Centre-ville de montréal

La valeur des immeubles a commencé à baisser

La pandémie laisse des traces. La valeur des immeubles a commencé à baisser au centre-ville, soutient l’Institut de développement urbain du Québec (IDU) dans son mémoire déposé à la Ville de Montréal dans le cadre des consultations prébudgétaires.

C’est en particulier le cas des boutiques et autres immeubles commerciaux, mais les tours de bureaux ne sont pas immunisées elles non plus contre une possible baisse de valeur.

La pandémie se traduit pour les propriétaires du centre-ville par des défauts de paiement de loyer, une inoccupation à la hausse et la signature de baux de courte durée (souvent un an), avance l’organisme de représentation des propriétaires et des promoteurs immobiliers. Tous ces facteurs influent sur la valeur des immeubles.

Selon des données du Groupe Altus, les espaces de travail dans les tours de bureaux au Québec seraient actuellement utilisés dans une proportion de 5 % à 10 %. En outre, la crise pourrait avoir des effets durables sur la demande de pieds carrés en raison de la popularité du travail à domicile.

« Ce fléchissement [dans la valeur des immeubles] est amorcé : des propriétaires d’immeubles commerciaux et gestionnaires membres de l’IDU ont commencé à noter à leur bilan une dépréciation de leurs actifs », avance l’IDU dans son mémoire, que La Presse a obtenu.

Plus grande foncière québécoise, la fiducie de placement immobilier (FPI) Cominar a connu une perte de valeur de 321 millions sur ses centres commerciaux et ses bureaux dans l’ensemble de son portefeuille au premier semestre.

La diminution a été de 121 millions pour ses centres commerciaux de Montréal et de 26 millions pour ses immeubles de bureaux montréalais. À Québec, où Cominar est un acteur dominant, la perte de valeur a été de 104 millions et de 6,5 millions respectivement.

Les 26 millions retranchés sur ces bureaux montréalais représentent une perte de près de 2 % de la valeur de son portefeuille de bureaux de Montréal.

« La baisse de la juste valeur du portefeuille d’immeubles de bureaux provient principalement de l’incidence de la COVID-19 sur l’estimation des pertes de crédit attendues, des taux d’occupation et de la croissance des loyers. »

— Extrait des états financiers de la fiducie de placement immobilier diffusés le 7 août dernier

Au centre-ville de Montréal, Cominar détient le Complexe de la Gare Centrale, la Place Alexis-Nihon, le 2001 McGill College et le 1080 Beaver Hall.

Son cas n’est pas unique. Ivanhoé Cambridge a reconnu une perte de valeur sur les actifs des catégories bureaux et centres commerciaux au premier semestre, sans en quantifier l’ampleur publiquement. « Pour ce qui est des bureaux, la perte a été prise sur des propriétés aux États-Unis », précise toutefois la filiale de la Caisse de dépôt, qui détient les centres commerciaux Centre Eaton et Place Montréal Trust au centre-ville.

Si le mouvement à la baisse est amorcé dans les propriétés de commerces de détail, ce n’est pas le cas dans les autres catégories d’actif, assure Sylvain Leclair, vice-président directeur, Québec au Groupe Altus. « Il n’y a pas vraiment eu encore de baisse de valeur réelle dans les bureaux du centre-ville et les exigences de rendement des investisseurs n’ont pas nécessairement augmenté. »

Il ajoute néanmoins que la COVID-19 a un impact à la baisse sur les revenus de la présente année, puisque le stationnement souterrain de l’édifice de bureaux est vide et que les locaux déjà vacants avant la pandémie le restent plus longtemps que prévu.

« Le propriétaire essuie une perte temporaire de revenus qui influe sur la valeur de la propriété, mais ce n’est pas une perte de 5 %. C’est bien moindre. Par contre, pour les espaces commerciaux, c’est une tout autre paire de manches. »

— Sylvain Leclair, vice-président directeur, Québec au Groupe Altus

« Cette situation est extrêmement préoccupante, écrit l’IDU dans son mémoire, puisque ces baisses de valeur surviennent quelques mois après l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2020, d’un nouveau rôle foncier établi à partir des valeurs enregistrées au 1er juillet 2018.

« L’écart entre la valeur marchande et la valeur imposable viendrait pénaliser des propriétaires immobiliers au moment même où leurs revenus pourraient être affectés par une augmentation probable du nombre de personnes, particuliers et commerçants, qui auront peine à payer leur loyer. »

Baisse de taxes demandée

En conséquence, l’IDU recommande que la Ville réclame du gouvernement le pouvoir d’instaurer un taux de taxe réduit pour certaines catégories d’immeubles non résidentiels du centre-ville. « Une telle mesure viserait à atténuer l’écart entre la valeur marchande et la valeur réelle, amortir le choc de la crise, et faciliter la réalisation de projets de relance dans le secteur immobilier non résidentiel », soutient l’Institut.

Le groupe de pression fait valoir que le taux de taxation atteint 72,92 $ le pied carré pour les commerces de la rue Sainte-Catherine. Ce taux a connu une augmentation de 57 % en cinq ans, souligne l’organisme s’appuyant sur des données des évaluateurs spécialistes du Groupe Altus.

Suspendre le règlement 20-20-20

Dans une autre de ses recommandations, l’IDU demande à la Ville de surseoir à l’entrée en vigueur du règlement contesté sur l’inclusion des logements sociaux, abordables et familiaux (aussi appelé règlement 20-20-20), prévue le 1er janvier 2021. Le groupe joint sa voix à celle de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui réclamait la même chose mardi.

Sur ce dernier point, la Ville semble inflexible. « L’échéancier [pour sa mise en vigueur] est toujours le même, répond Geneviève Jutras, attachée de presse principale au cabinet de la mairesse Valérie Plante. Nous arriverons au cours des prochaines semaines avec des modifications à la partie “abordabilité” du règlement comme on l’avait dit lors du dépôt du rapport de l’OCPM. »

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