Rondelle libre

Ayons des attentes réalistes envers Juraj Slafkovsky

« Oui, mais c’est un premier choix au repêchage. Et un premier choix doit produire. »

Cette phrase, entendue de nombreuses fois pendant le camp des recrues sur les réseaux sociaux, risque d’émerger de nouveau pendant le camp d’entraînement où Juraj Slafkovsky sera l’un des principaux points de mire. Le Canadien n’avait pas repêché au premier rang de la LNH depuis 1980, après tout.

Les attentes sont toujours énormes à Montréal. D’ailleurs, Guy Lafleur, qui aurait fêté ses 71 ans mardi, était considéré comme un échec après une première saison de 29 buts et 64 points en 71 matchs en 1970-1971…

Quelles seraient des attentes réalistes cette saison envers ce jeune colosse slovaque de 18 ans ? Prenons les 15 derniers repêchages et comparons. Dans trois cas, un défenseur a été choisi premier et nous lui avons substitué un attaquant repêché au deuxième rang.*

Penchons-nous d’abord sur sa destination pour la prochaine saison.

S’il est renvoyé chez le Rocket de Laval dans la Ligue américaine au terme du camp d’entraînement, Slafkovsky deviendrait le premier attaquant repêché au premier rang total depuis Mats Sundin en 1989 à ne pas entamer sa carrière sur-le-champ dans la LNH. Sundin avait disputé une saison supplémentaire à Djurgårdens, en Suède, avant de rejoindre les Nordiques. Eric Lindros n’ait pas joué dans la LNH à sa première année d’admissibilité, en 1991, mais pour des raisons différentes : il ne voulait pas jouer pour l’équipe qui venait de le repêcher, les Nordiques.

En raison de son gabarit imposant, 6 pi 3 po et 238 lb et du contexte de reconstruction du Canadien, on peut s’attendre à voir Slafkovsky entamer l’année à Montréal, à moins évidemment de performances décevantes au camp.

S’il demeure avec le Canadien le 12 octobre, il faudra s’assurer d’avoir des attentes raisonnables à son endroit. Espérer 30 buts et 60 points ou plus n’est pas raisonnable, si l’on se fie à la production des premiers choix au total avant lui.

Depuis 2007, seuls Auston Matthews, Connor McDavid, Nathan MacKinnon, Ryan Nugent-Hopkins et Patrick Kane ont réussi des saisons de 60 points ou plus. Matthews et Kane sont nés en fin d’année, donc considérés comme des late dans le jargon du milieu, c’est-à-dire qu’ils ont entamé leur carrière à 19 ans ou presque.

Il semble de plus en plus difficile de produire pour une recrue de 18 ans depuis quelques années. Alexis Lafrenière, Jack Hughes et Andrei Svechnikov n’ont pas atteint la marque des 40 points (au prorata d’une saison de 82 matchs). Nico Hischier, premier choix en 2017, a été le dernier à réaliser l’exploit.

Même John Tavares, Steven Stamkos et Taylor Hall n’ont pas explosé à leur année recrue : 54 points pour Tavares, 48 pour Stamkos et 56 pour Hall. Ils étaient pourtant considérés comme les têtes d’affiche de cuvées très prometteuses, comparativement à celle de Slafkovsky.

En tenant compte de tous ces facteurs, une saison de 15 à 20 buts et de 35 à 40 points pourrait être considérée comme réaliste pour ce jeune homme, si tout va bien évidemment. Et tant mieux s’il surpasse les attentes.

2021

Matt Beniers, centre, Seattle* (Une année supplémentaire dans la NCAA, 9 points en 10 matchs en fin de saison à Seattle)

– Après une fin de saison prometteuse après son parcours universitaire à Michigan, Beniers est destiné au poste de premier centre pour entamer la saison.

2020

Alexis Lafrenière, ailier, Rangers de NY (56 matchs, 12 buts, 21 points)

– À sa deuxième année dans la LNH, l’an dernier, Lafrenière a haussé sa production à 32 points, a connu de bonnes séries avec 9 points en 20 matchs et tentera de maintenir une place au sein d’un trio offensif cette année.

2019

Jack Hughes, centre, New Jersey (61 matchs, 7 buts, 21 points)

– Hughes a explosé à sa troisième saison dans la LNH avec 56 points en 46 matchs, avant de se blesser. Les attentes sont énormes dans le cas de ce premier centre des Devils.

