la pression monte à montréal

Alors que la pandémie continue de progresser partout au Québec, la situation est particulièrement préoccupante à Montréal. Avec 100 nouveaux patients atteints de la COVID-19 hospitalisés chaque semaine dans la métropole, les hôpitaux font face à un fardeau de plus en plus lourd. D’autant plus que les séjours de ces patients ont tendance à être longs.

MONTRÉAL

« une hausse qui ne semble pas vouloir ralentir »

Le nombre de cas de COVID-19 ne cesse d’augmenter à Montréal. Une trentaine d’éclosions sont en cours dans des hôpitaux. Ce qui fait dire à la directrice régionale de santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, que la « situation progresse rapidement » dans la métropole.

« Le Grand Montréal est la région où on a la hausse de cas la plus importante. Une hausse qui ne semble pas vouloir ralentir », a dit la Dre Drouin. Montréal a enregistré 4000 nouveaux cas de COVID-219 au cours des sept derniers jours. Le week-end dernier, 745 nouveaux cas ont surgi en une seule journée, du « jamais vu », affirme la Dre Drouin.

Plus de 40 % des gens qui contractent la maladie l’ont acquise à domicile. Les nouveaux cas sont surtout chez les jeunes en milieu scolaire et les aînés de 85 ans et plus. En tout, des éclosions ont cours dans 130 écoles, 41 milieux de garde, 172 milieux de travail (surtout des commerces) et 72 milieux de soins, dont 30 hôpitaux.

« Ça demeure préoccupant à ce stade-ci », affirme la PDG du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Sonia Bélanger.

La pression sur les hôpitaux est forte. Les hospitalisations sont en hausse. En tout, 384 personnes sont hospitalisées, soit 100 de plus que la semaine dernière. « C’est quand même une progression soutenue et constante », dit Mme Bélanger, qui ajoute que 52 patients sont aux soins intensifs.

Éclosions importantes à l’hôpital de Verdun

Parmi les hôpitaux touchés par des éclosions, l’hôpital de Verdun vit depuis quatre jours des éclosions importantes dans la majorité de ses unités de soins, révèle Mme Bélanger. « On a dû annuler plusieurs chirurgies. Des chirurgies d’un jour […]. C’est le branle-bas de combat présentement à l’hôpital de Verdun. On espère être en contrôle le plus rapidement possible », dit-elle.

Mme Bélanger ajoute que de plus en plus d’employés du réseau sont infectés. Présentement, 429 employés sont absents à cause d’un résultat positif à la COVID-19. À ce nombre s’ajoutent 500 personnes absentes parce qu’elles sont en attente d’un test de dépistage.

La Dre Drouin affirme que plus de 900 personnes travaillent actuellement à Montréal à faire le traçage des cas. De nouvelles équipes continueront d’être formées pendant le temps des Fêtes pour « anticiper une hausse en janvier », dit la Dre Drouin.

Le réseau de la santé est-il prêt à absorber cette hausse possible de cas au retour des Fêtes ? Mme Bélanger explique que les hôpitaux travaillent sur le scénario de rendre disponibles 1000 lits pour les patients COVID-19. Les hôpitaux de Montréal comptent en tout 5410 lits.

« On travaille à organiser les services, organiser nos équipes, pour être en mesure de donner les soins et services dans ces 1000 lits. »

— Sonia Bélanger, PDG du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, à propos des 1000 lits qui vont être rendus disponibles pour les patients COVID-19

Mme Bélanger explique que depuis quelques semaines, 100 nouveaux patients sont hospitalisés de plus chaque semaine à Montréal. « On se prépare en conséquence. Mais la stratégie évolue au fur et à mesure du nombre de cas », dit-elle.

La Dre Drouin croit que l’annonce de la pause des Fêtes, faite mardi, permettra de réduire le nombre de cas. Elle reconnaît qu’elle aurait elle-même aimé fêter Noël avec ses neveux, ses nièces et ses parents. Mais dans les conditions actuelles, la Dre Drouin souligne que ce n’est pas la chose à faire.

Quand on lui demande si effectuer une pause de deux semaines est suffisant pour casser la deuxième vague, la Dre Drouin affirme que pour elle, la pause commence dès jeudi, avec la fermeture des écoles. « Déjà, avec ces trois semaines, on devrait voir une réduction dans la progression », dit-elle.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a invité la population à « aller prendre l’air ». Elle a toutefois suggéré aux citoyens de fréquenter leur parc de proximité. « Garrochez-vous pas tous sur le mont Royal. Il y a d’autres beaux grands parcs à Montréal », a-t-elle rappelé.

