Conflit israélo-palestinien

Flambée de violence

L’escalade militaire continue de s’intensifier au Moyen-Orient, alors qu’Israël semble plongé dans un double conflit, entre affrontements sanglants avec les islamistes du Hamas et émeutes dans ses villes judéo-arabes. Selon des experts, ce nouvel épisode du conflit témoigne de nouvelles réalités au chapitre de la violence.

Un triste bilan

Cette nouvelle flambée de violence, la plus intense depuis sept ans, a fait au moins 74 morts, soit 67 Palestiniens et sept Israéliens, et quelque 400 blessés en un peu plus de deux jours, selon les derniers bilans. Tôt ce jeudi matin (heure locale), l’armée israélienne a pilonné la bande de Gaza et poursuivi ses frappes, selon plusieurs médias internationaux.

En tout, près de 1500 roquettes ont été tirées de la bande de Gaza vers différentes villes israéliennes depuis lundi soir. Un Palestinien a par ailleurs été tué mercredi dans un affrontement avec l’armée israélienne non loin de la ville de Naplouse, ce qui porte à trois le nombre de morts dans des heurts entre Palestiniens et forces israéliennes.

Une tour pulvérisée

L’aviation israélienne a frappé des positions du Hamas dans la bande de Gaza, micro-territoire palestinien peuplé de deux millions d’habitants et sous blocus israélien, ciblant entre autres des locaux liés aux opérations de « contre-renseignement » du Hamas et la résidence d’Iyad Tayeb, commandant du mouvement. Le mouvement islamiste avait annoncé mercredi la mort du chef de sa branche militaire pour la ville de Gaza, la principale du territoire palestinien, tandis que les services de renseignement intérieurs israéliens ont annoncé la mort de plusieurs autres ténors de l’organisation. L’aviation israélienne a pulvérisé une tour de plus de dix étages abritant des bureaux de la chaîne palestinienne Al-Aqsa, créée il y a quelques années par le Hamas.

Une première au nord

« En représailles au raid sur la tour Al-Shorouk et à la mort d’un groupe de dirigeants », le Hamas a lancé mercredi soir plus d’une centaine de roquettes vers Israël dont plusieurs ont été interceptées par le bouclier antimissiles « Dôme de Fer ». Pour la première fois depuis le début de l’escalade des tensions, l’armée israélienne a annoncé ce jeudi une alerte à la roquette dans le nord du pays. Jusque-là, les roquettes tirées de la bande de Gaza par le Hamas avaient déclenché des sirènes d’alarme dans le sud et le centre d’Israël, mais pas dans le nord. Dans la nuit de mercredi à jeudi, cinq personnes ont été blessées quand une roquette s’est abattue sur un complexe résidentiel de Petah Tikva, près de Tel-Aviv, selon les secouristes.

Réunion en vue à l’ONU

Une nouvelle réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU a été réclamée mercredi par trois pays : la Tunisie, la Norvège et la Chine. Cette rencontre, qui serait publique et à laquelle devraient participer Israël et les Palestiniens, devrait être la troisième du Conseil en moins de cinq jours. Les États-Unis, eux, se sont opposés à l’adoption d’une déclaration commune du Conseil de sécurité visant à faire arrêter les affrontements, jugeant que cela serait « contre-productif ». Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, s’est entretenu en fin de soirée avec le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, afin de réclamer la fin des tirs de roquettes vers Israël.

Vers un conflit de longue durée ?

« À plusieurs égards, ce qu’on voit depuis quelques jours suit un certain pattern qu’on a vu à différents moments, quand le Hamas et Israël se sont affrontés. Ce n’est pas surprenant en soi, parce que d’une fois à l’autre, c’est un peu comme si on mettait un couvercle sur la marmite, sauf que les problèmes ne sont pas réglés », explique le spécialiste du Moyen-Orient de l’Université d’Ottawa, Thomas Juneau. Selon l’expert, la situation pourrait durer « encore quelques jours, voire quelques semaines, même si elle demeure très imprévisible ». Le premier ministre Nétanyahou a dit mercredi vouloir « continuer » à frapper et affaiblir les « capacités militaires » du Hamas. « Il faut incorporer dans l’analyse la variable géostratégique, mais aussi la dimension politique en Israël, alors que le premier ministre Benyamin Nétanyahou vient d’échouer à bâtir une coalition », soutient également M. Juneau.

« Assez inhabituel »

Cela dit, certaines choses changent par rapport aux dernières années, constate Thomas Juneau. « Le degré de violence local, par exemple, est beaucoup plus élevé. Et c’est assez inhabituel », dit-il, en faisant référence à la diffusion d’images insoutenables d’un homme considéré comme un Arabe par ses agresseurs, qui a été sorti de force de sa voiture, puis roué de coups par une foule de plusieurs dizaines de personnes. Pendant ce temps, les émeutes ont continué dans plusieurs villes israéliennes mercredi soir, alors que des militants d’extrême droite ont manifesté à travers le pays, provoquant des affrontements avec les forces de l’ordre. « Pour le moment, la réaction américaine est celle qu’on attendrait d’une administration démocrate, c’est-à-dire pro-Israël, mais pas autant que le serait celle des républicains. Or, dans les médias américains, il y a beaucoup plus de critiques d’Israël et de soutien à la Palestine que par le passé. Il y a un changement dans le ton du débat aux États-Unis », ajoute M. Juneau.

Quelle suite ?

Rachad Antonius, professeur retraité de l’UQAM et spécialiste du conflit israélo-palestinien, entrevoit lui aussi un conflit sur une plus longue durée. « Israël et Nétanyahou sont déterminés à frapper très fort et à détruire beaucoup, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de menace. Et ce qu’ils considèrent comme une menace, au fond, c’est la demande des Palestiniens que le droit international soit mis en œuvre », juge-t-il. « Quand on voit cette détermination d’Israël, on se dit que ce conflit pourrait être aussi grave que le conflit de 2014, ou du moins s’en approcher. Je ne dis pas que ça arrivera, mais c’est une possibilité », dit M. Antonius, selon qui la violence est aussi montée d’un cran.

— Avec l’Associated Press

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