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Taxer les restaurants pour financer les festivals

Une fausse bonne idée

Certains parlent de taxer les restaurants pour financer des festivals. C’est une fausse bonne idée.

En effet, une soirée au spectacle et un souper au restaurant sont deux côtés d’une même pièce. Les gens vont manger avant ou même après la représentation. C’est un phénomène qui est le même partout et bien documenté. Un théâtre a intérêt à être établi dans une zone où il y a des restaurants parce que ces deux entités participent à l’expérience d’une sortie.

Affirmer que les restaurants profitent des évènements et des salles de spectacles est vrai. Cependant, l’inverse est aussi vrai. Sans restaurants ou bars autour, la sortie devient moins intéressante, elle n’est pas complète. Alors vouloir taxer les restaurants et les autres commerces autour du Quartier des spectacles pour financer les festivals est un non-sens, d’autant qu’aux fins d’équité, il faudrait le faire partout où il y a des théâtres ou des musées.

De toute façon, cette taxe se répercutera immanquablement sur le prix d’un repas et deviendra de ce fait un impôt déguisé.

Si evenko veut générer plus d’argent pour ses festivals, il n’a qu’à revoir son modèle d’affaires. En premier lieu, madame la mairesse de Montréal devrait modifier son règlement voulant que seuls les spectacles gratuits puissent avoir lieu à la place des Festivals.

Permettre une section VIP pourrait contribuer à financer la partie gratuite d’un festival. Si malgré cela l’opération d’un festival n’est pas rentable, il faut amincir la structure de gestion et augmenter le prix des billets. Il faut aussi transformer les entités que sont les festivals OBNL en entreprises à but lucratif.

Le festival aurait alors pour mission de générer des profits pour ses actionnaires. De cette façon, les choses sont claires, car un esprit chagrin pourrait faire remarquer qu’il est facile, quand on possède deux entreprises, d’attribuer des dépenses à la première pour s’assurer que celle-ci ne fasse pas de surplus (pour pouvoir continuer à bénéficier de subventions) et augmenter le bénéfice de la seconde qui sera distribué aux actionnaires. Cet esprit chagrin ne dit pas que c’est le cas dans l’exemple qui nous occupe, remarquez. Il ne fait que souligner une évidence qui est dans le domaine du possible.

De toute façon, ce n’est pas aux contribuables de payer pour qu’une entreprise à but lucratif fasse des profits. Il faut se souvenir que l’État donne des privilèges à un OBNL, comme un festival, une compagnie de théâtre, un hôpital ou une université. Ces privilèges sont : premièrement, les surplus ne sont pas imposables et restent dans la compagnie, contrairement aux profits d’une entreprise à but lucratif qui sont imposables et qui peuvent être distribués aux actionnaires. Deuxièmement, l’OBNL peut obtenir un statut d’œuvre de charité et remettre des reçus aux fins d’impôt ; elle peut aussi bénéficier de subventions publiques pour l’aider à atteindre ses objectifs pour le bien de la société. Il existe de ces structures hybrides, une entreprise à but lucratif associée à un OBNL, dans d’autres domaines comme la santé ou les services sociaux.

Le principe est que la société à but lucratif aide l’OBNL à laquelle elle est associée, et non l’inverse comme c’est le cas de certains festivals. Il faut avoir une mission pertinente pour recevoir le statut d’œuvre de charité ; ce statut est accordé par l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour des buts bien précis : soulagement de la pauvreté, contribution à l’éducation et autres fins pour le bien de la collectivité. Il n’a pas été mis en place pour aider une entreprise à enrichir ses actionnaires à travers un OBNL.

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