Protection des milieux humides

Un (autre) fiasco environnemental

Les révélations consternantes au sujet de la destruction des milieux humides au Québec se suivent et, hélas, se ressemblent.

Depuis le début du mois d’octobre, notre journaliste Éric-Pierre Champagne nous a appris que :

  • En l’espace d’un an, 3,8 km⁠2 de milieux humides ont été détruits au Québec (pour une période de 12 mois se terminant à la fin mars 2022).
  • De ces milieux humides, on en retrouve près de la moitié (1,8 km2) dans les régions de la Montérégie, des Laurentides, de Laval, de Chaudière-Appalaches et du Centre-du-Québec. Or, on sait à quel point dans le Sud du Québec, ces milieux se font rares et toute perte est lourde de conséquences.
  • Moins de 3 % des quelque 100 millions recueillis pour compenser pour la destruction des milieux humides depuis cinq ans ont été réinvestis pour en créer de nouveaux ou en restaurer, comme prévu.

C’est un vrai fiasco.

C’est la démonstration que le système mis sur pied il y a cinq ans dans le but de freiner la destruction des milieux humides ne fonctionne pas.

Et c’est aussi la preuve qu’il faut de toute urgence le repenser, ce système. Comme un morceau d’emmental, il est plein de trous, tous très visibles. Il suffit d’interroger des experts de ce dossier crucial pour le constater.

Rappelons qu’avec l’adoption de Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, il y a cinq ans, Québec cherchait à « éviter les pertes de milieux humides et hydriques » et à « favoriser la conception de projets qui minimisent leurs impacts sur ces milieux ».

Mais ce qu’on constate, cinq ans plus tard, c’est qu’on ne cherche pas assez à éviter à tout prix les pertes de milieux humides.

C’est un peu comme si le système de compensations financières, mis sur pied à cette époque, en était venu à saboter l’idée initiale de la réforme, qui était de freiner la destruction des milieux humides.

D’une certaine façon, cette destruction est devenue moralement plus acceptable puisqu’on verse une somme donnée en échange de l’autorisation de dévaster un milieu humide.

Le ver est dans la pomme, donc.

Mais c’est loin d’être le seul problème signalé dans la façon dont Québec protège actuellement les milieux humides.

Non seulement on ne parvient pas à dépenser les sommes recueillies en guise de compensation pour leur destruction, mais certains estiment déjà que ces sommes – revues à la baisse il y a quelques années, dès l’entrée en vigueur du régime – vont être insuffisantes pour remplacer les milieux humides disparus.

Pire, l’an dernier, Québec a encore revu à la baisse les montants qui doivent être versés par les promoteurs dans certaines régions pour compenser la disparition des milieux humides qu’ils rayent de la carte.

Attendez, ce n’est pas fini ! Lorsqu’on doit créer ou restaurer un milieu humide, il n’y a pas de délai prévu pour la réalisation des travaux. C’est une omission incohérente.

Par ailleurs, notons qu’il n’est pas simple de trouver des endroits où il est possible d’en créer de nouveaux. Entre autres parce que la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles fait souvent obstacle. Il y a là un autre problème structurel à régler.

Les milieux humides sont fondamentaux pour la survie de nos écosystèmes. Ils « remplissent d’indispensables fonctions écologiques et [ils] constituent un maillon déterminant de la biodiversité du Québec », précise le ministère de l’Environnement du Québec.

Un rapport récent de Chaire de recherche du Canada en économie écologique de l’Université du Québec en Outaouais utilisait une image qui vaut mille mots en expliquant que si les forêts sont les poumons de notre planète, les milieux humides en sont les reins. Ils filtrent l’eau, mais servent aussi d’habitat naturel à de nombreuses espèces et régulent le climat.

Lisez le rapport

Québec s’est officiellement donné l’objectif d’« aucune perte nette » de milieux humides. L’intention est louable, sans l’ombre d’un doute. Mais à quoi sert cet engagement si le gouvernement ne se donne pas les moyens de le respecter ? Pour l’instant, c’est de la poudre aux yeux.

En décembre, Montréal accueillera la deuxième partie de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15). Québec aurait tout avantage, d’ici là, à régler cette situation aussi problématique qu’embarrassante.

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