1897 nouveaux cas, 42 décès

Comme à Montréal, la progression de la pandémie de COVID-19 se poursuit dans l’ensemble du Québec, alors que les autorités ont rapporté mercredi 1897 cas supplémentaires et 42 morts de plus. Le nombre d’hospitalisations continue aussi d’augmenter et frise maintenant la barre du millier de patients admis.

Toutes ces nouvelles données portent à 169 173 le nombre de personnes qui ont contracté la maladie depuis le début de la crise. Dans un communiqué de presse, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) précise toutefois que 144 168 de ces personnes sont « désormais rétablies ».

Au total, 7613 Québécois ont succombé à des complications liées au virus. Mentionnons qu’un décès a été retiré mercredi du bilan officiel, après que l’enquête a démontré qu’il n’était pas attribuable à la COVID-19.

Mercredi, c’est au Saguenay–Lac-Saint-Jean qu’on rapporte le plus de décès, avec neuf, suivi de la Capitale-Nationale, de Montréal et de Chaudière-Appalaches, qui rapportent chacune six morts. L’Estrie ajoute aussi cinq décès, alors que la Mauricie–Centre-du-Québec en recense trois, tout comme la Montérégie. Lanaudière déplore deux morts, alors que l’Outaouais et les Laurentides en annoncent un chacun.

On ajoute par ailleurs 16 hospitalisations par rapport à la veille, pour un total de 975 patients actuellement hospitalisés. De ce nombre, 128 personnes se trouvent toujours aux soins intensifs, soit une hausse de 3 cas en 24 heures. Mardi, le nombre d’hospitalisations a bondi au Québec avec une hausse de 69 patients, avec 1741 cas supplémentaires et 38 décès en plus. Selon des chiffres du MSSS, environ 2000 lits hospitaliers, dont 350 aux soins intensifs, sont disponibles pour traiter la COVID-19 au Québec.

« Avec la [hausse] des hospitalisations des derniers jours, il était nécessaire de faire une pause pour le temps des Fêtes afin de limiter nos contacts pour casser la vague. »

— Christian Dubé, ministre de la Santé, sur Twitter

Lundi, le Québec avait réalisé 32 873 tests de dépistage, un chiffre relativement stable par rapport à la moyenne sur sept jours. Les autorités précisent que 1315 doses de vaccin ont été administrées mardi, contre 298 la veille. C’est donc dire que 1613 personnes ont été vaccinées depuis le lancement de la campagne de vaccination, lundi.

L’Ontario toujours en état d’alerte

L’Ontario, de son côté, a rapporté mercredi 2139 nouveaux cas de COVID-19 et 43 nouveaux décès dus au virus. Au total, 932 personnes sont hospitalisées dans cette province en raison de la pandémie, dont 256 aux soins intensifs et 157 sous respirateur.

Des 2139 nouveaux cas, 780 étaient signalés à Toronto, 528 dans la région de Peel, 148 dans la région de York, 143 dans celle de Durham et 111 dans Windsor-Essex. Dans les foyers de soins de longue durée, 728 résidants sont actuellement atteints de la COVID-19 et 22 nouveaux décès ont été enregistrés mercredi.

Quelque 135 des 626 foyers de soins de longue durée de la province connaissent une éclosion. On signale également 223 nouveaux cas de COVID-19 liés aux écoles, dont au moins 188 parmi les élèves, ce qui porte le nombre d’écoles avec au moins un cas à 933, sur les 4828 écoles publiques de l’Ontario.

— Avec La Presse Canadienne

COVID-19

Les patients restent à l’hôpital longtemps

La durée des hospitalisations crée une pression supplémentaire sur le réseau de la santé

Les patients atteints de la COVID-19 restent en moyenne 17 jours à l’hôpital, selon une nouvelle étude publiée par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Un séjour plutôt long, presque trois fois plus que pour les patients atteints de l’influenza, qui accentue la pression sur les hôpitaux.

Dans un document intitulé « Comparaison des hospitalisations dues à la COVID-19 pendant la première vague à celles dues à l’influenza pendant les saisons précédentes », on apprend que les patients atteints de la COVID-19 restent en moyenne 17,2 jours à l’hôpital, contre 6,4 jours pour les patients atteints de l’influenza.

