Nouveau variant

Branle-bas de combat mondial

Le variant Omicron, détecté cette semaine en Afrique du Sud et jugé « préoccupant » par l’OMS, provoque déjà des bouleversements à l’échelle planétaire. Tout comme les États-Unis et de nombreux autres pays, le Canada a fermé ses frontières aux ressortissants étrangers en provenance des pays de l’Afrique australe touchés par la transmission du nouveau variant.

Le Canada ferme ses frontières à l’Afrique australe

Ottawa — Fermeture de frontières à l’Afrique australe, saignée sur les marchés boursiers, annulation d’une importante conférence ministérielle en Europe : le nouveau variant Omicron, qui a été détecté en Afrique du Sud et jugé « préoccupant » par l’OMS, provoque un branle-bas de combat à l’échelle planétaire.

Tout comme les États-Unis et de nombreux autres pays, le Canada n’a pas hésité vendredi à interdire les voyages non essentiels en provenance des pays du continent africain qui sont touchés par la transmission du nouveau variant.

Le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, et le ministre des Transports, Omar Alghabra, ont annoncé cinq mesures pour contrer la propagation au pays de ce nouveau variant potentiellement très contagieux et aux mutations multiples.

Selon le groupe d’experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les données préliminaires de ce variant, dont l’identification a été annoncée jeudi en Afrique du Sud, suggèrent qu’il présente « un risque accru de réinfection » par rapport aux autres variants, dont le Delta, dominant et déjà très contagieux.

De son côté, l’agence de santé de l’Union européenne a prévenu vendredi soir que ce nouveau variant représente un risque allant d’« élevé à très élevé » pour l’Europe, déjà aux prises avec une résurgence de la pandémie. L’Organisation mondiale du commerce a d’ailleurs dû reporter à la dernière minute sa première conférence ministérielle depuis quatre ans à Genève, en Suisse, douchant les espoirs de relancer l’organisation très affaiblie.

Le monde du sport est également sur les dents tandis que certains évoquent maintenant la possibilité que l’Association des joueurs de la LNH décide de ne pas participer aux Jeux olympiques de Pékin, qui s’ouvrent dans quelques semaines.

Restrictions pour le sud de l’Afrique

Ainsi, tous les citoyens étrangers qui ont séjourné dans le sud de l’Afrique au cours des 14 derniers jours ne peuvent plus entrer au Canada. Les pays concernés sont l’Afrique du Sud, le Mozambique, le Botswana, le Zimbabwe, le Lesotho, l’Eswatini (Swaziland) et la Namibie. Les États-Unis ont ajouté le Malawi à leur liste.

En outre, tous ceux qui sont arrivés au Canada au cours des deux dernières semaines, qu’ils soient canadiens ou étrangers, doivent s’isoler et subir un test de COVID-19. Ils seront tenus d’attendre le résultat négatif de ce test avant de sortir de leur période d’isolement.

Dans le cas des Canadiens et des résidents permanents qui comptent revenir au Canada, ils devront se faire tester au moment de leur arrivée à la frontière canadienne et attendre le résultat de leur test afin de démontrer qu’il est négatif. Ils devront ensuite se soumettre à une quarantaine de deux semaines et se faire tester une nouvelle fois au huitième jour.

Le ministère des Affaires étrangères a émis un avis pour décourager fortement tous les Canadiens de voyager dans cette région du globe. Enfin, les Canadiens qui reviennent au pays après avoir séjourné dans le sud de l’Afrique devront se faire tester au moment de leur dernière escale avant de rentrer au pays.

Si un premier cas de ce nouveau variant a été rapporté en Belgique, et qu’un cas a également été signalé à Hong Kong et un en Israël, les autorités canadiennes ont indiqué vendredi n’avoir détecté aucun cas lié au variant Omicron jusqu’ici. Mais elles affirment demeurer aux aguets au cours des prochains jours pour éviter le pire, a indiqué la Dre Theresa Tam, directrice de l’Agence de santé publique du Canada.

Le ministre Jean-Yves Duclos n’a pas voulu s’avancer sur la durée de ces mesures.

