Tout le monde en parle

Pour traverser la crise

Dimanche, à Tout le monde en parle, ça bouillait d’idées pour permettre au Québec de traverser la crise, des dons d’aliments aux organismes communautaires à l’achat en ligne de produits et de services d’ici. Désinformation et situation critique dans certaines résidences pour aînés, qui ont bouleversé la province au cours des derniers jours, ont aussi fait partie des discussions.

Joint par Skype, Ricardo Larrivée ne sort plus de chez lui, ordre de sa pneumologue, puisqu’il souffre d’asthme. Lui qui anime pourtant une émission quotidienne depuis près de 20 ans ne s’est jamais senti aussi près des gens avec ses vidéos. Sa capsule pour apprendre à faire du pain a recueilli 1,3 million de vues et presque entraîné une pénurie de levure et de farine dans les épiceries, une véritable « paindémie », a blagué Dany Turcotte. « Je travaille fort pour avoir une levure québécoise à mon nom », dit-il, considérant que la levure courante vient souvent du Mexique. 

Comme toutes les entreprises, la sienne est touchée par la crise ; il avait notamment 50 000 chocolats tout prêts pour Pâques, et sa femme a eu l’idée de les distribuer dans les centres jeunesse. Il participe aussi avec la tablée des chefs à ce que des entreprises du Québec donnent plus de 500 tonnes d’aliments à des organismes communautaires. Plus de 1 million de repas seront préparés avec les cuisines solidaires, ce qui permettra à des cuisiniers de sortir du chômage. 

Ricardo est d’avis que la fermeture le dimanche devrait continuer après la crise. « Une journée par semaine, on mériterait d’avoir un peu de temps pour soi. »

Comme nous tous, le Dr David Lussier, de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, est resté « abasourdi, révolté et triste » d’entendre les histoires d’horreur dans les résidences pour aînés. Rester sans nouvelles est ce qu’il y a de plus difficile pour les familles. « Les téléphones sonnent dans le vide », reconnaît le Dr Lussier, lorsque les familles tentent d’avoir des nouvelles – débordé, le personnel soignant est occupé à prodiguer des soins. 

« Ce sont eux les véritables héros, qui sont au chevet et qui s’exposent le plus [à la maladie] », dit-il au sujet des employés de résidences pour aînés, « des milieux de soins qui ne sont pas aussi valorisés que les soins intensifs et l’urgence ». Membre d’un comité d’experts qui recommandera des actions immédiates, il ne considère pas qu’avoir libéré 6000 lits dans les hôpitaux pour transférer des patients dans les CHSLD a été une erreur. « On n’a pas prévu que l’ennemi arriverait sur ce front-là », dit-il. 

Janette Bertrand a fait appel à lui pour « Écrire sa vie ! », initiative invitant les aînées à rédiger leur biographie, projet réalisé en une semaine.

L’humoriste Stéphane Rousseau passe une partie de son confinement à tourner des capsules comiques, que filme son fils de 11 ans avec son téléphone. Le plus « survivaliste des humoristes » collectionne les costumes depuis toujours, et son fils en profite aussi aujourd’hui. 

Sa barbe n’a rien à voir avec le confinement : il joue en effet dans le nouveau film de Yan England, dont le tournage a été interrompu neuf jours avant la fin. Ce thriller psychologique sportif avec Antoine Olivier Pilon et Mylène McKay évoque la rencontre entre un athlète de 22 ans et un professeur en journalisme, rapprochés par des drames respectifs. 

« Le cancer ne prend pas de pause », rappelle le porte-parole de la Société de recherche sur le cancer, qui peine à recueillir les dons du public, forcée d’annuler les défis qu’elle avait organisés.

Les dragons Isabèle Chevalier et Georges Karam ont parlé de « Ma Zone Québec », leur nouvelle plateforme d’achats en ligne, destinée aux produits et aux services exclusivement québécois, qui entrera en fonction dans quelques jours. Contrairement au Panier bleu, annoncé par le gouvernement la semaine dernière, ce site permettra de faire des achats – que ce soit de vêtements, de meubles ou d’aliments – d’entreprises québécoises. 

En constatant que les ventes en ligne ont doublé depuis le 12 mars, Georges Karam est convaincu que la crise marquera un changement de comportements chez les consommateurs et qu’il n’y aura pas de retour en arrière. « On aura toujours envie de circuler dans nos quartiers et d’aller découvrir des produits », croit néanmoins Isabèle Chevalier, qui espère que les commerces ayant pignon sur rue subsisteront quand même. 

« Il n’y a pas une entreprise qui n’est pas [touchée]. Pour les petites, c’est encore pire que pour les grosses », reconnaît la présidente-directrice générale de Bio-K Plus. Avec l’efficacité du télétravail, Georges Karam se demande s’il renouvellera le bail de sa propre entreprise, Cognibox. Il n’y a rien comme le contact humain, lui a rappelé l’animateur.

Les experts en politique américaine Rafael Jacob et Élisabeth Vallet brossent un portrait sombre de la situation aux États-Unis, pays qui compte maintenant le nombre de victimes le plus élevé de cette crise – avec « un incompétent en chef, qui n’avait jamais géré de crise autre que ses propres faillites à Atlantic City », et « entouré de béni-oui-oui qui n’osent pas le contredire », ajoute Élisabeth Vallet. 

Rafael Jacob souligne que Donald Trump sera le deuxième président de l’histoire à tenter de se faire réélire en pleine situation de pandémie, après Andrew Jackson en 1832, à qui Trump a déjà été comparé. « Si campagne il y a », répète-t-il, sans trop y croire. 

Les deux ennemis de Trump seraient la situation économique désastreuse et sa manière « désinvolte et répétée » de minimiser la gravité de la crise. Qu’il soit question de classes sociales ou de minorités, les experts ont parlé de « l’ampleur du gouffre », de « fractures sociales » et d’« inégalités au-delà de tout ce qu’on peut imaginer » au pays.

La pandémie constitue une situation idéale pour la désinformation, soulignent les journalistes de l’émission Décrypteurs. « Les fausses nouvelles carburent à l’émotion, à la peur et à la colère », rappelle Jeff Yates, qui parle d’« une tempête parfaite pour les réseaux sociaux ». D’une blogueuse en Chine accusée d’avoir implanté le coronavirus en mangeant une chauve-souris jusqu’aux trucs farfelus pour vérifier si on a la COVID-19, il y a de tout. 

Au Québec circulent des photos et des vidéos de salles d’attente vides, prouvant supposément que la crise n’existe pas. Or, c’est plutôt rassurant de voir que l’on consacre une plus grande partie des ressources des hôpitaux aux patients atteints de la COVID-19 et que la population délaisse les urgences quand ce n’est pas absolument nécessaire.

Aux yeux d’Isabelle Boulay, la crise est à la fois « une affliction et une bénédiction ». « Ça nous ramène vraiment à notre humanité », affirme l’interprète. Ne pas étreindre les gens qu’elle aime, c’est ce qu’elle trouve le plus difficile, elle qui peut au moins le faire avec son fils, Marcus. 

À la demande de Guy A., elle a repris la touchante À ma mère, de Paul Daraîche, une demande « aux forces de la vie de nous assister » et qui célèbre « la nature dans ce qu’elle a de plus beau et de plus fort ».

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