Pandémie

65 000 Montréalais se sont initiés au jeu en ligne

Une nouvelle étude sur le jeu en ligne, réalisée par la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal, montre que 65 000 Montréalais – soit l’équivalent de la population totale de la municipalité de Mirabel – se seraient initiés au jeu en ligne pendant la première année de la pandémie.

L’étude a été réalisée en combinant les données provenant de trois sources : l’Institut national de santé publique, qui a réalisé une étude sur le thème du jeu en ligne au cours des 12 premiers mois de pandémie, l’enquête ENHJEU, également réalisée en 2021 par un groupe de chercheurs à l’échelle du Québec, ainsi que les données émanant de l’organisme Jeu : aide et référence.

La Presse a obtenu ce document, dont le titre est éloquent : « La nouvelle normalité des jeux de hasard et d’argent en ligne à Montréal ».

La tendance à l’augmentation du jeu en ligne observée à l’échelle du Québec se confirme à Montréal, montrent d’emblée les chiffres régionaux. De 4,4 % de joueurs en ligne en 2018, on est maintenant à 12 % d’adeptes du jeu en ligne sur le territoire de la métropole. Environ le tiers des joueurs montréalais – soit autour de 65 000 personnes – se seraient d’ailleurs initié au jeu en ligne pendant la première année de la pandémie.

« Quand le jeu en ligne a été étatisé en 2010, environ 1,5 % de la population du Québec jouait en ligne. Mais l’offre n’était pas du tout la même et les habitudes en ligne non plus », observe Jean-François Biron, expert en santé publique à la DRSP sur les jeux de hasard et d’argent. « Le mouvement à la hausse était déjà enclenché avant la pandémie, mais il y a eu une forte augmentation, exacerbée par la pandémie. »

Un joueur sur six joue tous les jours

Le tiers des joueurs en ligne ne fait qu’y acheter des billets de loterie ou des « gratteux », des jeux de hasard qui comportent assez peu de risques de dépendance. Cependant, plus du quart des joueurs (27 %) joue aux machines à sous et le cinquième (21 %) participe à des paris sportifs.

Or, le taux de joueurs problématiques se situe autour du tiers dans le cas des machines à sous (35 %) et des paris sportifs (32 %). Et la fréquence de jeu est parfois très élevée chez les Montréalais : un joueur sur six (15 %) y joue une fois par jour ou plusieurs fois par jour.

Plus du quart des joueurs en ligne montréalais (27 %) disent qu’ils consacrent trop de temps ou d’argent aux jeux de hasard et d’argent.

Afin de « mieux saisir l’influence de la pandémie sur la présence de détresse liée au jeu », on a également examiné les chiffres de l’organisme Jeu : aide et référence. Le nombre de demandes d’aide a connu une baisse drastique pendant la pandémie, passant de 2705 en 2019 à 862 en 2022. On observe une chute marquée des demandes touchant les appareils de loterie vidéo, mais une augmentation des consultations touchant au jeu en ligne.

Et maintenant, une fois les principaux sites de jeu rouverts et accessibles comme avant la pandémie, « vers où on s’en va ? se demande M. Biron. Une augmentation ou une stabilisation du jeu en ligne ? On ne le sait pas encore ».

Pour la DRSP, ces chiffres montrent néanmoins qu’il faut traiter la question du jeu en ligne « un peu plus sérieusement », en évitant, par exemple, de pousser les joueurs de loterie vers d’autres jeux en ligne où les risques sont plus élevés. Il faudrait aussi énoncer de nouvelles balises en matière de publicité des jeux en ligne. Un fascicule d’information destiné au grand public a d’ailleurs été produit par la DRSP sur la base de ces nouvelles données.

« Un parcours cahoteux » en vue pour le salon de jeu

Et, dans ce contexte, que dire de ce projet de salon de jeu au Centre Bell ? La Presse a révélé à la fin du mois de février que Loto-Québec planifiait depuis plusieurs mois l’ouverture d’un salon de jeu au Centre Bell, en collaboration avec le Groupe CH, propriétaire du Canadien de Montréal. L’établissement, installé dans le local de l’ancien restaurant 1909 Taverne Moderne, compterait plusieurs centaines de machines à sous et des bornes de paris sportifs.

La DRSP n’a toujours pas reçu de projet concret de la société d’État, précise M. Biron, et n’a donc pas été en mesure de donner son opinion sur la chose. « Mais nous avons noté que le projet suscite des craintes, et de la colère. »

« On n’est pas aveugles : on a vu qu’il y avait un certain nombre de gens qui avaient des craintes. »

— Jean-François Biron, spécialiste en jeu à la Direction régionale de santé publique de Montréal, au sujet du projet de salon de jeu au Centre Bell

Et l’un d’entre eux est Serge Sasseville, conseiller du district Peter-McGill, qui a pris la parole mardi au conseil municipal pour exprimer son opposition au projet et sa volonté de le bloquer.

« C’est un quartier où l’on a déjà d’énormes problèmes de criminalité, de personnes vulnérables, d’itinérance, de violence, de trafic de drogue, de prostitution. Alors il est hors de question qu’un tel projet soit ouvert au Centre Bell, en ce qui me concerne », a-t-il déclaré au conseil municipal.

M. Sasseville croit que le projet devrait obligatoirement passer devant le conseil d’arrondissement de Ville-Marie, où il siège avec cinq autres élus. « Je n’ai qu’une seule voix au conseil d’arrondissement, mais je peux vous assurer que je vais la faire valoir de façon assez forte pour m’opposer à ce projet-là afin qu’il ne voie jamais le jour, a-t-il dit. Je vais paraphraser Bette Davis dans All About Eve : attachez votre ceinture, ce sera un parcours cahoteux. »

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