Chez les patients de 80 ans et plus atteints de la COVID-19, la durée moyenne de séjour à l’hôpital est de 22 jours. Les patients de ce groupe d’âge atteints de la grippe n’y restent que de 9 à 10 jours.

Microbiologiste-infectiologue à l’Hôpital général juif, le DKarl Weiss explique que les patients hospitalisés à cause de la COVID-19 présentent des « problèmes respiratoires qui perdurent longtemps à cause de l’inflammation causée par le virus ».

« Leurs besoins en oxygène durent longtemps. On ne peut pas les sevrer rapidement. »

— Le Dr Karl Weiss, microbiologiste-infectiologue à l’Hôpital général juif, à propos des patients atteints de la COVID-19

Ce dernier souligne toutefois que depuis la première vague, les traitements se sont améliorés. « La durée de séjour des patients est possiblement moins longue actuellement. Mais elle reste plus longue que pour les patients atteints de l’influenza. […] On est incapables de leur donner congé rapidement », dit-il.

Le fait que les patients atteints de la COVID-19 restent longtemps à l’hôpital a de lourdes conséquences sur le système de santé. Le DWeiss explique que même si seulement 25 nouvelles hospitalisations s’ajoutent chaque jour, au bout de 12 jours, les premiers cas sont toujours là, ce qui engorge rapidement les hôpitaux. « Même un petit nombre de patients hospitalisés finit par faire un grand nombre. C’est ce qui inquiète actuellement », dit-il.

Une pression « bien réelle »

Partout au Québec et à Montréal, notamment, la hausse des hospitalisations contribue à rendre vulnérable le réseau de la santé, rappellent des experts en la matière. « La pression sur les hôpitaux est bien réelle. La plupart des établissements se réorganisent actuellement pour anticiper l’afflux de patients auquel on s’attend dans les prochaines semaines », explique le DQuoc Nguyen, gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

Ainsi, une question se pose : les mesures auraient-elles dû être plus énergiques, plus rapidement, pour limiter la hausse des hospitalisations ? « C’est difficile à dire, répond M. Nguyen. Si on veut éviter le délestage, c’est sûr qu’il faut être plus sévères, mais j’ignore si, comme société, on aurait pu l’accepter. »

« Un cas de COVID-19 compte pour beaucoup. Ce virus déconditionne les personnes surtout âgées, ce qui fait qu’elles doivent rester plus longtemps pour recevoir d’autres soins, même si elles sont guéries. »

— Le Dr Quoc Nguyen, gériatre au CHUM

Experte en organisation des services de santé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), la professeure Marie-Pascale Pomey affirme que le Québec aurait pu imaginer d’autres solutions. « On n’a pas du tout ouvert la possibilité de faire des hôpitaux dédiés à la COVID-19, afin de préserver nos milieux de soins. Et là, notre système est directement impacté, sauf qu’on ne dispose d’aucune solution parallèle », observe-t-elle, en disant toutefois comprendre que des « enjeux de ressources humaines » peuvent freiner les ambitions des autorités.

« Il reste que depuis le mois de septembre, on n’a jamais été capables de diminuer la courbe, entre autres parce que le problème de l’accès aux tests est toujours présent. Les délais sont longs, donc on n’arrive pas à contenir les risques d’infection rapidement », ajoute Mme Pomey.

« On ne peut plus se permettre de dire que ça va bien aller »

Pour Roxane Borgès Da Silva, spécialiste de la santé publique, la hausse des hospitalisations est inquiétante, surtout parce que les mesures de confinement annoncées mardi par Québec manquent de mordant. « Les fermetures n’incluent même pas le secteur manufacturier, alors que 31 % des éclosions en milieu de travail proviennent de là », dénonce-t-elle.

« Il n’y aura pas de reprise économique si la population n’est pas en santé. Les Fêtes vont être un gros rush pour le réseau, ce qui est très préoccupant. »

— Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’ESPUM

Mme Da Silva est aussi d’avis que les mesures auraient pu être pensées autrement. « On se demande quel impact aura la fermeture des écoles, quand on sait que le secondaire sera déjà en ligne en bonne partie. On aurait dû fermer dès maintenant les commerces non essentiels, voyant cette hausse de cas qui va se matérialiser en un nombre d’hospitalisations énorme », conclut-elle.

