COVID-19

Éviter les 28 jours de la marmotte

On devra apprendre à vivre avec le virus après le 28 octobre. La Corée du Sud peut nous montrer comment.

En Corée du Sud, début septembre, la question à 100 000 wons était de savoir si on maintenait le « Niveau 2,5 » dans la région de Séoul1. À ce degré d’alerte, les bars et les restaurants doivent fermer à 21 h et les cafés et autres commerces de nourriture sont restreints aux commandes à emporter en tout temps. Des activités à risque comme les gyms et le karaoké sont interdites, de même que les rassemblements intérieurs de plus de 50 personnes.

En Corée, début septembre, on s’inquiète parce que les nouveaux cas viennent d’atteindre un sommet depuis le printemps, à 441 cas, et qu’ils se maintiennent entre 100 et 200 cas par jour. Deux cents cas. Pour 51 millions d’habitants. Et le gouvernement agonise à savoir s’il lâche un peu de lousse.

Au même moment, au Québec, on franchissait allègrement la barre des 300 nouveaux cas dans notre tribu de 8 millions, en baignant dans le vert ou le jaune (et en se demandant ce que ça changeait, d’ailleurs). Deux semaines plus tard, le Québec frappait les 1000 cas. La Corée, elle, était de retour sous les 100 cas. Et les karaokés ont rouvert à Séoul2.

Les choix coréens

Les choses n’avaient pas très bien commencé en Corée du Sud. Fin février, le pays était – de loin – celui qui rapportait le plus de cas hors de la Chine. Au lieu de fermer les frontières et d’enfermer la population, on s’est consacré à combattre le virus. Comme l’a souligné un médecin coréen, le confinement, « c’était ce que les gens faisaient au Moyen-Âge pour la peste, parce qu’ils ne savaient pas ce qui causait les infections ni où la maladie se propageait.3 » On a donc testé et tracé massivement.

La capacité de dépistage a été augmentée rapidement à l’aide de firmes locales et grâce à l’approbation accélérée des tests. Les Coréens sont ainsi restés en avance sur la pandémie plutôt que de lui courir après.

On a aussi fait des choix difficiles pour une démocratie libérale – et la Corée du Sud en est une, vibrante –, mais qui se sont avérés payants pour la lutte contre le virus : la santé publique a utilisé les données des cellulaires, des transactions par carte de crédit et même les images de caméras de surveillance pour faciliter le traçage plutôt que de s’en remettre à la bonne (ou moins bonne) volonté de tout un chacun.

On peut débattre de ce que cela implique, mais il reste qu’il est difficile de demander à un virus de cesser de se propager pendant qu’on discute. Concrètement, ces intrusions dans la vie privée – que bien des Coréens n’ont pas appréciées – ont probablement sauvé des milliers de vies. La Corée a 450 morts depuis le début de la pandémie. C’est moins que la ville de Laval…

La Corée du Sud n’a aussi jamais baissé sa garde, comme le montre la réaction de son gouvernement face aux hausses récentes, relativement modestes. En somme, les Coréens ont appris à vivre avec le virus sans imposer de confinement à grande échelle. Les fermetures ont été plus ciblées et moins durables. L’économie coréenne a aussi été beaucoup moins touchée que celles des autres pays riches4.

Le contraste québécois

Le contraste avec le Québec est saisissant. On a déconfiné avant le reste du pays après avoir présenté le pire bilan ; espéré en vain pendant des mois que le dépistage décolle ; regardé des régions changer de couleur trois fois avant de réagir ; et finalement, peint la province en rouge après que les cas ont explosé.

À travers ça, on a eu le temps de passer de la grande province avec le plus de cas, puis le moins de cas, et le plus de cas encore.

Comment s’éviter de telles montagnes russes à chaque nouvelle vague et que le défi des 28 jours ne se transforme en 28 jours de la marmotte ?

D’abord, on devra accepter que toute restriction fait mal, mais qu’elle finit par faire moins mal si elle est appliquée plus tôt. Autrement dit, on ferait mieux d’agir à 100 cas, quand le feu est autour de la cuisinière, qu’à 500 cas, quand il se promène entre les murs.

Ensuite, le dépistage et le traçage sont cruciaux. Le Québec teste plus qu’au printemps, mais peine toujours à communiquer les résultats (même les cas positifs). Nos méthodes de traçage sont préhistoriques. Sans reprendre toutes les méthodes coréennes, on doit trouver une façon d’aller plus vite, quitte à écraser quelques orteils ou à couper dans la bureaucratie au passage. L’application de traçage de contacts du fédéral va aider, mais il est peut-être temps d’aller plus loin.

Le confinement est un outil grossier, insoutenable à long terme. La solution n’est pas de se donner des permissions temporaires de faire le party pour recommencer ensuite à paniquer, mais de relever notre garde et d’agir de façon plus prompte et plus ciblée.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.