Louis Godbout et Les tricheurs 

Au golf comme dans la vie

Grâce à un quatuor formé de Christine Beaulieu, Benoît Gouin, Steve Laplante et Alexandre Goyette, le cinéaste Louis Godbout propose dans Les tricheurs un « huis clos à ciel ouvert », dans lequel une partie de golf sert de prétexte à une observation cynique – et drôle – du genre humain. Entretien.

Avant de se lancer dans le cinéma, Louis Godbout a enseigné la philosophie pendant une quinzaine d’années. Depuis longtemps, celui qui a signé le scénario de Coda (Claude Lalonde) et cosigné celui d’Une révision (Catherine Therrien) joue aussi au golf. Sa passion pour ce qui constitue à ses yeux un cadre idéal pour étudier ses contemporains lui a en outre déjà inspiré un essai : Du golf – Parcours philosophique.

« Je suis un golfeur, mais je suis aussi un traître ! lance-t-il en riant. Je me tourne moi-même en dérision quand je joue une partie. Sur un terrain de golf, ça vire tellement à l’obsession que j’ai chaque fois l’impression de vivre quatre heures de mort cérébrale. Ce sport-là est un peu une névrose. Le contraste est immense entre le décorum, les règlements très stricts qui le régissent, et ce qui se passe réellement sur le terrain. Tout le monde sacre, tout le monde triche. Il y a là quelque chose d’intéressant sur le plan psychologique. »

Sous le vernis des apparences

Après Mont Foster, le premier long métrage dont il signe également la réalisation, Louis Godbout a eu envie d’écrire une comédie grinçante. Pour ce faire, il a emprunté le modèle classique du huis clos au cours duquel le vernis des apparences s’efface progressivement pour mieux céder la place aux aspects les plus vils de l’âme humaine.

« J’avoue avoir été motivé par une envie de cynisme », précise le cinéaste.

« J’ai voulu prendre le contrepied du climat actuel, où tout est très sérieux, où l’exigence est très forte sur le plan éthique, où la bonne conscience est partout. Même si le ton reste plutôt léger, j’ai souhaité faire un film un peu malicieux, qui comporte une dimension plus sombre. »

– Louis Godbout

Cette dimension plus sombre est notamment évoquée dans une discussion qu’ont les joueurs sur le terrain à propos du traitement des aînés dans les maisons de retraite. Les tricheurs ayant été tourné il y a exactement deux ans à Bromont, quelques mois après le début de la pandémie, l’écho de cet aspect du récit se fait entendre encore plus fort. L’histoire est ainsi construite autour d’une ronde de golf à laquelle participent Hubert (Benoît Gouin), psychiatre de profession, sa conjointe Florence (Christine Beaulieu) et leur ami intime André (Steve Laplante), aussi partenaire d’affaires d’Hubert. L’atmosphère bon enfant se dégrade après l’arrivée de Michel (Alexandre Goyette), un golfeur solitaire inconnu, mâle alpha invité spontanément par Florence à se joindre au trio. Et dont les questions ont le don d’aller gratter là où ça fait mal…

Un ton original

Pour Christine Beaulieu, qui se fond à merveille dans un personnage pince-sans-rire que rien ne semble atteindre, la tonalité particulière du scénario était déjà séduisante, mais sa rencontre avec le cinéaste a été encore plus déterminante.

« Je ne connaissais pas du tout Louis Godbout, explique l’actrice à La Presse. Comme j’ai beaucoup aimé Mont Foster, j’ai appelé mon ami Patrick [Hivon, l’une des vedettes du précédent film] pour qu’il me parle de Louis. Tout ce qu’il m’a dit est vrai : Louis est un gars vraiment intéressant et j’ai été emballée par notre rencontre. Le second – et même le troisième – degré de son scénario m’a beaucoup fait rire. Il sait mettre en relief les grands paradoxes de la nature humaine. Le golf étant probablement l’un des sports qui se jouent le plus dans la tête, pas étonnant qu’un philosophe s’y intéresse ! J’ai vraiment eu beaucoup de plaisir à jouer Florence, surtout dans un film où l’on sent un ton original. »

Des choses de l’humain…

Pour Louis Godbout, le cinéma constitue en effet une autre façon d’étudier le genre humain, à travers un art dont la pratique est passionnante, mais encore plus exigeante que tout ce qu’il a pu faire dans le passé.

« En me tournant vers le cinéma, j’ai découvert qu’en philosophie, je me servais seulement d’une partie de mon cerveau, dit-il. À la dimension psychologique s’ajoutent les dimensions affective et esthétique. On convoque la musique, le visuel, les dialogues, on travaille avec des êtres humains et non pas avec des concepts. Quand on écrit un scénario, on se rend compte qu’il faut s’engager dans des voies où l’on n’a pas toujours envie d’aller, en ouvrant des portes qui étaient jusque-là fermées. Depuis que je fais des films, j’apprends beaucoup de choses sur l’humain. Et aussi sur moi-même. »

Les tricheurs prendra l’affiche le 12 août.

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