Dictons en Bourse

« Gros dicton, petite réflexion »

Bon, d’accord, la maxime en titre a été forgée de toute pièce, mais l’analyse des adages ci-après, censés tracer la voie du succès sur les marchés boursiers, mérite un minimum de considération. À défaut d’être des vérités absolues, on y retrouve quand même une part de sagesse. Récapitulation.

« La tendance est ton amie »

Ce dicton qu’affectionnent les investisseurs adeptes de « momentum » rappelle l’importance de bien cerner la tendance de fond du marché. Si le marché est haussier, le proverbe suggère de ne pas vendre. Si le marché descend, on gagne aussi à rester sur les côtés. Une mauvaise lecture du cycle pourrait être coûteuse. Évidemment, cela vaut tant que le marché maintient le cap : comme disait le gestionnaire de portefeuille Stéphane Gagnon, « la tendance est ton amie jusqu’à ce que tu frappes un mur ».

Les faits

Présentement, peu d’observateurs contestent que le marché soit fondamentalement haussier. Par contre, on entend de plus en plus de spécialistes prédire une correction. Une correction est à distinguer d’un revirement de cycle. Bien que le repli puisse parfois être violent et important, ce n’est toujours qu’une « pause santé » dans le cycle haussier, comme l’écrivait récemment Michel Doucet, vice-président et gestionnaire de portefeuille de Desjardins Gestion de patrimoine. L’investisseur « momentum » gardera donc le cap sur la croissance et profitera de cette relâche pour investir les liquidités qu’il a pris soin de mettre de côté.

« Plus la foule est sûre d’elle, plus elle est sûre d’avoir tout faux »

Cette citation attribuée au financier américain Robert Menschel pourrait être la devise des investisseurs à contre-courant (contrarians). Ceux-ci savent que quand tout le monde est dans le marché et que les chauffeurs de taxi leur parlent de leurs investissements, c’est le temps de vendre avant qu’il n’y ait plus de nouveaux preneurs. À l’inverse, quand tout le monde a vendu, la rareté crée une occasion d’achat pour ces larrons financiers.

Les faits

On a bien vu cela avec la bulle spéculative en 2000, quand tout le monde s’arrachait les actions des nouvelles vedettes de la technologie. Les cours sont tombés comme une roche quand le doute s’est installé. Plus tard, des fortunes ont été faites en repêchant courageusement les titres dont plus personne ne voulait.

Aujourd’hui, la confiance des investisseurs atteint des niveaux rarement vus. Le consensus peut faire peur, mais il n’est pas déraisonnable. En effet, l’économie est florissante, les entreprises sont prospères, le chômage est bas, le coût du capital est abordable et l’inflation est maîtrisée. Même que la Bourse de Toronto paraît sous-évaluée par rapport aux standards historiques, croit Matthew Barasch, stratège du marché canadien pour RBC Marchés des Capitaux.

« Il ne faut pas tenter d’attraper un couteau qui tombe »

Quand un titre ou un indice recule beaucoup, il commence à être intéressant. Parce que, comme le veut un autre adage, même un chat qui tombe du 10e étage peut rebondir. Il vaut mieux cependant attendre que la chute soit achevée, ou même que la reprise soit déjà manifeste, que d’intervenir en pleine instabilité.

Les faits

Le marché est constamment en proie aux exagérations. Bombardier y a goûté. Certes, ses malheurs se sont révélés pires qu’on le croyait, quand le président a admis en novembre que l’entreprise « est venue sur le bord de la faillite en 2015 ». Mais le titre, qui avait chuté jusqu’à 77 cents en février 2016, a bien rebondi depuis son plus bas et se consolide aujourd’hui au-dessus de 2 $. L’investisseur patient a eu deux gros mois pour accumuler de ces actions à moins de 1,50 $ entre-temps.

« Ne tombez pas amoureux de vos titres »

Un titre qui monte gagne en faveur, mais il faut être conscient que son rendement diminue d’autant. Il convient donc de refaire ses devoirs d’analyse et vérifier le fondamental des entreprises régulièrement, avant de leur donner plus d’amour. D’autant plus que, comme l’écrivait aussi Madame Dussillet, « l’amour est un habile opticien ».

Les faits

Valeant Pharmaceuticals International est le dernier des « rois maudits ». Le géant pharmaceutique plébiscité, qui avait détrôné la Banque Royale au panthéon des plus grandes entreprises canadiennes cotées en juillet 2015 quand son action valait plus de 300 $, s’est écroulé dans les mois suivants sous les scandales et le poids de sa dette et vaut aujourd’hui moins d’une vingtaine de dollars. Avant lui, Nortel, Manuvie, EnCana, BlackBerry, Potash et Barrick Gold, autant de titres chouchous, avaient de même été rabroués par les marchés après s’être emparés de la couronne de la Royale. Les survivants du lot peinent aujourd’hui à regagner la confiance des investisseurs.

« On peut s’enrichir en dormant »

Warren Buffett n’a probablement pas de problèmes de sommeil. Le dynamique octogénaire applaudi par les actionnaires du conglomérat Berkshire Hathaway encore le week-end dernier a généré une fortune tout en prônant l’inactivité en Bourse et en qualifiant l’investissement fructueux de quelque chose de terriblement ennuyeux.

Les faits

Aujourd’hui, la stratégie « buy-and-hold » paraît plus à risque et il est recommandé d’éviter de tomber dans la complaisance, et de réévaluer ses positions dans un esprit de diversification. Dans sa lettre financière, Martin Lalonde, de la firme Rivemont, suggère qu’à défaut de pouvoir garnir ses portefeuilles d’obligations pour contrer la volatilité des marchés boursiers qui s’annonce, un équilibre intéressant peut être obtenu en diminuant le risque combiné des actions choisies. Sa firme établie à Montréal et Gatineau a notamment ajouté en portefeuilles les actions de Brookfield Asset Management et de Restaurant Brands International (Tim Horton et Burger King), « des titres plus défensifs en période d’incertitude, mais offrant une belle corrélation avec le marché lorsque celui-ci est en tendance haussière ».

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