« C’est évidemment à voir. On fait ça pour une approche que j’appelle bretelles et ceinture, pour être vraiment certain qu’on est le plus prudent possible, comme on l’a été durant toute la crise de la COVID-19. On va continuer d’évaluer la situation avec l’aide des scientifiques, évidemment. »

— Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé

M. Duclos a soutenu que le gouvernement canadien imposait les mesures les plus énergiques pour limiter la propagation du nouveau variant. « Par rapport à ce qu’on trouve ailleurs dans le monde, on a l’ensemble des mesures probablement les plus solides même si on est un peu plus distant du continent africain. »

Le ministre des Transports, Omar Alghabra, a indiqué qu’il n’y aurait aucun vol direct entre le Canada et les pays du sud de l’Afrique. Il a souligné que la liste des sept pays visés par ces mesures pourrait s’allonger si la situation l’exige.

« C’est vraiment effrayant », dit Legault

Plus tôt, vendredi, en jugeant que le nouveau variant de la COVID-19 repéré en Afrique du Sud était « très inquiétant », le premier ministre François Legault avait été des nombreux élus à travers le Canada qui ont pressé le gouvernement Trudeau d’interdire rapidement les vols en provenance de ce pays, en bloquant aussi l’entrée de tous les passagers qui y sont passés.

« Il faut aller le plus vite possible. Il faut tout faire pour en avoir le moins possible, de ce variant. Je demande que ça cesse maintenant », avait alors martelé M. Legault, en marge du Grand cercle économique des peuples autochtones à Montréal. « C’est vraiment effrayant », a-t-il aussi dit en anglais, à propos de ce nouveau variant.

Alors que le Québec a surpassé la barre des 1000 cas de COVID-19 vendredi, le premier ministre a toutefois rappelé que le Québec « reste autour de 200 hospitalisations, ce qui est de quatre à cinq fois moins que ce qu’on voit aux États-Unis ». Il dit « espérer de tout cœur » pouvoir permettre à toutes les familles de se rassembler à Noël, pour avoir un temps des Fêtes « plus normal ».

« Grâce à la vaccination, nos hospitalisations restent relativement basses, mais ça va être important de poursuivre la vaccination des 5 à 11 ans, afin d’augmenter la couverture vaccinale. »

— François Legault, premier ministre du Québec

D’ici là, « il ne faut pas prendre ça à la légère, il faut être prudent, il faut respecter les consignes », a encore imploré M. Legault, qui promet des annonces sur les mesures qui s’appliqueront pendant les fêtes de fin d’année « au cours des prochaines semaines ». « Je comprends aussi qu’il y a des considérations de santé mentale », a-t-il assuré.

M. Legault n’entend pas pour l’instant demander une interruption des vols avec la Belgique, le premier État européen ayant déclaré un cas, ou encore avec Hong Kong et Israël. « On n’a pas d’indication qu’il y en a beaucoup pour l’instant en Belgique. Il faudra voir aussi si la personne qui avait le variant venait d’Afrique du Sud. C’est au gouvernement fédéral de s’assurer qu’on prend ça au sérieux », a-t-il dit.

— Avec l’Agence France-Presse

Que savons-nous du variant Omicron ?

Depuis l’arrivée du Delta, aucune nouvelle forme du virus n’avait suscité autant d’inquiétude sur la planète. Que savons-nous de ce nouveau variant « préoccupant » baptisé Omicron ? La Presse a posé la question à des experts.

Pourquoi est-il « préoccupant » ?

Parce qu’il présente un plus grand nombre de mutations que le variant Delta, dont certaines sont jugées « préoccupantes » par l’Organisation mondiale de la santé. « Il pourrait permettre une transmission accrue ou échapper à la vaccination, mais il n’y a rien de prouvé encore », souligne Caroline Quach, spécialiste des maladies infectieuses pédiatriques et microbiologiste médicale au CHU Sainte-Justine, à Montréal. Autre source d’inquiétude : le nombre de cas et la part attribuée à ce nouveau variant augmentent très rapidement en Afrique australe, où il a d’abord été détecté le 24 novembre. « En deux semaines, dans certaines régions d’Afrique du Sud, il est rendu à 75 % de toutes les souches séquencées. La progression semble très rapide », explique Alain Lamarre, professeur et chercheur en immunologie et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique.

Quel est son effet sur les vaccins ?

Pour l’instant, l’efficacité des vaccins contre cette nouvelle forme du coronavirus est à l’étude. Pfizer et Moderna ont commencé à faire des tests pour analyser sa résistance aux vaccins, mais il va falloir attendre quelques semaines avant d’avoir des résultats. Moderna a tout de même déjà annoncé son intention de développer une dose de rappel spécifique pour le nouveau variant Omicron.

