Des micro-guêpes à la rescousse du maïs
La pyrale du maïs, un papillon nocturne, est le principal insecte ravageur du maïs sucré au Québec. Chaque année, elle coûte cher aux producteurs, qui peuvent y laisser jusqu’à 8 % de leurs récoltes, en plus d’engendrer d’importantes conséquences environnementales à cause des quantités massives de pesticides utilisées pour la combattre.
Plus de 150 agriculteurs québécois ont désormais recours à des alliés inattendus pour éloigner ces insectes de leurs récoltes : les trichogrammes. Ces petites guêpes à peine visibles à l’œil nu sont des parasitoïdes, ce qui veut dire qu’elles sont très spécialisées, selon l’entomologiste François Fournier, professeur-chercheur au collège Montmorency. « Ils pondent leurs œufs dans l’œuf d’un autre insecte [la pyrale], ils le bouffent et éventuellement, ils le tuent. C’est comme Alien », explique-t-il.
C’est justement parce qu’ils s’attaquent presque uniquement aux œufs de pyrales que les trichogrammes ont si peu de risques pour l’environnement. « Je ne dis pas qu’ils sont parfaitement spécialisés pour la pyrale, mais ça se rapproche de ça, affirme l’expert. Les impacts sont à peu près nuls sur les autres espèces. »
Si l’utilisation de trichogrammes rebute encore beaucoup de producteurs, c’est parce qu’en plus de chambouler leurs habitudes, elle coûte plus cher que les pesticides chimiques conventionnels.
Le ministère québécois de l’Agriculture et l’IRDA ambitionnent toutefois de doubler le nombre de producteurs qui utilisent les trichogrammes, ainsi que la superficie traitée d’ici deux ans. Ils viennent d’ailleurs de créer un programme d’aide financière pour aider les agriculteurs à se convertir à cette méthode.
« C’est une méthode alternative qui permet de réduire l’utilisation des insecticides, donc de réduire l’impact sur l’environnement et la santé humaine […] et aussi de préserver une bonne partie de la biodiversité. »
— Sylvie Bellerose, conseillère à la direction de l’Institut en recherche et développement en agroenvironnement (IRDA)
De plus, selon elle, les producteurs peuvent y trouver une valeur ajoutée pour leurs récoltes, étant donnée la sensibilité grandissante des consommateurs aux questions environnementales.
Il existe un inconvénient à l’utilisation des trichogrammes : l’opération demande beaucoup de main-d’œuvre – une denrée rare dans le domaine agricole. Elle repose sur l’utilisation de petites cartes qui contiennent des milliers d’œufs de trichogramme, qu’on appelle trichocartes. Il faut manuellement installer des dizaines de trichocartes par hectare chaque semaine pour avoir l’effet escompté.
Pour contrer ce problème, l’IRDA, appuyé par les gouvernements fédéral et provincial, évalue présentement la possibilité de larguer des œufs de trichogramme par drone. Des essais techniques chez quatre producteurs et une analyse des coûts sont en cours.
Jusqu’à maintenant, le principal obstacle rencontré est le faible taux de survie des trichogrammes. Puisqu’ils sont plus exposés aux éléments lorsqu’ils sont largués du haut des airs que sur les trichocartes, il faudra trouver un moyen de protéger les œufs ou d’augmenter la quantité lâchée.
« Les travaux vont continuer, et évidemment, comme toute recherche scientifique, c’est l’argent disponible qui va déterminer la rapidité de progression de la technique », prévoit Sylvie Bellerose. Selon elle, l’IRDA est optimiste quant aux chances d’éventuellement offrir une méthode « intéressante et efficace » de propager les trichogrammes grâce aux drones.
Pourquoi le trichogramme ?
Il existe d’autres parasites et virus capables de s’attaquer à la pyrale du maïs, mais le trichogramme est particulièrement bien choisi pour trois raisons :
• Il tue littéralement la pyrale dans l’œuf, soit avant que celle-ci ne puisse causer le moindre dommage au maïs ;
• Il dépend de l’accessibilité des œufs de papillons pour se reproduire et ne survit pas à l’hiver, ce qui limite les risques de prolifération incontrôlée ;
• Il est inoffensif pour les humains et la plupart des autres vivants. Il n’a donc presque pas d’impacts sur la biodiversité en bordure des champs.