Furieux, Pékin lance des manœuvres militaires « sans précédent »
Pingtan — La Chine a tiré jeudi des missiles qui auraient survolé Taiwan et seraient tombés pour la première fois dans la zone économique exclusive japonaise, au premier jour d’exercices militaires d’ampleur inédite autour de Taiwan, en réponse à la visite de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis à Taipei.
Washington a accusé Pékin d’avoir « choisi de surréagir » à la visite de Nancy Pelosi à Taiwan et prévenu que son porte-avions USS Reagan continuerait à « surveiller » les environs de l’île, tout en annonçant avoir reporté un test de missile intercontinental pour éviter d’aggraver la crise.
« La Chine a choisi de surréagir et a utilisé la visite de la présidente de la Chambre des représentants comme prétexte afin d’accroître ses opérations militaires provocatrices dans et autour du détroit de Taiwan », a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche John Kirby.
Le porte-avions USS Reagan « restera en service sur zone afin de surveiller la situation », a-t-il dit.
Les ministres de l'Asie du Sud-Est réagissent
Le ministre des Affaires étrangères de Chine, Wang Yi, qui participait à un sommet de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) à Phnom Penh tout comme son homologue américain, Antony Blinken, a lui accusé Washington d’être à l’origine de la crise, s’étant rendu responsable d’une « flagrante provocation » établissant « un précédent odieux ».
« Si aucune mesure n’était prise pour la corriger et la contrer, que deviendrait le principe de non-interférence dans les affaires intérieures ? Le droit international pourrait-il encore être respecté ? Comment pourrait-on préserver la paix dans la région ? »
— Wang Yi, ministre des Affaires étrangères de Chine, en marge du sommet de l'ASEAN
Le ministre des Affaires étrangères du Japon, Yoshimasa Hayashi, avait auparavant appelé à « l’arrêt immédiat » des manœuvres militaires chinoises.
« Les actions de la Chine ont cette fois un effet grave sur la paix et la stabilité de la région. Je demande l’arrêt immédiat de ces manœuvres militaires », a-t-il déclaré à Phnom Penh.
De leur côté, les ministres des Affaires étrangères des dix pays membres de l’ASEAN ont mis en garde contre « tout acte provocateur ».
La situation peut dégénérer et provoquer « un grave affrontement, des conflits ouverts entre les principales puissances et des conséquences imprévisibles », ont-ils prévenu dans un communiqué.
Malgré les fermes avertissements de Pékin, qui considère Taiwan comme une de ses provinces, Mme Pelosi, qui fait partie des plus hauts responsables américains, avait séjourné mardi et mercredi sur l’île, avant d’entamer jeudi une visite au Japon, dernière étape de sa tournée asiatique.
L’initiative de Mme Pelosi est considérée par la Chine comme une provocation.
En réponse, l’armée chinoise a lancé une série de missiles qui ont survolé Taiwan avant de tomber pour la première fois dans la zone économique exclusive (ZÉE) du Japon sous couvert d’exercices militaires dans six zones maritimes autour de Taïwan, au niveau de routes commerciales très fréquentées et parfois à seulement 20 kilomètres des côtes taïwanaises.
Protestation du Japon
Quatre des cinq missiles balistiques chinois qui sont tombés dans la ZÉE du Japon « auraient survolé l’île de Taiwan », a annoncé jeudi le ministère de la Défense du Japon.
Qualifiant l’incident de « problème grave qui affecte notre sécurité nationale et celle de nos citoyens », le ministre de la Défense nippon, Nobuo Kishi, a précisé que « le Japon [avait] déposé une protestation auprès de la Chine par la voie diplomatique ».
Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a pour sa part souligné que Washington avait pris contact avec Pékin « à tous les niveaux du gouvernement » ces derniers jours pour l’appeler au calme.
Vingt-deux avions de combat chinois sont brièvement entrés jeudi dans la zone de Défense aérienne taiwanaise, a annoncé le ministre de la défense taiwanais lors d’un breffage consacré aux manœuvres militaires chinoises.
Condamnant des « actions irrationnelles qui minent la paix régionale », le ministère de la Défense de Taiwan a confirmé que l’armée chinoise avait notamment tiré « 11 missiles » balistiques de type Dongfeng.
À Pingtan, une île chinoise située non loin des manœuvres en cours, des journalistes de l’AFP ont assisté jeudi après-midi au tir de plusieurs projectiles, qui se sont envolés dans le ciel après des détonations, laissant derrière eux des panaches de fumée blanche.
Les exercices militaires chinois doivent s’achever dimanche à midi.
Selon le journal chinois Global Times, qui cite des analystes militaires, ces manœuvres sont d’une ampleur « sans précédent ».
Si l’hypothèse d’une invasion de Taiwan, peuplée de 23 millions d’habitants, reste peu probable, elle s’est amplifiée depuis l’élection en 2016 de l’actuelle présidente, Tsai Ing-wen, qui refuse de reconnaître que l’île et le continent font partie « d’une même Chine » .