La Couronne conteste la libération sans procès de l’ex-maire de Chambly
La Couronne conteste la libération de l’ex-maire de Chambly Denis Lavoie avant même la tenue d’un procès, un nouveau revers gênant pour l’Unité permanente anticorruption (UPAC).
Il est rare de voir des accusations tomber au stade de l’enquête préliminaire, étape où un juge se penche sur la preuve amassée pour déterminer si la tenue d’un procès est nécessaire ou non.
C’est pourtant ce qui s’est produit le 26 avril dernier lorsque la juge de la Cour du Québec Magalie Lepage a fait tomber les accusations contre Denis Lavoie. Arrêté par l’UPAC en mars 2023, l’ancien policier et avocat était accusé d’entrave à la justice et d’abus de confiance pour s’être présumément ingéré dans les affaires de la cour municipale de Chambly.
Or, rien dans la preuve présentée en cour par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) « ne permet de conclure qu’un jury raisonnablement instruit en droit pourrait condamner le prévenu pour aucun des deux chefs d’accusation », a tranché la juge Lepage.
« Un fonctionnaire qui se méprend sur la portée d’une loi, qui commet une erreur de jugement dans la poursuite d’un but ou d’une stratégie empreinte de légitimité, de bonne foi, sans corruption, sans malhonnêteté, ne commet pas d’infraction criminelle », rappelle au passage la magistrate dans son jugement de près d’une vingtaine de pages qui écorche le travail de la poursuite.
Une décision avec laquelle le DPCP est en total désaccord, selon une requête déposée quelques jours avant l’expiration du délai d’appel, fin mai, et obtenue par La Presse. Estimant que la juge « excède sa compétence », la Couronne y demande à la Cour supérieure de se saisir du dossier.
« Avec égard pour la juge de paix, elle a confondu son rôle avec celui qu’elle aurait eu au procès en acquittant l’accusé », plaident les procureurs au dossier, Me Francis Pilotte et Me Marie-Christine Godbout.
Une date pour l’audience de cette requête doit être fixée plus tard en juin.
« On a reçu la requête en appel de la poursuite qui sera vivement contestée parce que le jugement de la juge Lepage nous semble tout à fait conforme et dans les règles », a brièvement commenté l’avocat de Denis Lavoie, Me Marc Labelle.
Une série de revers
Ce dossier n’est pas sans rappeler plusieurs autres échecs subis par l’UPAC ces dernières années.
En octobre 2021, le tribunal avait ordonné l’arrêt du processus judiciaire dans le procès criminel de l’ancien maire de Terrebonne Jean-Marc Robitaille.
Une juge avait alors sévèrement critiqué l’UPAC et les procureurs de la Couronne, qui avaient caché aux accusés de l’information pouvant nuire à la crédibilité d’un témoin important en raison de leur « volonté de gagner à tout prix ».
Parmi les autres accusés d’envergure ayant bénéficié d’un arrêt du processus judiciaire, notons l’ancienne vice-première ministre Nathalie Normandeau et l’ancien ministre libéral et vice-président de Roche Conseil Marc-Yvan Côté, libérés en septembre 2020.
Frank Zampino, ancien bras droit du maire de Montréal Gérarld Tremblay, avait lui aussi été libéré des chefs qui pesaient contre lui en 2019 avant que la Cour d’appel n’infirme cette décision en octobre 2023.