Crise climatique

Les émissions de GES du Québec augmentent encore

Loin de diminuer comme elles le devraient, les émissions de gaz à effet de serre du Québec continuent d’augmenter, révèlent les plus récentes données officielles.

Le Québec a émis 84,3 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Mt éq. CO2) en 2019, révèle l’Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre (GES) publié mercredi par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

Les émissions de 2019 sont donc inférieures de seulement 2,7 % à celles de 1990, alors que Québec s’est engagé à les réduire de 37,5 % d’ici 2030 pour limiter le réchauffement climatique.

Elles représentent par ailleurs une augmentation de 1,6 % par rapport aux émissions de 2018, qui étaient de 83 Mt éq. CO2, un chiffre revu à la hausse depuis l’inventaire précédent – les bilans passés sont souvent modifiés a posteriori pour inclure des données qui n’étaient pas disponibles initialement ou pour tenir compte de méthodes de calcul améliorées.

C’est donc la troisième année de suite que les émissions de GES du Québec augmentent depuis le creux observé au milieu de la décennie 2010.

Principaux responsables : les transports

Le secteur des transports demeure le principal émetteur de GES au Québec, avec 36,5 Mt éq. CO2, soit 43 % du total.

Ces émissions sont essentiellement dues au transport routier, qui a généré à lui seul 29 millions de tonnes de GES en 2019, contre 18 en 1990.

Les industries sont le deuxième secteur d’émissions en importance, avec 24,8 Mt éq. CO2, suivies par le chauffage des bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels, avec 8,4 Mt éq. CO2.

« Ces données prouvent, une fois de plus, que les actions réalisées par le passé pour réduire les émissions de GES au Québec ont été nettement insuffisantes et que plusieurs choix n’ont pas été judicieux », a déclaré dans un communiqué le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, soulignant que la cimenterie McInnis, en Gaspésie, a émis à elle seule plus de 1 million de tonnes de GES en 2019.

Repousser le travail difficile

La poursuite du « cycle haussier » des émissions de GES du Québec inquiète le professeur Jérôme Dupras, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique à l’Université du Québec en Outaouais.

« Chaque année où l’on hausse nos émissions, c’est un défi supplémentaire [de réduction] pour plus tard », rappelle-t-il.

Le professeur Dupras ne s’attend pas à ce que les émissions du Québec affichent une baisse dans les années subséquentes, à l’exception d’un possible « effet pandémie » – les émissions de l’année 2020 seront publiées à la fin de 2022.

« Ça m’inquiète énormément, ça montre que les effets sont très mitigés [malgré] nos efforts et tout l’argent qu’on investit. »

— Jérôme Dupras, Université du Québec en Outaouais

Il appelle le gouvernement Legault à « investir dans les bonnes infrastructures » et à adopter des mesures pour réduire la « dépendance à l’auto solo », estimant que l’élargissement et la construction d’autoroutes sont incompatibles avec les objectifs de réduction des émissions de GES.

Tirs groupés contre le gouvernement

Groupes écologistes et opposition ont à nouveau attaqué l’action climatique du gouvernement Legault, dans la foulée de la publication du nouvel inventaire des émissions de GES.

« Les gouvernements se succèdent, mais les résultats restent les mêmes », affirme Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre, qui observe que l’année 2019 marque le moment où les émissions de gaz à effet de serre des camions légers ont dépassé celles des automobiles.

« Tous les gains obtenus en efficacité énergétique ont été effacés en raison de la croissance débridée d’un parc automobile composé de véhicules toujours plus gros et plus lourds », a-t-il déclaré à La Presse.

« Une vraie transition énergétique, ce n’est pas qu’électrifier nos transports, nos industries et [nos] bâtiments. C’est plutôt revoir nos modes de vie et nos habitudes de consommation de fond en comble. Le Québec se doit de miser sur la sobriété énergétique. »

— Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre

Le Québec doit « prioriser la sobriété énergétique et cesser l’expansion du système autoroutier en commençant par abandonner l’absurdité qu’est le projet de troisième lien [entre Québec et Lévis] », ajoute Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada.

« Au lieu de se cacher derrière les piètres performances des gouvernements précédents, ce gouvernement devrait se regarder dans le miroir alors que son bilan climatique est loin d’être reluisant après plus de trois ans au pouvoir », lance-t-il.

Le gouvernement Legault doit s’activer « sans délai » au lieu de « mettre la faute sur le dos des autres », affirme aussi le porte-parole du Parti québécois en environnement, Sylvain Gaudreault.

Il réclame que Québec adopte une loi sur le respect des obligations climatiques comprenant un budget carbone, abandonne le projet de troisième lien et consacre 1 % du plan québécois d’infrastructures au verdissement des infrastructures.

Une multitude de gaz à effet de serre

En plus du dioxyde de carbone (CO2), qui représentait 77,3 % des émissions québécoises de gaz à effet de serre en 2019, la province a généré une multitude d’autres gaz responsables du réchauffement de la planète. Le méthane (CH4), de source agricole ou fossile, arrivait au deuxième rang, à 14,0 %. Suivait l’oxyde nitreux (N2O), provenant essentiellement du secteur agricole, à 5,1 %. Les hydrofluorocarbures (HFC) et les perfluorocarbures (PFC), des gaz qui servent notamment dans les appareils réfrigérants ou de climatisation, représentaient respectivement 2,9 % et 0,6 % du total.

Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Émissions de gaz à effet de serre du Québec

(En millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone, Mt éq. CO2)

2019 : 84,3

2018 : 83,0

2017 : 83,3

2016 : 80,9

2015 : 80,9

1990 : 86,7

Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

11,5 %

Part que représentaient les émissions du Québec dans les émissions canadiennes, en 2019 

— Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

730,2 Mt éq. CO2

Émissions canadiennes de gaz à effet de serre en 2019

— Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

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