Dans les CHSLD, la pression est telle que les hôpitaux demandent de ne plus transférer les patients. « Ça nous inquiète parce qu’on veut que nos patients aient accès à des soins. D’un côté éthique, ça vient me chercher », confie la Dre Sophie Zhang, cheffe adjointe de l’hébergement au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

« On sent la pression de tous les bords », ajoute Mme Zhang, qui ne se dit « pas certaine » que « plus de confinement égale moins de cas » à ce stade-ci. « De notre côté, on prépare le scénario d’une catastrophe post-Fêtes, en situation de débordement. On ne peut plus se permettre de dire que ça va bien aller », conclut-elle.

Milieux de vie pour aînés

québec resserre les mesures pour les fêtes

Le nombre de proches aidants autorisés en CHSLD est restreint à une personne pour la période du temps des Fêtes, soit du 17 décembre au 11 janvier, a annoncé la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, en conférence de presse, mercredi après-midi.

Pour freiner la propagation préoccupante du virus, Québec a présenté un ensemble de mesures renforcées en CHSLD et en résidence pour aînés (RPA).

« Nous sommes à un tournant de la pandémie, mais la situation demeure très inquiétante en dépit des efforts de vaccination qui commencent. […] Ces mesures que nous souhaitons mettre en place visent à protéger nos aînés tout en brisant leur isolement », a indiqué Mme Blais, aux côtés du conseiller médical stratégique de la Direction générale de santé publique, le DRichard Massé.

Les dernières consignes sanitaires concernent le nombre de personnes proches aidantes autorisées en CHSLD et en ressources intermédiaires (RI) de 20 personnes et plus. En palier d’alerte rouge, il s’agit d’un proche aidant connu du milieu de vie par période de 24 heures. En palier d’alerte orange, deux personnes seront autorisées pour la même période, sauf en milieu d’éclosion, où la barre redescend à une personne. En ce qui concerne les sorties à l’extérieur et à l’intérieur, elles ne seront pas permises.

Un assouplissement a toutefois été annoncé pour les personnes seules en RPA. Elles seront autorisées à se joindre à une seule et même bulle familiale pendant la période des Fêtes, à condition de se placer ensuite en isolement pendant sept jours.

Des réactions divisées

Dans les milieux de vie, les réactions aux nouvelles restrictions sont divisées. Franck Larsy, dont la mère a été l’une des premières résidantes du Centre gériatrique Maimonides vaccinées contre la COVID-19, se dit satisfait de l’annonce. Toutefois, il reconnaît voir une certaine incohérence dans le fait que ni les tests ni le vaccin ne sont obligatoires pour le personnel.

« Il y a toujours un risque que les employés soient asymptomatiques. Le personnel entre en contact avec beaucoup plus de résidants que les proches aidants. Il me semble que les tests devraient devenir obligatoires, au moins pour la période des Fêtes. »

— Franck Larsy, fils d’une résidante du Centre gériatrique Maimonides

Pour la proche aidante Marie-Josée Noël, ce resserrement nuit plus aux aînés qu'il ne les protège. Depuis le début de la pandémie, elle a vu sa mère, résidante au CHSLD Berthiaume-Du Tremblay à Montréal, dépérir à vue d’œil. « C’est nous qui sommes les mieux placés pour voir qu’ils souffrent. On leur fait du bien, on aide le personnel. Quand tout le monde respecte les règles, il n’y a pas de problème. Pourquoi ajouter plus de restrictions ? », déplore-t-elle.

« Maintenir le lien social »

À défaut de permettre les visites dans les CHSLD et les RI pour la période des Fêtes, la ministre Blais a tenu à rappeler l’importance de « maintenir et favoriser le lien social avec les aînés ».

« Nous avons de nos jours tous les outils possibles pour le faire et je vous invite à faire preuve de créativité afin de partager des moments de bonheur avec vos proches. »

— Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants

« Décorations festives, repas thématiques, appels avec les proches, tous les moyens sont bons pour ajouter un peu de gaieté à ce temps des Fêtes difficile », a ajouté Mme Blais.

Elle a aussi profité de l’annonce pour inviter les aînés du Québec à se prévaloir du vaccin contre la COVID-19 dès qu’il sera offert dans leur région.

« On est sur les derniers milles. Il ne faut surtout pas lâcher à ce moment-ci. Nous voyons enfin la lumière au bout du tunnel, mais d’ici là, la patience et la prudence sont de mise. »

Selon l’évolution de la situation épidémiologique au Québec, ces mesures pourraient être reconduites après le 11 janvier 2021.

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