Tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine

Perturbations majeures en vue

Six usagers sur dix devront modifier leurs habitudes de déplacement

La majorité des automobilistes empruntant le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine devront modifier leurs habitudes pour que l’imposant chantier ne se transforme pas en cauchemar. C’est le constat que tire le ministère des Transports (MTQ), qui laisse toutefois des spécialistes plutôt sceptiques. Québec fermera dès le 31 octobre trois des six voies de l’infrastructure jusqu’à la fin de 2025.

« C’est sûr qu’il y aura une augmentation des temps de parcours pour accéder au tunnel. En direction de Montréal, les temps de parcours seront trois fois supérieurs. Et en direction de la Rive-Sud, on va passer à des temps de parcours qui sont quatre fois supérieurs », a convenu jeudi l’ingénieure Geneviève Campeau pour l’entrepreneur Renouveau Lafontaine.

Son évaluation repose sur le fait que jusqu’à 60 % des usagers quotidiens du tunnel devront adapter leurs habitudes, en bonne partie des automobilistes. « Mathématiquement, il faudrait en arriver là. C’est pour ça que c’est important de trouver des solutions pour transiter vers la Rive-Sud, notamment », a-t-elle dit.

Cela signifie qu’environ 72 000 des 120 000 usagers empruntant le tunnel au quotidien devraient se tourner vers les transports collectifs ou changer de trajet.

Québec l’assure toutefois : « Fermer une voie en direction de Montréal et deux voies en direction de la Rive-Sud, c’est le scénario le moins contraignant. » « Il y aurait eu davantage de congestion si on avait ouvert seulement une voie en direction de Montréal », a expliqué le directeur des grands projets routiers de Montréal, Martin Giroux.

Officiellement, le coup d’envoi de cet imposant chantier aura lieu le 31 octobre. Mais les automobilistes devront composer avec des entraves majeures dès le 21 octobre. Ce week-end-là, entre vendredi soir et lundi matin, le tunnel sera complètement fermé en direction nord afin d’installer des feux d’utilisation de voie et des glissières de béton. Dès le 24 octobre, il faudra prévoir des « fermetures de nuit durant la semaine pour terminer certaines activités ». Puis, entre le 28 et le 30 octobre, le tunnel sera complètement fermé en direction sud, afin d’y aménager des voies de déviation.

Bonnardel y croit

S’il convient que le défi sera ardu, le ministre des Transports, François Bonnardel, assure qu’il croit qu’il est possible de le relever. « On n’a pas le choix de passer par ces travaux », a-t-il plaidé en conférence de presse, en rappelant que la réfection du tunnel devait avoir lieu pour éviter d’autres travaux majeurs durant les 40 prochaines années. « Nous aurons besoin de la collaboration de tous », a-t-il dit, invitant les employeurs à adapter les horaires de leurs salariés au besoin.

À ses côtés, la ministre responsable de la Métropole, Chantal Rouleau, a estimé que « l’auto solo s’avère la pire solution » dans le contexte.

« C’est la parfaite occasion pour migrer vers les transports collectifs. »

— Chantal Rouleau, ministre responsable de la Métropole

Justement, le ministère des Transports du Québec (MTQ) a annoncé jeudi plusieurs mesures d’atténuation. On affichera notamment à tout moment le temps nécessaire pour atteindre le tunnel, en plus d’assurer une présence policière accrue et de déployer des intervenants ou encore des remorqueurs aux abords du tunnel.

Les stationnements De Mortagne, De Touraine et Belœil auront plusieurs centaines de places supplémentaires, pour un total de 2400 places. Les lignes d’autobus qui partent de ces stationnements deviendront gratuites, et culmineront vers le métro Radisson en empruntant des voies réservées, avec une fréquence aux 10 minutes.

Deux titres de transport gratuits seront distribués au métro Radisson aux usagers qui montent à bord des navettes ou en descendent, entre 5 h 30 et 19 h 30 tous les jours, et ce, pendant six semaines. Sur la ligne jaune, un wagon de métro sera ajouté en heures de pointe, en vertu d’une entente avec la Société de transport de Montréal (STM). Les lignes 82, 120 et 125 du Réseau de transport de Longueuil (RTL) seront par ailleurs bonifiées. D’autres lignes locales, comme la 532 à partir de Varennes, accéléreront aussi la cadence.

« Irréaliste »

Pour l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau, atteindre la cible de 60 % sera « très difficile ». « Pour se rendre à 72 000 déplacements journaliers en transport collectif en plus, il faudrait surpasser les niveaux d’avant la pandémie. Ça me semble compliqué », explique-t-il.

« Le tunnel est un axe routier régional, donc il y a beaucoup de travailleurs qui vont préférer prendre la 20, et ensuite prendre [les ponts Jacques-Cartier ou Victoria ou [Samuel-De Champlain], en fonction d’où ils vont. Et ça, ce sont des déplacements plus durs à desservir en transport collectif. »

— Pierre Barrieau, expert en planification des transports à l’UdeM

Chez Trajectoire Québec, la directrice Sarah V. Doyon abonde en ce sens. « Soixante pour cent, c’est irréaliste. J’aimerais me tromper et qu’on convainque tous ces gens d’embarquer dans le transport collectif. Mais je serais étonnée que ça se produise. Les destinations des gens utilisant le tunnel sont trop éclatées », soutient-elle.

Un sondage de l’organisme réalisé auprès d’environ 900 répondants montre d’ailleurs que 47 % des gens ont « l’intention de conserver les mêmes habitudes », malgré les fermetures dans le tunnel. Environ 40 % comptent « modifier leur trajet en automobile », et seulement 12 % emprunter le transport collectif.

Trajectoire Québec réclame une série de mesures supplémentaires au gouvernement, dont l’amélioration du service sur la ligne de train de banlieue Mont-Saint-Hilaire ou la création d’une plateforme de covoiturage pour les usagers touchés. L’organisme croit aussi qu’il faudrait envoyer les navettes vers la station Honoré-Beaugrand, plutôt que Radisson, pour « faciliter l’accès aux destinations de l’est de Montréal ».

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