Pourrait-il supplanter le Delta ?

« Ça risque d’arriver s’il est plus contagieux, parce qu’il va circuler plus rapidement et toucher plus de monde », indique Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. « Ce n’est pas impossible », ajoute Alain Lamarre, compte tenu de ce qu’on observe dans la région d’Afrique australe où des cas sont apparus. La plupart des experts s’attendaient à ce que le prochain variant préoccupant soit le fruit d’une évolution du Delta, mais l’Omicron appartient à une souche complètement distincte.

Risque-t-il d’arriver au Québec ?

« Absolument ! Pas de doute qu’il va arriver au Québec avec les déplacements internationaux, assure Mme Borgès Da Silva. Il faudrait vivre en autarcie, comme l’ont fait la Nouvelle-Zélande et l’Australie au début de la crise, pour avoir une chance de ne pas l’avoir sur le territoire. Mais ça me paraît impossible. Il vaut mieux mettre en place des filets de sécurité et des outils de dépistage, pour que tout le monde s’implique dans sa gestion des risques. » Alain Lamarre croit quant à lui que ce nouveau variant est peut-être même déjà ici. « Ça fait probablement plus de trois semaines qu’il circule en Afrique du Sud. Il a eu le temps de se propager à d’autres endroits sur la planète et c’est possible qu’il soit déjà au Canada », dit-il. Un cas a été signalé à Hong Kong, un en Israël sur une personne revenue du Malawi et un autre en Belgique.

Peut-on se mettre à l’abri ?

On peut ralentir son apparition et sa propagation au Canada. « Mais s’il devient prédominant, on ne sera pas capables de l’empêcher de venir ici », dit Alain Lamarre, qui conseille de réactiver nos mécanismes de surveillance, dont les tests PCR de criblage, même si on n’a pas encore de cas connus du variant Omicron. « Peut-être qu’il y a aussi moyen d’augmenter un peu plus la couverture de séquençage pour être sûrs qu’on n’en laisse pas passer, ajoute-t-il. Et puis, une fois qu’on en détecte, si on en détecte, il faut être très rapides pour isoler les gens et les mettre en quarantaine, et faire des tests PCR pour confirmer les cas potentiels de l’entourage de ces cas dépistés. »

Faut-il adopter des mesures en prévision des Fêtes ?

De l’avis des experts, il faut rester prudent et continuer à respecter les consignes sanitaires. « Il y a une montée qui est nette, en ce moment, du nombre de cas, rappelle M. Lamarre. Ça ne se traduit pas encore par une augmentation de patients dans les hôpitaux et une augmentation des décès, mais ce n’est pas le moment de baisser la garde. » À ceux qui comptent se réunir pendant les Fêtes, Mme Da Silva conseille d’ouvrir les fenêtres 10 minutes, toutes les heures, pour changer l’air, et d’essayer, dans la mesure du possible, de garder ses distances. « Ce qui est important de rappeler, c’est de rester vigilant, mais de ne pas provoquer de panique, résume-t-elle. Il faut aussi être préventif, par exemple en déployant les tests rapides le plus vite possible pour prévenir des contagions. »

Projections de l’INSPQ

La vaccination des enfants change la donne

Les projections de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur l’évolution de la COVID-19 montrent que la vaccination des enfants pourrait réduire de façon importante le nombre de nouveaux cas et d’hospitalisations au lendemain des Fêtes.

Ces projections ne tiennent évidemment pas compte de l’impact que pourrait avoir l’irruption d’un nouveau variant, baptisé Omicron, dont on a découvert l’existence cette semaine et qui suscite de vives inquiétudes partout dans le monde, ce qui a déjà amené la plupart des gouvernements, dont celui du Canada, à suspendre les vols en provenance d’Afrique australe.

« La vaccination des enfants est une protection de plus contre l’augmentation de la transmission. Cela dit, il faut faire attention. Il y a deux éléments qui sont incertains : la durée de la protection et les variants avec un possible échappement vaccinal », précise Marc Brisson, coauteur de l’étude, professeur titulaire à l’Université Laval et directeur du Groupe de recherche en modélisation mathématique et en économie de la santé liée aux maladies infectieuses du Centre de recherche du CHU de Québec, en entrevue avec La Presse.

Cette nuance étant faite, on note que dans les divers scénarios présentés par l’INSPQ, l’effet de la vaccination des enfants de 5 à 11 ans change la donne.

