Lutte contre la COVID-19

À la recherche de l’anticorps champion

Choisir des personnes guéries de la COVID-19 pour trouver le bon anticorps capable de neutraliser le virus : voilà le défi que s’est donné Immune Biosolutions. Son objectif ultime est de développer au Québec une immunothérapie contre le coronavirus. Pour y arriver, l’entreprise de Sherbrooke est allée chercher la collaboration cruciale de plusieurs organisations québécoises.

« Les 10 patients convalescents recrutés ont produit plusieurs centaines d’anticorps différents contre la COVID-19 », indique Frédéric Leduc, PDG d’Immune Biosolutions.

Il a pu trouver ces patients grâce à l’entreprise Diex Recherche et à l’équipe du docteur Alex Carignan, microbiologiste infectiologue et professeur-chercheur à l’Université de Sherbrooke. Ils participeront aussi aux études cliniques. Mais d’abord, Immune Biosolutions doit sélectionner le bon anticorps.

« Il faut qu’il puisse neutraliser le virus. Pensez à une voiture qui se promène dans le corps humain. Si un anticorps s’attaque au capot de la voiture, ça ne l’empêchera pas d’avancer. Ça prend un anticorps qui vient bloquer les roues. »

— Frédéric Leduc

Trouver cet anticorps champion est le grand défi qu’Immune Biosolutions tente de relever actuellement en laboratoire. Cette entreprise fondée il y a huit ans spécialisée dans la découverte et le développement d’anticorps pourra ensuite cloner son champion et le faire produire par bioréacteur en grande quantité. C’est ce qui donnera l’immunothérapie, donc les anticorps qu’on pourra injecter aux gens pour lutter contre la COVID-19.

Le maillon faible

Tout un écosystème des sciences de la vie est présent au Québec, mais aux yeux de Frédéric Leduc, il y a un maillon faible : la production de médicaments biologiques, comme des anticorps et des vaccins, fabriqués à partir de cellules vivantes.

« On a peu d’installations qui peuvent produire ce genre de molécules au Québec et au Canada, indique Frédéric Leduc. La tendance était plutôt de les faire produire à l’étranger. »

Or, la pandémie de COVID-19 a montré l’importance pour les pays d’avoir une certaine autonomie en production de médicaments. « Les fabricants peuvent être réquisitionnés par leur gouvernement et devoir mettre de côté leurs projets étrangers, explique M. Leduc. Puis, avec la rareté mondiale actuelle en biofabrication, les petites entreprises comme la nôtre ne sont pas nécessairement priorisées et doivent se battre contre des géants. »

Pour produire son anticorps champion en grande quantité, il s’est tourné vers une entreprise de biofabrication québécoise – qu’on ne peut pas nommer à ce stade – avec qui il travaillait sur un autre projet avant la pandémie.

« Cette entreprise regarde comment elle peut adapter ses bioréacteurs pour produire nos anticorps, explique M. Leduc. Faire affaire avec un partenaire québécois facilite beaucoup l’interaction entre les équipes. L’objectif est que cette entreprise s’installe à Sherbrooke, où elle pourra produire les anticorps nécessaires pour réaliser nos études cliniques qui s’amorceront dans quelques mois. »

Pourquoi l’immunothérapie ?

Pourquoi chercher une immunothérapie plutôt qu’un vaccin ? En fait, il faudrait les deux, d’après Frédéric Leduc.

« Il faut un vaccin parce qu’il stimule le système immunitaire qui peut ensuite avoir une défense à long terme contre le virus, explique-t-il. Mais comme il amènera une protection pour plusieurs années, de 12 à 18 mois seront nécessaires avant de pouvoir le déployer. Comme l’immunothérapie est à utilisation unique, dans le sens que les anticorps sont évacués du corps après avoir combattu le virus, elle pourrait probablement être approuvée plus rapidement. »

En attendant le vaccin, Frédéric Leduc, qui a un doctorat en biochimie, croit que l’immunothérapie pourrait être utilisée en prévention ou dès l’apparition de symptômes chez certaines populations plus à risque, comme les travailleurs de la santé, les éducateurs à la petite enfance et les enseignants.

De plus, même avec un vaccin, l’immunothérapie pourrait sauver des vies. « Un vaccin est efficace avec un système immunitaire pleinement fonctionnel, indique M. Leduc. Or, ce virus a l’air d’affecter beaucoup les personnes âgées et les gens immunocompromis. Ces personnes vulnérables répondent moins bien à la vaccination. Mais l’immunothérapie pourrait les aider. »

Pour que le rêve devienne réalité, l’entrepreneur répète qu’il faudra augmenter la capacité de production au Québec.

« Si les gouvernements soutiennent ce genre d’initiative, il y aura des effets à long terme sur tout le secteur, affirme-t-il. Ça permettrait non seulement de mieux répondre à la pandémie actuelle, mais aussi à d’autres défis, notamment en oncologie et dans le domaine cardiovasculaire. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.