Accès à la pilule abortive

L’échographie ne sera plus exigée, confirme le Collège des médecins

Dans une lettre ouverte, près de 300 médecins demandent la levée de toutes les restrictions pour prescrire l’avortement par médicament au Québec

L’obligation d’une échographie pour obtenir un avortement par médicament au Québec – seule province canadienne à encore exiger une telle mesure – ne sera plus nécessaire, affirme le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec. Une timide avancée, selon des expertes consultées par La Presse.

« En raison de la pandémie, on a arrêté d’exiger une échographie avant l’avortement, explique le Dr Gaudreault, en entrevue avec La Presse. On a l’intention de pérenniser cette mesure. »

Le Collège des médecins avait déjà annoncé, la semaine dernière, être en processus de révision de ses lignes directrices concernant la prescription d’avortement par médicament au Québec. Une déclaration faite dans la foulée du renversement de l’arrêt Roe c. Wade par la Cour suprême des États-Unis et d’une demande en ce sens de la députée de Québec solidaire Manon Massé, mardi dernier.

« On reconnaît que la société a évolué sur ce sujet, et on en a tenu compte. »

— Le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec

Le détail des nouvelles recommandations, dit le Dr Gaudreault, sera dévoilé « au cours de l’été ».

Mercredi, 262 médecins québécois, principalement des femmes, ont fait parvenir au Collège des médecins une lettre ouverte demandant la levée de toutes les restrictions à l’accès aux avortements médicamenteux au Québec, incluant la formation obligatoire et les échographies. Quelques jours plus tard, la lettre avait obtenu 298 signatures.

« Pour moi, qu’autant de médecins se mobilisent pour quelque chose comme ça, c’est du jamais-vu », s’étonne au bout du fil la Dre Geneviève Bois, professeure adjointe de clinique en médecine à l’Université de Montréal et qui pratique notamment des avortements.

Le Canada et le Québec : deux poids, deux mesures

Il existe deux façons d’obtenir un avortement en début de grossesse au Canada : la méthode chirurgicale, effectuée en clinique, ou la méthode par médicament (pilule abortive). Celle-ci permet d’interrompre une grossesse de 9 semaines ou moins après la prescription d’un médicament appelé Mifegymiso.

Le Québec se distingue toutefois du reste du Canada. Ici, les médecins doivent d’abord recevoir une formation en personne du Collège des médecins leur permettant de pratiquer les deux formes d’avortement. Les femmes souhaitant obtenir un avortement médicamenteux devaient aussi, jusqu’à la pandémie, se soumettre à une échographie de datation.

Or, dès 2017, la majorité des restrictions d’accès à la pilule abortive, dont la formation des prescripteurs, ont été levées par Santé Canada.

Deux ans plus tard, l’agence fédérale a aussi mis fin à l’exigence d’une échographie de datation, notamment parce qu’elle n’était pas soutenue par des données probantes et en raison de problèmes d’accessibilité.

Les médecins des autres provinces canadiennes se sont pliés aux nouvelles directives de Santé Canada. Résultat : le déploiement de la pilule abortive au Québec a été plus lent qu’ailleurs, selon une étude de 2019. L’écart d’accessibilité s’est encore creusé pendant la pandémie, révèle une autre étude, publiée en 2021.

« Oui, on est une société distincte, mais on n’a pas d’utérus distincts, dénonce la Dre Bois. On n’a pas besoin de lignes de pratique sur les avortements distinctes ! »

Lignes directrices

L’instigatrice de la lettre ouverte envoyée au Collège des médecins, la Dre Marily Pépin, a reçu une réponse le 30 juin que La Presse a pu consulter. Dans celle-ci, le Collège annonce que « l’assouplissement annoncé en contexte de pandémie par rapport à l’échographie doit être pérennisé ».

Mais, selon cette lettre, les médecins du Québec doivent toujours se baser sur le dernier avis du Collège sur la question, mis à jour en mai 2022. On y indique que « compte tenu de certains facteurs (délais, accessibilité limitée à l’échographie, éclosion dans un milieu, etc.), le médecin pourrait préconiser d’autres approches [qu’une échographie] afin de déterminer l’âge gestationnel […] ».

En d’autres mots, une échographie n’est plus obligatoire au Québec, mais toujours recommandée.

Cette ligne directrice risque de favoriser une « zone grise », selon Mélina Castonguay, sage-femme impliquée à la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. « L’idéal serait que le Collège des médecins retire ses lignes directrices en avortement, tout court », estime-t-elle.

La réponse du Collège relève aussi que « le Québec est l’un des endroits au Canada où l’avortement chirurgical est le plus accessible ». Une affirmation qui fait bondir la Dre Bois. « Il est donc acceptable de réduire le choix des femmes et de restreindre l’accès à un type d’avortement parce que l’accès à l’avortement par instruments existe ? », demande-t-elle.

Sans compter que la formation obligatoire continue de restreindre le nombre de médecins en mesure d’accompagner les femmes dans le processus : « Si vous êtes assez chanceuse pour avoir un médecin de famille, encore faut-il que ce médecin-là soit formé pour vous prescrire les deux pilules, fait remarquer Louise Langevin, spécialiste des droits à l’autonomie procréative de l’Université Laval. C’est encore une question d’accessibilité à l’avortement ! »

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Nombre de médecins ayant prescrit la pilule abortive au Québec dans la première année de déploiement (2018-2019)

SOURCE : Collège des médecins, rapport publié en juin 2020

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