REM de l’Est

Enfin, on va penser aux usagers

Il s’est passé quelque chose de majeur lors de la rencontre du premier ministre François Legault et de la mairesse Valérie Plante. Dans le dossier du Réseau express métropolitain (REM) dans l’Est, on a commencé à travailler en fonction des besoins des résidants de l’est de Montréal au lieu des seuls intérêts du promoteur.

« On doit en faire beaucoup plus pour rendre le REM de l’Est plus acceptable », a affirmé le premier ministre.

Pour comprendre l’importance de cette affirmation, il faut remonter un peu dans le temps, au début du projet du REM de l’Ouest. Le premier ministre de l’époque, Philippe Couillard, l’a vu comme son legs pour les générations futures.

Il a donc donné au promoteur, CDPQ Infra, une filiale de la Caisse de dépôt, des pouvoirs exorbitants en matière d’expropriations, d’aménagement et de tracé, tout en lui cédant à vil prix des infrastructures importantes comme le tunnel sous le mont Royal et la ligne de train de banlieue de Deux-Montagnes.

Le tout pour 99 ans, renouvelable, mais que la Caisse peut cesser d’exploiter après cinq ans seulement. M. Couillard a dit « oui » à tout !

La déclaration de M. Legault remet les pendules à l’heure. Il dit simplement ce qui aurait dû être la position du gouvernement du Québec depuis le début : le REM doit être au service des usagers des transports en commun.

Maintenant, pour continuer dans cette direction, la première étape est celle de découpler le REM de l’Est du modèle d’affaires de CDPQ Infra, dont la rentabilité est assurée par une redevance fixe en fonction du kilomètre parcouru par chaque passager.

Ce qui veut dire que plus longtemps le passager reste dans les wagons du REM, plus c’est rentable pour le promoteur. Résultat : on va dédoubler et même cannibaliser des infrastructures existantes.

En clair, ça signifie que l’est de Montréal a déjà un lien efficace avec le centre-ville – la ligne verte du métro, qui est encore sous-utilisée entre Berri-UQAM et l’Est.

Les besoins ne sont pas entre la station Honoré-Beaugrand et le centre-ville, ils sont à l’est de la dernière station de la ligne verte. Selon la dernière enquête origine-destination de l’Autorité régionale de transport métropolitain (2018), à l’heure de pointe du matin, seulement 13 % des passagers de l’Est se rendent au centre-ville.

Pour réaliser le projet de désenclaver les quartiers de l’est de Montréal, un ensemble de moyens peuvent être utilisés : le REM, soit. Mais aussi un service rapide par bus, des voies réservées, des trains de banlieue et même un prolongement du métro.

Pour ce faire, il faut sortir des faux débats dans lesquels l’attitude de « c’est à prendre ou à laisser » de CDPQ Infra nous a enfermés.

D’abord, on va abandonner le « beau contre pas beau ». On ne pourra pas rendre un projet vraiment utile pour les usagers juste en y ajoutant de l’esthétique si le tracé et les nécessaires connexions avec d’autres modes de transport ne sont pas optimisés.

En particulier, on ne réduira pas l’horreur de pylônes de béton sur le boulevard René-Lévesque ou la rue Sherbrooke Est en faisant plus joli, voire une signature.

Il faut aussi se sortir du faux débat « le REM en hauteur ou pas de REM ». Le projet du REM est en hauteur pour une seule raison : minimiser les coûts d’exploitation de CDPQ Infra pour maximiser le rendement. La Caisse tient à ses trains automatisés sans conducteurs.

Mais si le prix à payer est cette cicatrice de béton qui va séparer des quartiers les uns des autres et coûter très cher en construction et en entretien, est-ce vraiment le moyen optimal de servir les usagers ? Ce débat doit avoir lieu, même si CDPQ Infra a tout fait pour l’éviter.

Finalement, peut-on redonner aux experts dont c’est le mandat le soin de planifier le réseau de transports en commun dans le Grand Montréal, au lieu de laisser CDPQ Infra plaquer ses projets par-dessus les infrastructures existantes et sans consultation avec quiconque ?

L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) devait, depuis 2017, être chargée de la planification, de l’organisation et du financement du transport collectif dans le Grand Montréal.

Mais depuis le début, le REM a été conçu en vase clos par CDPQ Infra sans intervention significative de l’ARTM. Elle ne remettra les conclusions de son étude interne sur le REM qu’au début de 2022. Il faudra s’assurer qu’elle soit prise en compte.

Surtout que c’est à l’ARTM que l’on retrouve l’expertise et la vision d’ensemble du transport dans la région. Substituer la logique du seul rendement de CDPQ Infra à cette expertise était, en quelque sorte, le péché original du REM.

Heureusement, il est encore temps de remédier à la situation et d’en faire un projet pour les besoins des usagers.

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