Référendum

Oui à la libéralisation de l’avortement

Les électeurs irlandais, appelés aux urnes hier, ont décidé à forte majorité de libéraliser les lois du pays sur l’avortement, jusqu’à ce jour les plus restrictives d’Europe. Un vote historique qui, selon Françoise Girard, présidente de la Coalition mondiale pour la santé des femmes, rappelle que la lutte pour le contrôle du corps des femmes est loin d’être terminée.

De jeunes médecins d’Afrique du Sud qui tweetent à qui mieux mieux des encouragements aux Irlandaises. Des femmes et des hommes au Honduras, en Pologne, comme en Turquie, en France ou aux États-Unis, qui témoignent leur appui sur les réseaux sociaux. Hier, les yeux du mouvement féministe mondial étaient rivés sur l’Irlande.

Par référendum, 3,3 millions d’électeurs étaient appelés à décider s’ils voulaient que soit abrogé le huitième amendement de la Constitution irlandaise, qui rend l’avortement illégal dans tous les cas, sauf si la vie de la femme est en danger. Cette mesure, adoptée aussi par référendum en 1983 dans le pays majoritairement catholique, était en voie d’être annulée hier alors que les citoyens étaient exceptionnellement nombreux à se présenter dans les bureaux de vote.

Plus de 68 % des électeurs auraient voté en faveur de l’abrogation, selon un sondage de l’institut Ipsos/MRBI réalisé pour le journal Irish Times auprès de 4000 électeurs. Une tendance corroborée par un coup de sonde de la chaîne publique RTÉ, qui chiffrait les appuis à 69,4 %. Le résultat officiel doit être annoncé cet après-midi. « Il semble que nous allons faire l’Histoire [aujourd’hui] », a tweeté hier soir le jeune taoiseach (premier ministre) Leo Varadkar, qui a fait campagne pour le Oui.

« J’ai regardé les reportages dans lesquels on voit les jeunes Irlandaises qui vivent à l’étranger rentrer en Irlande pour voter et j’avais les larmes aux yeux », a dit à La Presse la Québécoise Françoise Girard, présidente de la Coalition mondiale pour la santé des femmes.

« En général, je ne suis pas une grande fan des référendums parce que ça incite souvent les gens à adopter des mesures restrictives, mais dans ce cas, les Irlandais n’avaient pas le choix d’en tenir un parce que les parlementaires n’agissaient pas. Il a fallu se saisir du vote populaire pour faire ce travail-là », a-t-elle ajouté.

À la tête d’une alliance dont le siège est à New York et qui fédère 80 organisations de 40 pays du monde en voie de développement, Françoise Girard défend ardemment l’accès à l’avortement et aux droits reproductifs dans les grandes instances internationales, dont les Nations unies.

Le symptôme d’un plus grand mal

Aux yeux de Mme Girard, les droits reproductifs ne concernent pas que les femmes en âge d’avoir des enfants. Dans un discours prononcé hier à la conférence C2 Montréal, la militante féministe a avancé que les attaques politiques contre les droits reproductifs des femmes – que ce soit l’accès à la contraception, à l’avortement ou à la planification familiale – étaient souvent un signe avant-coureur d’une dérive autoritaire dans un pays. « C’est le canari dans la mine », a-t-elle dit devant plusieurs centaines de personnes.

« Le vrai but de ceux qui veulent limiter les droits reproductifs, ce n’est pas de limiter les avortements, mais bien d’asseoir le pouvoir politique sur le contrôle du corps des femmes et, du coup, sur le contrôle de leur vie. »

— Françoise Girard, présidente de la Coalition mondiale pour la santé des femmes

« Le modèle autoritaire est basé sur l’idée de l’homme fort, qui domine, et de la femme soumise », souligne-t-elle, citant en guise d’exemples la Turquie, la Russie, la Pologne et la Hongrie. Dans tous ces pays, les droits reproductifs des femmes ont été remis en cause par des gouvernements à tendance autoritaire.

20 ans de libéralisation

Les 20 dernières années ont pourtant été marquées surtout par des succès au chapitre de la santé reproductive. Selon les données de la Coalition mondiale pour la santé des femmes, seulement quatre pays ont adopté des lois plus restrictives sur l’avortement pendant ces deux décennies, alors que 33 ont libéralisé les leurs. L’Irlande portera ce compte à 34.

Françoise Girard appelle cependant à la vigilance. Les reculs, dit-elle, viennent parfois d’où on ne les attend pas. « Ces jours-ci, ce sont les États-Unis qui sont montrés du doigt, alors que c’est en principe un pays laïc, qui n’est pas un pays dominé par une seule religion », dit-elle. Elle rappelle que malgré les lois fédérales en place qui permettent les interruptions de grossesse, des politiciens tentent de faire interdire tous les avortements en Ohio et d’autres veulent rendre l’avortement impossible après six semaines de grossesse en Iowa. Le vice-président Mike Pence est pour sa part totalement opposé à l’avortement. « Aux États-Unis, des sondages démontrent que 70 % des gens pensent que les femmes devraient pouvoir choisir ce qu’elles font de leur corps, mais on voit aussi qu’il y a une base très petite, très mobilisée, d’évangélistes, qui sortent en masse voter pour le Parti républicain et qui leur donnent la victoire, dit-elle. De jeunes Américains se mobilisent aujourd’hui pour ces droits qui étaient tenus pour acquis il y a à peine cinq ans. »

— Avec l’Agence France-Presse

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