Le Québec, société distincte du cancer colorectal

Le système de santé québécois est particulièrement décourageant quand il écarte une solution peu coûteuse, utilisée partout ailleurs au Canada, et – c’est le plus important – qui pourrait sauver des vies.

Un exemple frappant : le Québec est la seule province canadienne qui n’a pas de programme de dépistage systématique du cancer colorectal.

La médecine est pourtant claire et limpide : toute personne devrait passer un test de dépistage pour le cancer colorectal (côlon et rectum) tous les deux ans entre l’âge de 50 et 74 ans.

Rassurez-vous : il s’agit d’un simple test de selles. Ce test pourrait vous sauver la vie : on évite potentiellement cinq décès sur 1000 personnes qui passent le test1.

Entre 2007 et 2014, les neuf autres provinces canadiennes ont créé un programme systématique de dépistage basé sur ce test fécal. C’est évidemment sur une base volontaire, mais on facilite l’accès au test et on rappelle aux gens de le faire.

Tous les Ontariens de 50 ans et plus reçoivent tous les deux ans une lettre de rappel leur suggérant de faire leur test de dépistage, qu’ils peuvent se procurer via leur médecin, une infirmière ou le 811. S’ils ne font pas leur test, ils reçoivent même une lettre de rappel quatre mois plus tard.

Le cancer colorectal a beau être le deuxième type de cancer au chapitre des décès, il se traite généralement bien s’il est détecté tôt.

D’où l’importance d’avoir un programme de dépistage systématique.

Le Québec n’en a pas. Certes, vous pouvez demander à votre médecin de famille de faire un test de selles. Et beaucoup de médecins de famille le suggèrent à leurs patients. Mais l’Association des gastro-entérologues et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec réclament depuis longtemps un programme de dépistage systématique (toujours sur une base volontaire), sur le modèle des autres provinces.

On n’aurait plus besoin de consulter son médecin de famille uniquement pour faire un test fécal, et on augmenterait le taux de participation au test.

« On sauverait des vies, des traitements complexes et invasifs pour les patients, et des coûts financiers pour le système de santé », dit Dre Mélanie Bélanger, présidente de l’Association des gastro-entérologues du Québec.

En pratique, environ 5 % des tests de selles sont positifs. Attention : ça ne veut pas dire que 5 % des gens ont le cancer colorectal. Si le test de selles est positif, on fait alors un deuxième test : une coloscopie. Parmi les patients qui passent une coloscopie, 10 % ont un cancer colorectal (on peut commencer à le traiter plus rapidement, ce qui augmente significativement les chances de guérison), 40 % ont des lésions qui ne sont pas encore cancéreuses (on enlève les lésions durant la coloscopie, avant que le cancer ne se forme), et 50 % sont finalement négatifs (le patient est rassuré pour 10 ans).

Au Québec, 31 % des 50-74 ans ont passé un test de dépistage (test de selles) depuis deux ans. Un système de dépistage systématique serait peu coûteux et permettrait de faire mieux.

Le gouvernement Legault convient à mots couverts que le statu quo n’est pas acceptable. « C’est notre but d’avoir un programme de dépistage systématique », dit-on au cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé.

Implanter un tel programme de dépistage systématique n’est pas sorcier. Le Québec a un programme similaire pour le cancer du sein depuis 1998. Et il peut s’inspirer de ce que fait l’Ontario depuis 2010.

Il faut des tests fécaux accessibles sans voir obligatoirement un médecin (par exemple via une infirmière au CLSC ou par la poste), une bonne campagne de sensibilisation (par exemple des lettres de rappel à partir de 50 ans), et un système simple à gérer pour les médecins qui devront communiquer les résultats des tests aux patients.

En matière de prévention du cancer colorectal, nous n’avons pas à demeurer une société distincte.

Consultez la page « Dépistage du cancer colorectal » du site web du gouvernement du Québec


EN SAVOIR PLUS

90 %
Taux de survie du cancer colorectal si le diagnostic survient durant les deux premiers stades de la maladie (sur quatre). Au quatrième stade, le plus avancé, le taux de survie est de 11 %.

Source: Sources : Société canadienne du cancer, la Presse canadienne

1 sur 14
Un homme sur 14 sera atteint du cancer colorectal au cours de sa vie. Une femme sur 18 en sera atteinte au cours de sa vie.

Source: Sources : Société canadienne du cancer, gouvernement de la Colombie-Britannique

3e rang
Même sans programme systématique, le Québec occuperait le troisième rang parmi les 10 provinces canadiennes en matière de taux de participation au dépistage par test fécal pour le cancer colorectal, selon une recension du gouvernement du Québec pour l’année 2019.

Source: source : ministère de la Santé du Québec

2323
Nombre de décès attribuables au cancer colorectal au Québec en 2021. Parmi toutes les causes de décès, le cancer colorectal arrive au septième rang, après les maladies du cœur (11 807 décès), le cancer du poumon, des bronches ou de la trachée (6004), la démence (4276), la COVID (3140), les maladies cérébrovasculaires (2796), la bronchite, l’emphysème ou l’asthme (2691).

Source: Source : Institut de la statistique du Québec

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