Juraj Slafkovsky

« C’est un bœuf ! »

Jean-François Houle n’a pas hésité. « Quel élément chez Juraj Slafkovsky t’impressionne le plus ? », lui a demandé un journaliste, jeudi matin.

« Son gabarit. On ne voit pas ça souvent, cette taille-là à 18 ans », a répondu l’entraîneur-chef du Rocket de Laval.

Même spontanéité pour Xavier Simoneau, un attaquant qui détient un contrat avec le Rocket. Ce qui l’a marqué chez Slafkovsky ? « C’est un bœuf ! Il est immense. Moi, je fais 5 pi 6, 180 lb tout mouillé ! »

Au jour 1 du tournoi des recrues auquel le Canadien participe, la carrure du premier choix du dernier repêchage a alimenté les discussions. Ses plus récentes données indiquaient 6 pi 4 po et 229 lb, mais le Tricolore a publié des chiffres mis à jour. On y apprenait que Slafkovsky a fait osciller la balance à 238 lb, tout comme le défenseur Arber Xhekaj.

Dans un tournoi où on retrouve chez les espoirs des Sabres, par exemple, deux patineurs de moins de 170 lb, leur stature a fait jaser.

« J’ai juste levé des poids au gym, des choses comme ça. Mais je serai moins lourd quand la saison va commencer. »

– Juraj Slafkovsky

Xhekaj a quant à lui relativisé le chiffre 238. « On se pesait tous les jours au gym avant le tournoi, a raconté l’Ontarien. Certains jours, on était à 230, d’autres, on était à 238. Les deux, on est autour de 230 et je suis à mon aise à ce poids. »

Quoi qu’il en soit, le chiffre frappe l’imaginaire. La saison dernière, dans la LNH, seulement quatre attaquants pesaient 238 lb ou plus : Brian Boyle, Frédérik Gauthier, Alexander Ovechkin et Patrick Maroon. Mais ces joueurs sont tous dans la trentaine, sauf Gauthier, 27 ans. À titre indicatif, Ovechkin était répertorié à 212 lb à son année de repêchage.

Un indicateur parmi tant d’autres

Depuis le mythique jeu Ice Hockey, où on se composait une équipe en choisissant des « petits », des « moyens » et des « gros », la taille a longtemps été un objet de fascination.

À en juger par les réactions, tant des amateurs que des intervenants sur place, on y accorde encore de l’importance. Sur Twitter, l’ancien joueur Maxim Lapierre a d’ailleurs déploré les excès de certains.

Jean Lemoyne, professeur au département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), a longuement étudié la question. Il a notamment mené une étude auprès de joueurs québécois de 14 à 16 ans.

« Ça reste un phénomène très fort dans la culture du hockey : bigger is better, estime Lemoyne, au bout du fil. On dirait que ça a changé un peu dans la dernière décennie, le prototype du défenseur n’est plus celui de Chris Pronger. Mais les Blues, le Lightning et les Capitals, en gagnant la Coupe, ont haussé la valeur des gros joueurs. La grosseur redevient importante parce qu’avant, les gars plus gros n’étaient peut-être pas aussi agiles. À talent égal, les équipes vont favoriser le plus costaud. »

Lemoyne rappelle que le poids ne fait pas foi de tout.

« Dans notre étude, on rappelle de faire attention à la morphologie, parce que ça ne se transfère pas nécessairement en habiletés sur la glace. »

– Jean Lemoyne, professeur au département des sciences de l’activité physique de l’UQTR

Entraîneur-chef des Olympiques de Gatineau, Louis Robitaille y va de la même mise en garde. Il rappelle que le pourcentage de gras et la masse musculaire en disent plus long que le simple poids. Que la flexibilité est aussi une qualité athlétique valorisée. Sauf qu’il voit beaucoup de joueurs accorder trop d’importance à la prise de poids.

« Il faut les éduquer, ajoute Robitaille. Ils veulent tellement prendre du poids, ils oublient le moment présent. Il faut les rappeler à l’ordre. Souvent, les jeunes vont changer de préparateur physique parce qu’ils ne prennent pas assez de poids. Un gars veut prendre de la masse, il grossit du haut du corps, mais il n’est plus capable de bouger et c’est un gars d’habiletés, donc ça ne marche plus. Chaque joueur est bâti différemment. »

Un match « correct »

Revenons à Slafkovsky, qui disputait un premier match officieux dans l’uniforme du Canadien, jeudi. Une défaite de 4-3 des espoirs du CH contre ceux des Sabres.

Le Slovaque a fait sa marque d’entrée de jeu en y allant d’une séquence spectaculaire pour préparer le but de son compatriote Filip Mesar. Il a justement montré que son coup de patin était une force pour un athlète de sa taille.

Ce fut toutefois moins éclatant par la suite, et après le match, Slafkovsky s’est dit « pas vraiment » satisfait. « Le premier match est toujours difficile. […] J’ai provoqué quelques revirements. Des erreurs, ça arrive. Je me reprendrai demain. »

« Il a été correct, a ajouté Houle. Parfois, il essayait d’en faire trop, mais c’est correct que des gars essaient des choses, c’est le temps de le faire. »

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