Réplique

Les soins à domicile ne sont pas la panacée

En réponse à l’éditorial de Stéphanie Grammond sur les soins à domicile, publié le 25 juillet

J’ai lu avec intérêt l’éditorial de Stéphanie Grammond du 25 juillet et j’ai envie de faire un peu de pédagogie afin de contextualiser la situation dans le réseau privé d’hébergement pour aînés.

Que de nombreux pays accordent un budget aux gens en perte d’autonomie est une (bonne) chose, mais l’augmentation des soins à domicile est loin d’être la panacée qui va régler les enjeux graves qui minent le secteur de l’hébergement privé pour aînés. Il s’agit plutôt d’une mesure parmi tant d’autres.

Il faut d’abord comprendre que les CHSLD, qu’ils soient publics ou privés, sont à la fin du continuum de soins (et de vie) d’une personne âgée. En clair, lorsqu’un aîné entre dans un tel établissement, il y a fort à parier qu’il y fera malheureusement son dernier tour de piste.

Je remarque que depuis 10 ans environ, ces établissements accueillent des cas de plus en plus lourds. Il s’agit d’une résultante directe du vieillissement de la population.

On se retrouve donc avec des patients en perte cognitive modérée à sévère, voire en démence totale. Dans d’autres cas, ce sont un handicap ou des limitations physiques qui empoisonnent la vie d’un patient. Par conséquent, il est difficile de garder des cas lourds à la maison, notamment pour des raisons de qualité de soins et de logistique ou pour des motifs économiques.

En clair, nous serons plus nombreux à vivre plus longtemps et, espérons-le, en santé, mais nous finirons tôt ou tard par avoir besoin de soins de plus en plus importants.

En situation de pandémie, les préposés aux bénéficiaires et les infirmières qui travaillent à domicile sont plus susceptibles d’être des vecteurs de maladies qu’une équipe stable qui travaille dans un seul établissement.

Je passe rapidement sur l’idée farfelue des Maisons des aînés qui passe complètement à côté de la cible puisqu’elle ne comble qu’une infime partie des besoins d’hébergement et qu’elle coûtera, à ce qu’on me dit, plus de 1 million de dollars par chambre.

Pourtant, les solutions existent pour améliorer la qualité des soins. Elles sont connues, documentées et efficaces.

Premièrement : il faut avoir suffisamment de personnel soignant autour de nos aînés. Les travailleurs et travailleuses de ces établissements doivent pouvoir prendre le temps de prendre le temps. On appelle cela le ratio patient/travailleur. Il doit être revu pour favoriser la qualité des soins.

Deuxièmement : pour avoir plus de personnel, il faut valoriser la profession en mettant en place un décret qui freinerait la pénurie de main-d’œuvre. Un décret est un règlement adopté par le gouvernement qui permet de protéger les employeurs contre la concurrence déloyale, mais aussi d’améliorer notablement les conditions des travailleurs syndiqués et non syndiqués. Ainsi, les salariés du privé (qui peuvent gagner jusque’à 10 $ l’heure de moins que ceux du public pour un travail équivalent ou similaire) seraient enfin traités équitablement et la profession redeviendrait attirante.

Troisièmement : pour favoriser le retour des travailleurs et travailleuses dans le privé, il faut prôner l’abolition des agences de personnel en soin. Ces créatures étranges contribuent à l’exode des salariés du privé et, selon des reportages parus pendant la pandémie, auraient accéléré la propagation de la COVID-19 dans certains établissements.

Enfin, il est nécessaire que le gouvernement encadre la marchandisation du secteur privé d’hébergement pour aînés afin d’assurer une qualité optimale des soins et des conditions de travail décentes.

Les soins à domicile peuvent combler une partie des besoins qui vont aller en augmentant considérablement au cours des prochaines décennies, mais les recommandations contenues dans les paragraphes précédents sont prioritaires afin d’améliorer rapidement, efficacement et durablement la qualité des soins aux patients et patientes des CHSLD privés et le quotidien de dizaines de milliers de salariés dévoués dans le privé.

Parce qu’on aime nos aînés, je crois qu’il faut prendre les décisions qui s’imposent pour favoriser le travail de celles et ceux qui en prennent soin.

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