Mon clin d'œil

« Si on n’a pas de masque et qu’on veut aller dans un magasin s’acheter un masque, comment faire, si on ne peut pas entrer dans le magasin sans masque ? »

— Quelqu’un qui veut bien faire

Opinion

Industrie aéronautiquE
Nous n’avons pas les moyens d’en faire plus

Il est rare que les gens d’une même industrie se réunissent sans que la conversation ne tourne en une quelconque machination contre l’intérêt public.

Si ces mots sont ceux d’Adam Smith à l’origine, ils semblent toujours s’appliquer aujourd’hui tandis que patrons et syndicats de l’industrie aéronautique ont choisi d’unir leurs voix pour demander à Ottawa de leur envoyer une plus grande part de vos impôts.

C’est loin d’être la première fois que l’industrie souhaite mettre la main sur votre argent. On n’a qu’à penser à Bombardier qui, au fil des ans, a bénéficié de plus de quatre milliards de dollars en fonds publics et qui continue d’en redemander.

Si l’industrie n’a toujours pas dit publiquement combien elle voulait obtenir, tout indique que cela coûterait très cher aux contribuables.

L’ex-premier ministre Jean Charest, devenu porte-parole de l’industrie, faisait état de 26 milliards de dollars en subventions récemment annoncés par la France ou encore des 50 milliards annoncés par les États-Unis pour justifier la nécessité de pelleter davantage d’argent public ici.

Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire international de l’aéronautique et de l’aviation civile, comparait quant à lui le soutien nécessaire aux 14 milliards qu’Ottawa avait accordé aux constructeurs automobiles en 2008, à fort coût pour les contribuables.

Que ce soit 14, 26 ou encore 50 milliards, quelle que soit la somme demandée par l’industrie, il est clair que nous n’avons pas les moyens de la payer.

Il y a quelques jours à peine, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il ferait le plus gros déficit de son histoire cette année, chiffré à 343,2 milliards. Pour remettre ce chiffre en perspective, les dépenses totales budgétées par Ottawa l’an dernier s’élevaient à 355,6 milliards, à peine 12 milliards de plus que le déficit projeté cette année.

Ce que cela signifie est que cette année, Ottawa contractera pour un peu plus de 9000 $ de nouvelle dette pour chaque homme, femme et enfant vivant au pays. Le Canada vient de subir une décote. Contrairement à ce que veulent nous faire croire les patrons et les syndicalistes de l’industrie aéronautique, ce serait irresponsable de faire monter ce total pour qu’ils puissent avoir leur propre subvention faite sur mesure.

S’il est vrai que l’industrie aéronautique a été durement touchée par la crise, il serait faux de dire qu’elle n’a obtenu aucun soutien des divers ordres de gouvernement. Tout comme l’ensemble des employeurs canadiens touchés, elle a eu accès à la subvention salariale d’urgence offerte par Ottawa, couvrant jusqu’à 75 % des salaires de ses employés.

Cette subvention représente déjà un soutien de plus de 80 milliards, ou plus de 2000 $ par citoyen. À cela viennent s’ajouter plus de 21 milliards de (500 $ par citoyen) en soutien aux entreprises de toutes tailles.

Si ces interventions ne sont pas spécifiques à l’industrie aéronautique, cela ne l’empêche pas d’en profiter au même titre que toutes les autres industries canadiennes passant au travers de cette crise, et elles n’ont pas hésité à y recourir non plus.

Ce que les syndicalistes et les patrons de l’industrie aéronautique doivent comprendre, c’est qu’ils ne sont pas les seuls dans cette crise : nous le sommes tous.

La quasi-totalité des industries ont vu leur chiffre d’affaires diminuer ou leurs coûts augmenter, si ce n’est pas les deux.

Pour les contribuables, la capacité de payer a été maintes fois dépassée, au point où le déficit fédéral actuel est presque aussi élevé que les dépenses fédérales en temps normal. Et si nous sommes prêts à soutenir moralement l’industrie aéronautique, nous n’avons tout simplement pas les moyens pour lui offrir un soutien financier additionnel.

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