CARNET D’ENDORPHINES

Histoires de genoux

Faites le test. Dans une soirée mondaine, énoncez négligemment que vous avez commencé la course à pied. Remplissez votre verre, installez-vous confortablement et admirez le spectacle du chœur qui répond à l’unisson : « La course ? Mais tu es fou, tu vas te massacrer les genoux ! »

Histoire de se donner les réponses adéquates pour contrer les prédicateurs de l’apocalypse, j’ai consulté mon physiothérapeute préféré, le prodigieux Denis Fortier, auteur de plusieurs livres sur les rouages de notre corps et les meilleures façons d’en prendre soin.

Cher physio de mon corps, sois franc. Cette menace de destruction massive de mes genoux, c’est une promesse électorale ou une calamité inévitable ?

« C’est la promesse électorale d’un parti de l’opposition !

« L’opposition à la course vient principalement de cette hypothèse : les impacts répétés abîment les genoux. Bye bye rotules et cartilages, disent certains.

« Pourtant, le taux de blessures en course à pied est relativement bas, nettement inférieur à ceux de sports comme le soccer et le hockey et pour lesquels on ne s’inquiète pas. 

« Le faible taux de blessures s’explique par des raisons mécaniques :

– Nos genoux détestent les chutes, les torsions répétées et les “bing bang rentre dedans”, des stress qui sont absents en course à pied (tiens, tiens). 

– Nos genoux adorent bouger, plier, se déplier et s’envoyer en l’air, particulièrement nos cartilages qui se nourrissent grâce aux forces compressives.

– La pire chose pour nos genoux n’est pas de courir, mais bien de rester dans le divan. La sédentarité immobilise nos structures articulaires, diminue l’activité du liquide synovial (celui qui nourrit nos cartilages), en plus d’être associée à des taux d’obésité plus élevés.

« Un bémol : l’absence de repos et le surentraînement augmentent le risque de blessures, notamment aux genoux. Un peu de divan est donc recommandé ! »

Quand ma bandelette se révolte, pourquoi est-ce aux genoux que j’ai mal ?

« La bandelette ilio-tibiale est une véritable structure multitâche. Elle peut générer certains mouvements du genou et de la hanche, en freiner d’autres et même emmagasiner de l’énergie. On peut presque dire que la bandelette est un sling shot.

« Sauf que… la répétition des mouvements en course à pied met à l’épreuve la bandelette, soit en la comprimant sur le genou ou en lui faisant effectuer des frictions sur l’extrémité du fémur, comme un mouvement d’essuie-glace. La douleur ressentie est une sensation de brûlure localisée sur le bord externe du genou.

« Certains auteurs estiment que le syndrome de la bandelette ilio-tibiale est présent chez près de 10 % des coureurs, et le risque d’en souffrir augmente proportionnellement aux distances parcourues et au volume d’entraînement.

« Il y a aussi le syndrome fémoro-rotulien [ou patellaire] qui est plutôt associé à une douleur de la partie avant du genou.

« Les deux syndromes [fémoro-patellaire et celui de la bandelette] ont un point en commun : une difficulté de contrôler et de stabiliser adéquatement les mouvements du tronc, du bassin et du genou lorsque le poids du corps se déplace vers le bas et vers l’avant, soit pendant la flexion du genou.

« Trois facteurs nous rendent vulnérables :

– un manque de souplesse de la bandelette et du muscle qui la met sous tension, le tenseur du fascia lata ;

– un manque de souplesse et de force musculaire aux fessiers et autres plus petits muscles de la hanche ;

– un patron de course (la foulée) inadéquat. »

Comment puis-je régler, ou – encore mieux – prévenir cette douleur qui gâche ma course ?

« – Traitez d’abord la douleur aiguë : cessez de courir et évitez les activités qui impliquent des mouvements répétitifs du genou.

– Massez les fessiers et les muscles situés sur le côté externe de la cuisse (avec la main, un rouleau ou une grosse balle).

– Augmentez la force et la souplesse des fessiers et des muscles de la hanche (bonjour musculation et étirements) !

– Faites analyser votre patron de course par un pro, et révisez votre technique. Par exemple, évitez les foulées trop longues ou les mouvements asymétriques des genoux.

– Si ça persiste, il ne faut pas hésiter à consulter un physio ou un médecin sportif. On ne gagne rien à attendre, l’inflammation qui s’installe endommage la bandelette. »

Cher physio, merci. Me voilà maintenant équipée pour répondre aux prophètes de malheur, et pour courir longtemps.

Denis Fortier est l’auteur du livre 99 façons de soulager les douleurs au dos et au cou et de 99 façons de prévenir les effets du vieillissement.

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