Le test Pap en voie d’être remplacé

Québec envisage de recourir au test VPH, plus précis, et qui pourrait être offert par autoprélèvement

Petite révolution en vue dans le dépistage du cancer du col de l’utérus au Québec.

Dans un horizon de quelques mois, espère-t-on, le test Pap est appelé à être remplacé en première ligne par le test VPH.

Jugé plus précis, le test VPH peut se faire en clinique, mais aussi à la maison – eh oui, avec un écouvillon ! –, une possibilité qui est à l’étude.

La semaine dernière, en entrevue avec La Presse sur divers sujets portant sur la santé des femmes, le DLionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, avait lâché le morceau. « Le test Pap, c’est dépassé. »

Cette déclaration va dans le sens d’un avis de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), qui, en janvier, a publié un avis recommandant que l’on cesse de faire passer en première intention le test cytologique Pap (du nom de son inventeur, le médecin grec Georgios Papanicolaou, pour la petite histoire) pour lui préférer le test VPH.

La quasi-totalité des cas de cancer du col de l’utérus sont causés par les virus du papillome humain (VPH) transmis sexuellement ou par contact direct avec des muqueuses infectées.

Avec le temps, le virus peut causer des cellules anormales qui peuvent mener au cancer du col de l’utérus.

Le test Pap consiste en une analyse de cellules prélevées du col de l’utérus dans le but de détecter les cellules anormales. Le test VPH, lui, permet la détection du virus à partir d’un prélèvement génital.

Le test Pap continuerait d’être utilisé, mais seulement dans un deuxième temps, quand le test VPH aurait montré la présence du virus.

L’INESSS recommande l’administration du test VPH aux femmes à partir de l’âge de 25 ans, jusqu’à 65 ans.

L’un des intérêts du test VPH, c’est qu’il pourrait n’être effectué que tous les cinq ans (plutôt que tous les deux ou trois ans pour le test Pap).

L’Australie et les Pays-Bas ont déjà implanté le test VPH comme test primaire pour le dépistage du cancer du col de l’utérus, indique l’INESSS.

« C’est énorme ! »

En matière de dépistage, le test VPH, « c’est énorme ! », affirme la Dre Josianne Paré, gynécologue obstétricienne à l’hôpital Fleurimont du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke et porte-parole du dossier au nom de l’Association des obstétriciens gynécologues du Québec.

Un premier pas important a été franchi en 2008 quand le vaccin contre les virus du papillome humain a commencé à être offert à toutes les filles de quatrième année du primaire, puis, à partir de 2016, aux garçons du même âge.

Depuis les années 1970, indique la Dre Paré, les tests Pap ont permis de « faire diminuer l’incidence du cancer du col de l’utérus », une tendance à la baisse qui, avec les vaccins, devrait s’accentuer.

L’INESSS (sous la plume de Caroline Turcotte, auteure principale de l’avis) note que la diminution attendue de l’incidence des infections aux VPH et des lésions cervicales à la suite de la vaccination – une bonne nouvelle, certes – pourrait cependant « entraîner une moins bonne performance du dépistage par le test Pap, notamment en affectant la valeur prédictive positive de ce test ».

Le test VPH apparaît donc maintenant « comme un outil supérieur », poursuit la Dre Paré. Parce qu’il est plus sensible, mais aussi parce qu’il est moins lourd.

Autotest possible

Le ministre Lionel Carmant a indiqué que tout le dossier du dépistage du cancer du col de l’utérus avait été confié à la directrice nationale de la santé de la mère et de l’enfant (bien que le dépistage touche évidemment toutes les femmes et non pas seulement les mères).

Beaucoup de questions demeurent. L’une d’elles : ce test se fera-t-il toujours lors d’une visite en clinique ou pourrait-il se faire à la maison ?

Selon l’INESSS, « l’autoprélèvement devrait être offert aux personnes sous-dépistées. Cela inclut toutes les personnes qui ne participent pas au dépistage selon les lignes directrices ».

Éventuellement, « selon l’évolution des connaissances », l’autoprélèvement pourrait aussi être offert à la population générale », peut-on aussi lire dans l’avis de l’INESSS.

Mais avec la COVID-19, force a été de constater que chacun n’est pas un petit champion de l’écouvillon, dit-on à la Dre Paré.

A priori, répond-elle, ce n’est pas très compliqué et si le prélèvement a été mal fait, en laboratoire, ça se saurait d’emblée. Pas de risque de se tromper, donc.

« Si on va de l’avant avec l’autoprélèvement, ce sera plus accessible aux femmes en région éloignée. »

– La Dre Josianne Paré, gynécologue obstétricienne

Mais étant donné que tant de femmes ne sont pas suivies par un médecin, si le test se faisait à la maison, qui ferait le suivi ?

Cela fait partie des questions auxquelles les protocoles à venir devront répondre, indique la Dre Paré.

Une (petite) réserve

Dans la littérature scientifique, on note cependant que le test VPH affiche une spécificité moindre que celle du test Pap. (La spécificité mesure la capacité d’un test à donner un résultat négatif. C’est le taux de vrais négatifs.) Qu’en est-il ?

« Avec le test VPH, on ne s’attarde pas aux cellules, mais à la présence du virus, rappelle la gynécologue. Il se peut qu’on ait le virus sans avoir de cellules anormales, que le virus, donc, n’ait encore causé aucune lésion. »

Mais quoi qu’il en soit, poursuit la Dre Paré, le test VPH est 40 % plus sensible et seulement 2 % moins « spécifique » que le test Pap, une différence qui n’est pas significative à son avis.

Les derniers développements en matière de dépistage l’enthousiasment. Car malgré les grands pas qui ont été faits dans la prévention du cancer du col utérin, « des jeunes femmes de 20 ou 30 ans ne savent toujours pas qu’il existe un dépistage », s’inquiète la Dre Paré.

À terme, poursuit-elle, il faudrait que le dépistage du cancer du col utérin fasse partie d’un programme aussi structuré que celui pour le cancer du sein par lequel chaque Québécoise, à ses 50 ans, reçoit du gouvernement une invitation à passer une mammographie.

Notons enfin que le cancer du col de l’utérus n’est qu’un seul parmi plusieurs autres cancers gynécologiques à suivre.


EN SAVOIR PLUS

1 femme sur 168
Proportion de femmes qui auront un cancer du col de l’utérus au cours de leur vie

Source: Source : INESSS, avis sur le dépistage du cancer du col de l’utérus au Québec, 2022

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