Gayance

Pieds poudrés

C’est un diaporama de sa vingtaine que Gayance fait avec son premier album Mascarade qui sort vendredi avec le label londonien Rythm Section. La révélation musicale de 2022 au gala Dynastie nous explique entre autres pourquoi sa mère la surnomme « pieds poudrés ». Ce qui n’a rien à voir avec des substances illicites…

Gayance est posée depuis quelques mois à Amsterdam. Invitée à se produire comme DJ un peu partout à l’étranger, la Montréalaise passe aussi beaucoup de temps en Belgique et au Brésil. Son album s’ouvre par ailleurs avec Interlude Between Brussels to Rio.

Aime-t-elle son style de vie nomade ? « Ma mère a un surnom pour moi : pieds poudrés, explique-t-elle. En créole, ça veut dire que tu marches tellement que tes pieds sont pleins de poussière. »

Gayance, née Aïsha Vertus, est la fille de sa mère ! Cathia Cariotte a dansé pour La La La Human Steps et a mis sur pied MUNTU, fondation qui favorise l’épanouissement de jeunes issus de la diversité. Deux femmes fortes qui défoncent des portes.

Ce qui manque le plus à Gayance à l’étranger – et ce qu’il y a de plus précieux dans sa vie – se trouve par ailleurs chez sa mère : ses vinyles ! « On dirait que je n’ai plus de personnalité, lance-t-elle. J’ai ma collection de disques depuis mes 16 ans. Ils sont en sécurité chez ma maman. »

Extérioriser des choses par sa propre musique

C’est pendant la pandémie que Gayance s’est mise à la composition dans une quête de paix avec le passé, si bien qu’elle lancera le 3 mars un premier album intitulé Mascarade (qui fait suite au EP No Toning Down). « Un album vraiment personnel où j’ai expérimenté musicalement. J’ai joué avec la musique électronique et des sonorités plus jazz et R&B », expose-t-elle.

Une chanson sur laquelle figure la chanteuse néerlandaise Laza a pour titre Nunca Mais, qui signifie « Plus jamais ! ». « Cette chanson a été faite dans un gros burp… J’étais en studio avec un ami et en bon québécois, j’étais en gros calvaire […] C’est un freestyle de délivrance et un beau moment de création. »

La cause de sa grande frustration ?

« J’étais en colère à cause des structures qu’on peut vivre en tant que femme dans cette industrie-là. Quelque chose m’était arrivé et j’étais vraiment fâchée. Est-ce que la colère serait un best soul de créativité chez moi ? Oui. »

– Gayance

« J’ai fait beaucoup de chansons en étant fâchée, poursuit-elle, mais elles ne sortent pas nécessairement comme ça. »

Healing Process est un enregistrement de la voix de son père datant de 1996. Un père qui a été absent, mais avec qui elle a une belle relation aujourd’hui. « J’avais peut-être 4 ans. J’avais ça sur une cassette où je fais du beatbox. »

Gayance a eu la chance de passer du temps avec des amies musiciennes à la résidence PHI des Laurentides. La chanteuse jazz Judith Little D a lancé l’idée d’un « dancefloor hit », puis Gayance s’est remémoré l’existence d’un enregistrement qui devait à l’origine être un remix de Dominique Fils-Aimé.

Elle voit Moon Rising comme un hymne de club – de tradition house new-yorkais avec du gospel – qui souligne ses 10 ans comme DJ (et qui rend hommage à son grand-père qui se produisait à l’église avec son conga). Quelques jours avant notre entrevue, Gilles Peterson l’avait fait jouer en primeur sur les ondes de BBC Radio 6. « J’étais vraiment contente. »

La sensibilité du DJ

Se produire avec ses propres chansons ? « Je ne suis pas une musicienne de formation ni une chanteuse née. C’est un terrain nouveau », concède Gayance.

Il ne faut pourtant pas sous-estimer toutes les qualités qu’elle a acquises en tant que DJ.

« Un bon DJ doit sentir ce que les gens veulent et les faire danser sans la solution facile. Sur un dance floor, tellement de trucs et d’émotions se passent. Des gens viennent danser pour oublier, pour célébrer, pour flirter, pour se montrer… C’est une mascarade ! »

– Gayance

C’est pourquoi une chanson mélancolique comme Shore Appart peut aussi être faite pour danser, sans compter Clout Chaser, que Gayance a enregistrée avec ses amies Janette King et Hua Li.

Gayance oscille habilement entre le chill et le prenant, et entre le plus sérieux et le plus léger. « I guess que c’est le core de ma personnalité. Des fois, les gens me trouvent vraiment facile à lire. Des fois, c’est plus difficile… »

Il est vrai que Gayance n’a pas une personnalité qu’on cerne rapidement, outre le fait qu’elle est loud (cet attribut vient d’elle) et qu’elle n’a pas peur de critiquer les quotas à la radio ou le système de subventions.

L’immobilisme et le statu quo, ce n’est pas pour Gayance, qui tient difficilement longtemps à la même place et qui a multiplié les métiers, que ce soit animatrice à VICE Canada, rédactrice pour The Fader, consultante pour le festival Pop Montréal ou documentariste pour le film Piu Piu dans lequel figure son ami Kaytranada.

Pieds poudrés, comme dirait sa mère.


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