Le recours aux cartes de crédit explose

L’incessante valse des cartes Visa et Mastercard dans les commerces a maintenant des airs de hip-hop endiablé. Les dépenses moyennes par carte de crédit atteignent désormais 2370 $ par mois, un bond de 427 $ en seulement un an. C’est un sommet historique. Avec la conséquence évidente que le nombre de consommateurs stressés et à bout de souffle s’accroît.

Le temps où nos dépenses étaient réduites au minimum et que nous pouvions faire fondre notre niveau d’endettement semble déjà loin. Très loin. La vie normale a repris, avec tout ce que ça suppose comme achats… en pleine flambée inflationniste.

Nos relevés de cartes de crédit affichent donc des montants en forte hausse, confirment de nouvelles données compilées par Equifax. Au deuxième trimestre (avril, mai, juin), les dépenses mensuelles moyennes de 2370 $ correspondent à une augmentation de 22 % (ou 427 $). C’est énorme. Votre salaire a-t-il suivi la même courbe dans la dernière année ?

Pour vous donner une idée, il y a cinq ans, le Canadien moyen dépensait 1850 $ par mois. Sur une année, c’est 6240 $ de moins qu’actuellement.

Le nombre de cartes de crédit que nous utilisons a aussi bondi de façon marquée, soit de 16 % depuis un an, selon Equifax. Les consommateurs ont de toute évidence besoin de crédit additionnel pour faire face au coût de la vie qui grimpe. D’ailleurs, la limite moyenne des nouvelles cartes est supérieure à 5800 $, ce qui ne s’était pas vu depuis sept ans. Cela s’explique par des salaires plus élevés et des besoins accrus, explique Jean-Philippe Saumure, conseiller principal, données et analyses, chez Equifax. « Les émetteurs savent très bien que les utilisateurs vont utiliser ce crédit. »

La hausse du prix des voitures exerce également de la pression sur les consommateurs qui doivent emprunter davantage pour rouler. En un an, le montant des prêts a bondi de 5 % chez les concessionnaires et de 10 % dans les banques. En raison du manque de stocks, le nombre de prêts a toutefois reculé. Mais pour ceux qui ont récemment acquis un véhicule, c’est un fardeau additionnel.

L’endettement à Montréal

Au bout du compte, les Québécois se retrouvent avec une dette moyenne de consommation (ce qui exclut les prêts hypothécaires) de 18 429 $. (+ 2,8 %) La moyenne nationale est de 21 128 $ (+ 2,4 %). Il est intéressant de constater que parmi les neuf plus grandes villes du Canada, Montréal affiche le niveau d’endettement le plus faible, à 16 422 $ (+ 4,6 %). Historiquement, le Québec s’est toujours démarqué à ce chapitre. « Mais l’endettement au Québec augmente comme partout au Canada », nuance Jean-Philippe Saumure. D’ailleurs, toutes les tendances observées ailleurs au pays touchent aussi le royaume de la poutine.

Parmi ces tendances, la plus inquiétante est la hausse des défaillances. Au cours du deuxième trimestre, 100 000 consommateurs de plus que l’an dernier ont manqué un paiement de crédit, note Equifax. Plus concrètement, une personne sur 30 au pays a été incapable de rembourser une de ses dettes à la date prévue.

« C’est certainement un signe, dans le contexte actuel, avec l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, d’un stress financier pour les consommateurs », indique Jean-Philippe Saumure. On est encore loin des taux de défaillance prépandémie (environ une personne sur 20 n’arrivait pas à payer son dû en 2018 et en 2019), mais on s’enligne pour les regagner « d’ici quelques trimestres », calcule l’expert.

Pour Pierre-Emmanuel Paradis, économiste et président de la firme AppEco, « le bateau commence à prendre l’eau » et cela n’a rien d’étonnant. Ces deux dernières années, « les gens se sont acheté des maisons un peu trop chères et pas nécessairement adaptées à la possibilité que les taux augmentent rapidement », explique-t-il. En plus, l’inflation s’est mise de la partie, ce qui rend la réduction des dépenses plus ardue.

Si la hausse des taux hypothécaires fait mal au budget de certains ménages, d’autres doivent composer avec une augmentation parfois substantielle de loyer.

Le retour au bureau en personne occasionne aussi son lot de dépenses difficilement évitables : transport, nouveaux vêtements, repas avec les collègues. C’est sans compter qu’après deux ans marqués par des restrictions, les derniers mois ont fait émerger une volonté (et même un besoin pour la santé mentale) de profiter de la vie, comme en témoigne l’engouement pour les voyages.

Après avoir mis en pratique de bonnes habitudes financières – plus ou moins de force –, voilà que même les meilleures résolutions sont confrontées au test de la réalité.

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