« Le message, c’est que toute couverture additionnelle est bonne. Il faut espérer avoir la plus haute couverture possible, mais même à 45 % et 50 %, il y a un impact appréciable de la vaccination des enfants sur la transmission communautaire, souligne M. Brisson. Ces pourcentages de plus nous donnent des courbes plus aplaties. »

Deux projections

Le rapport de l’organisme compte deux ensembles de projections distinctes, les premières pour le Grand Montréal, les secondes pour les autres régions du Québec. Dans les deux cas, elles mesurent deux hypothèses : un respect des contacts réduits en novembre et en décembre, et un retour à des contacts prépandémie durant la même période.

« Selon le scénario d’augmentation des contacts à l’automne (retour au niveau de contacts pré-COVID), le modèle prédit une augmentation des cas et des hospitalisations dans le Grand Montréal, en raison de l’augmentation de la transmission communautaire. Les pics de cas et d’hospitalisations pourraient se situer entre ceux des 2e et 3vagues (janvier et avril 2021, respectivement) et pourraient être atteints en janvier/février 2022 », note le rapport.

Les impacts seront toutefois plus modérés si les Montréalais ont respecté les règles sanitaires. « Selon le scénario de maintien des contacts réduits à l’automne, le modèle prédit un aplatissement de la courbe des cas et des hospitalisations », disent les chercheurs.

« Un nombre de cas plus faible en décembre pourrait limiter la transmission intergénérationnelle pendant le temps des Fêtes et, par conséquent, les hospitalisations en janvier 2022. »

— Extrait du rapport de l’Institut national de santé publique du Québec

Changement de trajectoire

Lequel de ces scénarios est le plus probable ?

« Je pense que, comme pour tout avec la COVID-19, il s’agit de se préparer pour le pire et d’espérer pour le mieux. C’est ça qu’on fait avec nos scénarios. On montre ce qui pourrait arriver de façon pessimiste et ce qui pourrait arriver de façon optimiste, et souvent, on se trouve quelque part entre les deux », répond Marc Brisson.

« Ce qui est clair, c’est que plus la couverture vaccinale est haute dans la population totale, plus c’est difficile d’avoir une augmentation de la transmission », ajoute-t-il.

C’est ce qui pourra se produire avec la vaccination des enfants. Les projections montrent que celle-ci provoque un changement de trajectoire marqué de l’évolution des cas. La hausse des cas reste importante dans le scénario avec reprise de contacts, mais sans atteindre les sommets observés en janvier dernier. Pour ce qui est des hospitalisations, elles se situeraient au niveau de la troisième vague.

Cependant, dans le scénario avec de faibles contacts, la vaccination des enfants réduit considérablement le nombre de nouveaux cas et d’hospitalisations, assez pour les maintenir au niveau de l’automne et empêcher un autre pic au début de 2022.

Ces projections reposent sur une couverture vaccinale des enfants (première dose) de 70 à 75 % d’ici cinq à six semaines, dont l’atteinte semble plausible. Mais même si la vaccination est plus basse, à 50 % par exemple, « on sera mieux équipés pour lutter contre des éléments inconnus, comme une perte de l’efficacité vaccinale ou de nouveaux variants », affirme M. Brisson.

« Au Québec, on a une bonne protection pour l’instant, mais il faut savoir quelles seront les caractéristiques de ce nouveau variant [Omicron] et surveiller l’efficacité vaccinale », ajoute le directeur du Groupe de recherche.

« Quand on parle de vague, l’avenir est un peu incertain, mais ce qu’on peut faire, présentement, c’est de bien surveiller la situation en termes de durée de protection et d’étudier les caractéristiques des nouveaux variants. »

— Marc Brisson, coauteur de l’étude

Dans les régions

Les projections réalisées pour les autres régions du Québec tiennent compte de l’évolution différente de la pandémie. Mais les conclusions générales, sur l’impact négatif qu’aurait un retour des comportements sociaux d’avant la pandémie et sur l’impact positif de la vaccination des enfants, restent les mêmes.

« La vaccination des enfants pourrait limiter l’augmentation de la transmission qui pourrait survenir pendant la période des Fêtes avec l’augmentation des contacts intergénérationnels (percolation des cas des enfants vers les adultes) », indique-t-on dans le rapport.

« La vaccination des enfants permettrait également de réduire les hospitalisations dans tous les groupes d’âge en limitant la transmission communautaire (particulièrement chez les personnes non vaccinées). »

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