Maladie d’Alzheimer

Le gouvernement doit investir en prévention

La maladie d’Alzheimer coûtera 16,6 milliards au système de santé québécois en 2031. C’est une nécessité pour le gouvernement d’investir en prévention.

Ne pas se rappeler ce qu’on a mangé au déjeuner, si l’on a partagé ce moment avec quelqu’un, si le repas était à notre goût… Ce type d’oublis est vécu à un moment ou à un autre par plus de 160 000 personnes touchées par la maladie d’Alzheimer ou d’autres troubles neurocognitifs majeurs (TNCM) au Québec1.

Lorsque la maladie progresse vers les stades les plus avancés, c’est la vie entière de la personne touchée qui semble lui filer entre les doigts, un souvenir à la fois, jusqu’à ce qu’une aide constante soit requise pour s’alimenter, se laver, s’habiller.

Le chamboulement dans la vie des proches aidants est ainsi bien réel. Trop souvent, ils s’épuisent à la tâche, sans compter la peine qu’ils éprouvent de voir la personne qu’ils ont connue et aimée s’effacer tranquillement. Jusqu’à 45 % des proches aidants disent ressentir de la détresse1.

Pression sur un système déjà mis à mal

Avec le vieillissement de la population et en l’absence de traitement curatif, on anticipe que les cas de maladie d’Alzheimer ou autres TNCM vont doubler pour atteindre 300 000 personnes d’ici 20401 et que les coûts directs atteindront 16,6 milliards de dollars dès 20312, ce qui entraînera nécessairement une pression sur le système de santé.

Ce système de santé qui est mis à mal depuis plus de deux ans, et qui, comme tous les secteurs économiques, est frappé de plein fouet par la pénurie de main-d’œuvre.

Dans quel état sera-t-il, dans 10 ans, si les vagues de COVID-19 ou d’autres pandémies continuent de l’inonder ? Comment pourra-t-on prendre soin de toutes les personnes touchées par les TNCM ?

D’ici à ce qu’un traitement curatif soit découvert, la prévention demeure la stratégie la plus prometteuse pour faire face à l’enjeu grandissant et ainsi réduire les lourdes conséquences humaines et financières pour la société québécoise.

C’est pourquoi, en cette période électorale, nous demandons de faire de la prévention de la maladie d’Alzheimer et des autres TNCM une priorité de santé publique.

Des données scientifiques récentes nous indiquent que c’est possible de mettre toutes les chances de son côté pour garder un cerveau en santé, en adoptant de saines habitudes de vie. En effet, jusqu’à 40 % des cas de la maladie d’Alzheimer et des autres troubles neurocognitifs majeurs seraient attribuables à des facteurs de risque modifiables, dont une large partie est liée au mode de vie3.

Recommendations

Nous demandons donc aux futurs élus de considérer les six recommandations suivantes, développées par les chercheuses Isabelle Lussier et Sylvie Belleville ainsi que les autres membres du comité scientifique de Lucilab4 :

1. Assurer la collecte des données sur la prévalence et l’incidence de la maladie d’Alzheimer et les autres troubles neurocognitifs majeurs au sein de la population québécoise, et rendre ces données accessibles, afin de brosser un portrait clair de la situation dans la province et d’être en mesure d’en suivre l’évolution ;

2. Évaluer les coûts directs sur le réseau de la santé et les coûts indirects, notamment pour les proches aidants, de la maladie d’Alzheimer pour la société québécoise et analyser l’impact socio-économique des interventions probantes identifiées ;

3. Augmenter le financement de la recherche sur la prévention de la maladie d’Alzheimer afin d’établir les interventions les plus probantes pour préserver la santé cognitive et réduire le risque de déclin cognitif de la population vieillissante ;

4. Participer activement aux initiatives de sensibilisation et d’information du public sur les facteurs de risque et de protection de la santé cognitive, par exemple en contribuant à la production et à la diffusion de contenus éducatifs de qualité sur le rôle des saines habitudes de vie ;

5. Soutenir le développement de solutions innovantes (p. ex., des outils technologiques) et les mettre à la disposition du public pour faciliter l’adoption et le maintien de saines habitudes de vie ;

6. Élargir l’accès à des intervenants spécialement formés pour accompagner et soutenir les adultes et les aînés dans leur démarche d’adoption d’un mode de vie sain.

2. Société Alzheimer Canada, « Prévalence et coûts financiers des maladies cognitives au Canada », 2016.

3. Livingston et al., « Dementia prevention, intervention, and care: 2020 report of the Lancet Commission », 2020.

* Cosignataires : Sylvie Belleville, professeure titulaire au département de psychologie de l’Université de Montréal, directrice de laboratoire à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM), titulaire de la Chaire de recherche du Canada en Neuroscience cognitive du vieillissement et plasticité cérébrale et présidente du comité scientifique de Lucilab ; Isabelle Lussier, directrice, recherche et intervention, chez Lucilab.

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