Musique classique

Rompre la noirceur

L’Orchestre symphonique de Québec a proposé, vendredi soir, un « Concert réconfort » diffusé en direct sur Facebook et YouTube à partir du Grand Théâtre de Québec.

L’évènement se voulait en premier lieu un moment de recueillement pour les victimes de la tragédie du 31 octobre dans le Vieux-Québec. Mais avec la noirceur automnale qui s’installe et le confinement qui n’en finit plus, gageons que les nombreux auditeurs du concert dans leur salon (ils étaient jusqu’à près de 2500, soit plus que la capacité de la salle Louis-Fréchette !) avaient plus d’une raison d’avoir envie d’apaisement.

D’entrée de jeu, le maire de Québec, Régis Labeaume, a souhaité « bon courage » à la population dans un message préenregistré, tout en invitant les spectateurs à « laisser la musique et les mots [les] apaiser ». Ces mots, c’étaient ceux des auteures Anne Hébert et Hélène Dorion ainsi que des poétesses innues Joséphine Bacon et Natasha Kanapé Fontaine, récités avec dignité par les comédiens bien connus Jacques Leblanc et Robert Lepage.

Les auditeurs avaient aussi des mots à dire. Les « merci » et les « ça fait du bien » ont fusé sur le fil de discussion tout au long du concert. D’autres ont décrit la soirée comme une « caresse pour l’âme » ou un « moment privilégié ». Certains ont avoué être émus aux larmes. Une femme dont la mère « se meurt toute seule à l’hôpital » a même écrit qu’elle « souffl[ait] ces notes jusqu’à elle avec tendresse ».

L’orchestre avait choisi un répertoire simple, accessible, de circonstance. Nous avons eu droit à quelques-uns des plus beaux mouvements lents du répertoire : l’« Allegretto » de la Symphonie no 7 de Beethoven, l’« Adagio » de Barber, l’« Adagio » de la Symphonie no 2 de Schumann et l’« Adagietto » de la Symphonie no 5 de Mahler. Le chef Nicolas Ellis a dirigé le tout avec simplicité et naturel, sans excès de pathos, mais toujours avec sincérité et spontanéité. Il a simplement laissé parler la musique, ce qu’il fallait faire dans ces circonstances. Ce moment très spécial semblait également émouvoir les musiciens.

La soprano Hélène Guilmette est venue chanter trois airs intercalés entre les morceaux orchestraux. Elle a été absolument parfaite dans le célèbre Bist du bei mir de Stölzel (souvent attribué à Bach), le Pie Jesu du Requiem de Fauré, quelle avait chanté sur la même scène il y a six ans, et le sublime lied Morgen de Richard Strauss. La chanteuse semblait plus que jamais inspirée. Elle a atteint, au cours de la soirée, un degré d’abandon et de grâce qui n’est le propre que des grands artistes.

Cette strophe de Morgen, qui a clos la soirée, constitue la seule réponse face à l’horreur : « Et demain le soleil brillera encore, et sur le chemin que je prendrai, il nous réunira, nous les bienheureux, à nouveau, sur cette terre qui respire le soleil. »

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