Hockey Canada

Une leçon d’humilité pour les conseils d'administration

À bien des égards, la saga de la démission du conseil d’administration de Hockey Canada représente un cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire en matière de gouvernance.

S’ajoutant aux règles de gouvernance internes déficientes notées dans le rapport du juge Cromwell, trois ingrédients se sont mélangés dans la recette de ce désastre.

Premièrement, la résistance du conseil d'administration de Hockey Canada à renvoyer son PDG a été fortement critiquée, comme si le conseil se sentait impuissant et ne voulait pas exercer sa fonction de contrôle.

Deuxièmement, malgré la diversité et l’expertise des administrateurs, le conseil est apparu complètement déconnecté de son environnement extérieur, incapable de comprendre les attentes de ses parties prenantes et de mesurer le risque de l’inaction.

Troisièmement, le ton défensif adopté au cours des audiences parlementaires et la démission collective des administrateurs ont donné l’impression qu’une forte pensée de groupe était à l’œuvre, alimentée par une confiance aveugle en la moralité du conseil et de la direction, empêchant ainsi d’envisager la situation de manière réaliste.

Bien qu’il s’agisse d’un cas extrême de mauvaise gouvernance, les ingrédients de ce mélange explosifs ne sont pas rares au sein des conseils d’administration.

Premièrement, la réticence des administrateurs à exercer leur fonction de contrôle envers la direction est un phénomène beaucoup plus répandu qu’on ne pourrait l’imaginer. Parce qu’ils considèrent leur mandat d’administrateur comme un « service » rendu, les administrateurs concentrent généralement leur énergie sur la création de valeur et conditionnent leur mandat à l’existence et au maintien d’une atmosphère relationnelle positive.

En effet, servir dans un conseil d’administration pour jouer le rôle de policier ou perdre son temps à combattre des adversaires n’est pas très attractif. Cette préoccupation était particulièrement évidente dans la lettre de démission de la présidente intérimaire du conseil de Hockey Canada, Andrea Skinner, qui indiquait ne plus trouver « raisonnable de continuer à donner son temps bénévolement » pour l’organisation.

Compréhensible en apparence, cette logique de service est en fait problématique. D’une part, elle se fait au détriment de la fonction de contrôle des administrateurs, dont l’objectif premier est d’évaluer la performance de la direction et l’existence de comportements opportunistes. D’autre part, siéger au conseil d’administration, même bénévolement, n’est jamais totalement désintéressé. La fonction d’administrateur est assortie de récompenses importantes en termes de statut et d’activités sociales, de reconnaissance professionnelle, de développement de carrière et, dans certains cas, de cadeaux.

Deuxièmement, les conseils d’administration tiennent pour acquis, avec raison, que l’expertise des administrateurs est un facteur clef de leur succès et de leur efficacité. De ce point de vue, l’échec de gouvernance de Hockey Canada est cependant difficile à expliquer. Le profil des administrateurs démissionnaires ne montre pas une absence substantielle d’expertise. Au contraire, sur papier, la quantité d’expertise assemblée autour de la table du conseil semblait tout à fait suffisante.

Ainsi, le dysfonctionnement de Hockey Canada est un rappel que l’expertise est autant une question de possession que d’application.

La recherche d’experts « possédant » les bonnes connaissances ne devrait donc pas être considérée, comme c’est trop souvent le cas, principalement comme un processus de validation de titres professionnels et d’expériences passées, mais également comme une évaluation approfondie de la façon dont les « experts » définissent leur rôle et envisagent l’application de leurs connaissances spécialisées.

Troisièmement, l’impression que le conseil d’administration de Hockey Canada agissait dans une réalité alternative, complètement déconnectée du monde extérieur, est loin d’être un phénomène unique dans nos études sur la gouvernance. Cette déconnexion est généralement facilitée par un manque de réflexivité et de justification dans les processus de pensée des administrateurs.

Par exemple, les politiques de rémunération sont très souvent dictées par une puissante rhétorique de marché selon laquelle le salaire des hauts dirigeants est essentiellement un enjeu de comparables. Selon cette logique, la moralité de la rémunération est objectivement déterminée par le marché des talents. Ainsi, en étant convaincu de bien agir, le conseil d’administration s’enferme dans ses propres certitudes, et l’indignation du public face à des rémunérations extravagantes devient inaudible.

En somme, la tempête parfaite qui a détruit Hockey Canada est une leçon d’humilité pour les conseils d’administration à travers le pays, quelle que soit la taille et la forme des organisations concernées.

Le désir de servir sans contrôler, l’expertise mal utilisée ou la surestimation de la moralité du groupe d’administrateurs sont des menaces constantes à la bonne gouvernance.

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