Hockey

Les sept vies d’un entraîneur

Ceux qui croyaient que Richard Martel avait disparu, s’était éclipsé, ne reviendrait plus derrière un banc s’étaient royalement trompés. Après un passage en Suède et en France qui s’est terminé dans la controverse, le coach des Marquis de Jonquière se retrouve en finale

dans la Ligue nord-américaine de hockey. Discussion avec un entraîneur passionné.

Quand Richard Martel est revenu de France il y a deux ans, il ignorait ce qui l’attendait. Les offres se faisaient rares. L’entraîneur qui compte le plus de victoires dans l’histoire de la LHJMQ n’a été contacté par aucune équipe du circuit Courteau.

Sa relation avec les Brûleurs de Loups s’était arrêtée brusquement. Martel, qui avait réussi un tour de force à Grenoble en terminant premier au classement, s’était fait virer en pleines séries éliminatoires. Il aurait envoyé un de ses joueurs s’en prendre au gardien adverse, selon la version qui circulait de l’autre côté de l’Atlantique.

« Cette histoire-là a été largement amplifiée au Québec. Ce n’est pas vrai que les joueurs m’ont refusé l’accès à l’autobus. Ce n’est pas vrai que les joueurs m’ont refusé l’accès du vestiaire. Ç’a été du racontage ! », affirme Martel au bout du fil.

L’entraîneur de 56 ans admet sa part de faute dans l’incident. Mais il pense que les dirigeants de l’équipe s’en sont servis pour l’écarter. « Je renégociais mon contrat à ce moment-là. Et l’équipe était en difficultés financières », dit-il, ajoutant que son intensité légendaire, qui passait relativement bien au Québec et en Suède, « n’était peut-être pas appropriée » en France.

Martel s’est retrouvé sans emploi lors de la saison 2015-2016, à attendre des offres. Puis, il y a eu un premier contact des Marquis de Jonquière, de la LNAH.

Martel a d’abord refusé. Il y a quelque chose dans la réputation de la ligue qui lui faisait peur. Martel a lui-même la réputation d’un coach dur, de la vieille école – une réputation en partie injuste, dit-il. Après le boucan survenu en France, il pensait peut-être que de s’installer à la barre d’une équipe de la ligue semi-pro n’était pas la meilleure manière de changer son image.

Puis à l’hiver 2016, il a finalement accepté. Il a pris la relève en pleines séries éliminatoires. Selon Martel, il a été clair sur ses intentions avec le copropriétaire de l’équipe, Marc Boivin.

« Je lui ai dit : “Des games avec six, sept bagarres, des joueurs qui ne savent pas patiner et qui sont là pour se battre, moi, ça ne m’intéresse pas ! Si tu m’engages, c’est pour mettre une équipe de hockey sur la glace”, raconte-t-il. Marc a embarqué. »

Les Marquis ont acquis de nouveaux joueurs : Stéphane Chaput, qui a joué dans la Ligue américaine et en Allemagne, et l’ancien gardien du Lightning de Tampa Bay Cédrick Desjardins, notamment. Martel dit avoir été agréablement surpris par le calibre dans la Ligue nord-américaine.

« Je suis convaincu qu’au début, j’ai été boudé par des vieux de la vieille. Les gens, vu que j’ai une réputation de tough, ne s’attendaient pas à ce qu’on donne cette qualité de hockey-là à Jonquière. »

— Richard Martel

Mais les Marquis gagnent, et les critiques se font rares. L’équipe a fini la saison avec une fiche impressionnante de 30 victoires et 10 défaites. Martel a aidé la formation à finir première au classement, tout comme il l’a fait en Suède et à Grenoble. L’entraîneur se retrouve aujourd’hui en finale des séries.

« C’est sûr que j’ai un impact partout où je me retrouve », lance-t-il.

Un entraîneur incompris ?

Un peu comme la Ligue nord-américaine, Richard Martel est en quelque sorte victime de son image. Pourtant, il jure avoir évolué au fil des ans, même s’il admet l’avoir fait sur le tard.

« Quand tu arrivais dans les années 90, il fallait que tu sois un entraîneur dur, sinon tu ne passais pas. J’ai eu du succès rapidement. Vite, je suis devenu entraîneur et DG », rappelle Martel, qui a été à la barre du défunt Laser de Saint-Hyacinthe, des Foreurs de Val-d’Or, du Drakkar de Baie-Comeau et des Saguenéens de Chicoutimi.

En 18 saisons comme entraîneur-chef dans la LHJMQ, il a remporté deux fois le trophée Ron-Lapointe remis à l’entraîneur de l’année. 

589

Personne n’a plus de victoires (589) que Richard Martel dans l’histoire de la LHJMQ.

Il a été l’un des entraîneurs les plus médiatisés de la ligue. Ses passes d’armes avec Patrick Roy, alors à la barre des Remparts de Québec, sont légendaires. Imaginer la LHJMQ sans lui, pour plusieurs, c’était inconcevable. Mais en février 2011, congédié par les Saguenéens, Martel décide partir en Europe diriger en division 1 suédoise.

« Dans la LHJMQ, quand tu pars avec une étiquette, c’est difficile de la perdre. Je changeais quand même un peu au fil des ans, mais je restais toujours “Richard Martel”. Peut-être que d’être débarqué du circuit va m’aider à perdre cette étiquette. Je ne sais pas. »

« Je pense que je manquais de monde dans mon entourage pour me remettre en question. Alors, je pensais que ma méthode fonctionnait », dit-il. 

« Il m’a peut-être manqué une réflexion sur la nouvelle génération. Je n’ai pas de misère à le dire. À un moment dans ma carrière, j’ai stagné. »

— Richard Martel

Son passage en Europe, de 2012 à 2015, lui a permis de se remettre en question, de perfectionner ses connaissances. Mais à son retour au Québec au printemps 2015, aucune équipe de la LHJMQ ne l’a contacté.

En attendant, Martel fait ce qu’il sait faire le mieux : diriger une équipe et gagner. Les Marquis disputent la Coupe Vertdure à Thetford-Mines. Ils mènent la série 2-0.

Et quelle sera la suite ? À Jonquière, Martel n’est pas « dans le ciment », précise-t-il. S’il reçoit des offres, il écoutera. En Europe, en Scandinavie, dans le junior, tout est sur la table pour l’entraîneur.

« Le métier change. Des styles à la Michel Bergeron, à la Richard Martel, on en croise de moins en moins, reconnaît le principal intéressé. Il faut évoluer. Ce n’est pas toujours simple. Mais j’ai encore la passion, je m’en aperçois. Ça, c’est l’essentiel. »

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