiers matchs avec les Knights de London, dans la Ligue de hockey junior de l’Ontario, le premier choix du Tricolore en 2021, Logan Mailloux, du haut de ses 6 pi 3 po et 210 livres, amasse quatre points, dont deux buts, avec 13 tirs au but et une fiche de + 7, en un peu plus de 25 minutes sur la glace en moyenne par match.

Mais Mailloux n’est pas un espoir, disons… courant. Il a été repêché dans la controverse l’été dernier, après avoir été reconnu coupable d’un crime de nature sexuelle.

Il y a donc d’abord un certain réflexe de retenue avant de relever les performances du jeune homme. Faut-il pour autant s’empêcher d’écrire à son sujet ? C’est le débat intérieur auquel est confronté le journaliste.

Pour certains, Mailloux ne devrait plus avoir le privilège de jouer au hockey de haut niveau, encore moins d’avoir été repêché par une organisation de la LNH.

Pour d’autres, la notion de réhabilitation est importante et Mailloux a suivi les étapes nécessaires pour mériter un pardon.

Diffamation et photographie choquante

Rappelons les faits, colligés par le service de police de Skellefteå, en novembre 2020, et d’abord rapportés par Frank Seravalli, du site dailyfaceoff.com, en juillet 2021.

Mailloux, 17 ans, se trouve en Suède au sein d’une équipe de troisième division pendant la longue pause pandémique de la Ligue de hockey junior de l’Ontario.

Pendant des ébats avec une jeune femme de 18 ans, Mailloux prend secrètement en photo sa partenaire au moment d’un échange sexuel, rapporte l’enquête de 48 pages.

On ne peut identifier la victime sur la photo, mais la chevelure laisse croire qu’il s’agit d’une femme. Lorsque Mailloux partage cette photo avec ses coéquipiers du SK Lejon sur leur groupe Snapchat au cours d’une randonnée en autocar, il ajoute aussi une capture d’écran du profil de la jeune femme dans lequel on peut cette fois l’identifier.

L’histoire est parvenue aux oreilles de la victime, qui a confronté le jeune hockeyeur, avant de porter plainte à la police.

Mailloux a admis les faits, n’a pas été arrêté, mais a été condamné par la Cour de justice suédoise à verser une amende de 1650 $ en devises américaines pour diffamation et photographie choquante.

Le jeune homme a pu poursuivre sa saison avec le SK Lejon, ce qui n’a pas manqué de soulever une controverse là-bas puisque le chef de police de la ville était en conflit d’intérêts flagrant : il était aussi directeur sportif du club de hockey en question.

À la veille du repêchage, Mailloux a accepté de rendre l’histoire publique même s’il était protégé par le sceau de confidentialité en raison de son statut de mineur au moment des faits.

Le jeune homme, en thérapie depuis son retour au pays, a aussi demandé aux équipes de la LNH de ne pas le repêcher.

« Être repêché dans la LNH est un honneur et un privilège, a-t-il expliqué dans un communiqué de presse. Je ne crois pas avoir montré assez de maturité et de caractère pour mériter ce privilège en 2021. Je sais qu’il faudra du temps avant de rebâtir la confiance que j’ai perdue aux yeux de la société, et c’est pourquoi je renonce à être repêché cette année. »

Malgré tout, Marc Bergevin et Trevor Timmins ont pris la décision de repêcher Logan Mailloux au 31e rang du premier tour. Ils ont ainsi montré moins de sensibilité envers la jeune femme et les victimes de crimes à caractère sexuel que Mailloux lui-même.

Pris dans une énorme tourmente, et pour calmer la grogne populaire, le Canadien a annoncé quelques semaines plus tard un plan de sensibilisation et de prévention en matière de cyberviolence, et rayé Mailloux de sa liste de joueurs invités au camp d’entraînement.

Ce jeune défenseur originaire de Belle River, près de Windsor, a aussi été suspendu indéfiniment par la Ligue de hockey junior de l’Ontario en septembre, avec possibilité de retour le 1er janvier.

Pendant sa suspension, Mailloux, de concert avec les Knights, s’est soumis à une autre thérapie avec une psychologue et à un plan de développement avec une conseillère en développement scolaire et personnel.

Un allié de taille

Mailloux n’a pas paru rouillé le week-end dernier, malgré des mois d’inactivité. Il a pu s’entraîner avec les Knights, mais n’avait pas disputé de match en presque un an.

Son physique imposant, malgré ses 18 ans, et sa mobilité lui permettent d’être dominant sur la glace.

Mailloux est un défenseur « moderne » qui n’hésite jamais à appuyer l’attaque.

Il possède un tir dévastateur. Il lui reste à peaufiner certains aspects de son jeu défensif, comme tous les jeunes de son âge. Il a tendance entre autres à être un peu trop stationnaire en patin arrière. Il peut s’en tirer au niveau junior, mais une telle lacune peut être fatale dans la LNH. Il est entre bonnes mains à London avec les frères Dale et Mark Hunter, les meilleurs développeurs de talent au pays.

Mailloux a un allié de taille dans son camp. Le directeur du développement des joueurs du Canadien, Rob Ramage, a eu droit à une deuxième chance.

En 2007, cet ancien défenseur des Blues de St. Louis, des Flames de Calgary et du Canadien a été condamné à quatre ans de prison pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort.

Quatre ans plus tôt, Ramage rentrait des funérailles de l’ancien hockeyeur de la LNH Keith McCreary en compagnie de son ami Keith Magnuson, un ancien de la LNH lui aussi.

Le véhicule conduit par Ramage, alors âgé de 44 ans, est entré en collision frontale avec une autre automobile dans la région de Toronto. Magnuson n’a pas survécu.

Ramage a purgé 10 mois de prison avant d’être libéré pour bonne conduite. Il a travaillé pour les Blues de 2009 et 2014 comme dépisteur, une saison à titre d’entraîneur adjoint à London, où évolue Mailloux, avant de se joindre au Canadien en 2014.

Le directeur du développement des joueurs du Canadien, âgé de 62 ans, se sert de sa propre expérience pour guider les jeunes et tenter de les garder dans le droit chemin.

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