2018

Andrei Svechnikov, ailier, Caroline* (82 matchs, 20 buts, 37 points)

– Svechnikov vient de connaître la saison la plus productive de sa carrière, à sa quatrième année, avec 30 buts et 69 points.

2017

Nico Hischier, centre, New Jersey (82 matchs, 20 buts, 52 points)

– Hischier a été miné par les blessures depuis le début de sa carrière, mais après quelques saisons difficiles, il vient de connaître une production de 60 points en 70 matchs, tout en étant irréprochable défensivement.

2016

Auston Matthews, centre, Toronto (82 matchs, 40 buts, 69 points)

– Matthews est une grande star depuis son entrée dans la LNH. Il vient d’atteindre de nouveaux plateaux, avec 60 buts et 106 points, à 25 ans. Il n’avait pas amassé plus de 80 points auparavant.

2015

Connor McDavid, centre, Edmonton (45 matchs, 16 buts, 48 points)

– Un total de 697 points à ses 487 premiers matchs en carrière. Déjà cinq saisons de plus de 100 points. Il ne lui manque que la Coupe.

2014

Sam Reinhart, centre, Buffalo* (Une saison supplémentaire chez les juniors après 9 matchs – 1 aide – à Buffalo)

– Reinhart a progressé lentement, mais sûrement. L’échange aux Panthers de la Floride a relancé sa carrière. Il a enfin dépassé le plateau des 65 points, à 26 ans, avec une production de 82 points.

2013

Nathan MacKinnon, centre, Colorado (82 matchs, 24 buts, 63 points)

– Contrairement aux apparences, le parcours de MacKinnon n’a pas été linéaire. Il a amassé seulement 38 points en 64 matchs à sa deuxième saison, mais il produit depuis à un rythme fou au sein de la meilleure équipe de la LNH. Il sera désormais le joueur le mieux payé aussi.

2012

Nail Yakupov, ailier, Edmonton (48 matchs, 17 buts, 31 points)

– Plusieurs semblent l’avoir oublié, mais Yakupov a produit à un rythme de 29 buts à sa première saison. Mais sa carrière a vite dégringolé. À 25 ans, il n’était déjà plus dans la LNH.

2011

Ryan Nugent-Hopkins, centre, Edmonton (62 matchs, 18 buts, 52 points)

– Nugent-Hopkins a lui aussi entamé sa carrière sur les chapeaux de roues. Mais au lieu de progresser, il est devenu un centre de deuxième et de troisième trio. Sa première saison fut l’une de ses meilleures offensivement.

2010

Taylor Hall, ailier, Edmonton (62 matchs, 22 buts, 42 points)

– Hall, 30 ans, en est déjà à sa cinquième équipe. Il a connu deux grandes saisons en carrière, l’une de 80 points à Edmonton, l’autre de 93 points qui lui a valu le trophée Hart avec les Devils du New Jersey en 2018. Il demeure un ailier doué, mais pas un catalyseur.

2009

John Tavares, centre, Islanders de NY (82 matchs, 24 buts, 54 points)

– On peut déjà cerner la carrière de John Tavares et son impact, après 13 saisons et 32 ans sonnés. Tavares est un bon centre offensif, quoiqu’il a atteint la marque des 40 buts une seule fois, et jamais 90 points, mais pas un centre de la trempe des Crosby, MacKinnon, Stamkos, Matthews et McDavid.

2008

Steven Stamkos, centre, Tampa Bay (79 matchs, 23 buts, 46 points)

– Au terme de la saison, l’entraîneur-chef du Lightning à l’époque, Barry Melrose, avait déclaré qu’il n’était pas prêt pour la LNH. On n’a plus jamais revu Melrose par la suite. Stamkos atteindra la marque des 500 buts à l’hiver, avec deux Coupes Stanley en banque.

2007

Patrick Kane, ailier, Chicago (82 matchs, 21 buts, 72 points)

– Sa petite taille suscitait certaines interrogations avant le repêchage, mais les Blackhawks n’ont jamais hésité. Le voilà déjà à 1180 points en 1107 matchs en carrière, quelques Coupes Stanley et à la veille peut-être de passer à un club champion.

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