Lysanne Richard savoure son envol
À 7 ans, la petite Lysanne Richard voulait faire de la natation à la piscine d’Alma. Comme le cours était complet, sa mère l’a inscrite en plongeon. À partir de ce moment ou presque, elle est allée Toujours plus haut, le titre donné à sa biographie, publiée avec Myriam Jézéquel chez Flammarion Québec. Jusqu’à devenir, à 39 ans, une des meilleures plongeuses de haut vol au monde… tout en étant mère de trois enfants.
Son sport ? Plonger d’une plateforme juchée à une vingtaine de mètres de l’eau – l’équivalent d’un immeuble de cinq ou six étages. Passer trois ou quatre secondes à virevolter dans les airs, « complètement emportée dans une autre dimension », témoigne-t-elle dans le livre. Avant de finalement fendre l’eau à une vitesse d’environ 80 km/h, devant juges et caméras.
Sa biographie rapporte une entrevue accordée en janvier 2016 à La Presse, alors que la jeune femme s’apprêtait à participer à la Coupe du monde de la FINA à Abou Dabi. « Est-ce irresponsable comme profession, pour une mère de famille ? », lui avait-on demandé sans gêne.
Près de cinq ans plus tard, alors que Lysanne grimpe régulièrement sur le podium des impressionnantes compétitions Red Bull Cliff Diving, la question se repose. « Si je n’avais pas eu ce questionnement, ce serait irresponsable », convient Lysanne Richard, toujours bonne joueuse, en entrevue à Montréal.
« La job de Red Bull, c’est de rendre notre sport wow, impressionnant et dangereux. Mais on ne voit pas l’envers du décor. On a pensé à tous les détails auxquels on pouvait penser. On ne laisse pas beaucoup de place au hasard. »
— Lysanne Richard
« Je ne considère pas que c’est irresponsable, la façon dont je fais du haut vol maintenant », ajoute-t-elle.
À 18 ans, Lysanne Richard a passé un été à donner des spectacles au sein du Crazy Flyers Show, en France, allant jusqu’à plonger vêtue d’une cape enflammée (!). « Là, je faisais un peu n’importe comment, se rappelle-t-elle. J’avais le goût d’essayer un plongeon, je l’essayais ! »
Puis, en décembre 2001, la jeune téméraire est devenue mère – de son aîné Louka, qui aujourd’hui a 18 ans… Elle étudiait alors à l’École nationale de cirque de Montréal, après bien des années de plongeon et de trampoline. « J’ai arrêté l’école de cirque pendant deux ans, dit-elle simplement. Quand je suis revenue, j’étais maman. Ça a transformé mon approche de la vie. »
« Bien des jeunes paniquent ou s’offusquent devant une critique, relate Yves Dagenais, son enseignant de l’époque, dans la biographie. Mais Lysanne était très à l’écoute des commentaires. Elle travaillait pour s’améliorer. Vouloir se dépasser constamment est un trait de son caractère. »
La plongeuse confirme : « C’est à force d’être capable de prendre les critiques – moi j’appelle ça des conseils – que j’arrive à m’améliorer. »
Comme sa mère Marcia, Lysanne est aussi proactive. « En mode solutions », souligne la biographie. « Elle est vraiment hot, ma mère, observe Lysanne. Au secondaire, quand j’étudiais en sports-études à Québec, on vivait au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Le lundi, on partait à 4 h du matin et elle roulait pour me conduire à l’école, puis elle revenait à Jonquière pour travailler. Pour elle, c’était la solution. » Le reste de la semaine, l’adolescente était pensionnaire à Québec.
« Je réussis à faire des compétitions parce que ma mère nous a toujours aidés, ajoute Lysanne, dont les deux autres enfants ont 6 et 11 ans. Mon chum est super impliqué, mais quand il commence à travailler à 5 h 30 du matin, elle arrive à 5 h pour être avec les enfants. Elle cherche tout le temps la solution pour que ce soit possible. »
Sa fille fait la même chose : après l’école de cirque, Lysanne Richard a accepté les contrats pour le Cirque du Soleil, Les 7 doigts de la main, etc. Rien n’était impossible pour la jeune maman.
« Quand on veut que quelque chose arrive, le réflexe, c’est de se demander : comment on fait pour que ça se réalise ? »
— Lysanne Richard
Ses hauts ont tout de même été suivis d’un profond bas, en 2017. Une hernie discale cérébrale – doublée d’une crainte non avérée de cancer du cerveau – l’a contrainte au repos au lit pendant un mois, suivi de huit mois sans activité physique. Au même moment, sa famille a été évincée de son logement par ses propriétaires, qui l’ont repris. « Je ne pouvais même pas faire mes boîtes ! », se rappelle la plongeuse.
Comment a-t-elle gardé le moral ? « Il y a un temps où je l’ai perdu, le moral, témoigne-t-elle. Sérieusement, 2017, ça a été tough. La médication que je prenais me rendait dépressive et m’a fait prendre beaucoup de poids. » C’est une fois la saison de plongeon terminée (sans qu’elle ait pu tenter le moindre saut) qu’elle a rebondi. « Ça a changé la suite de ma carrière », dit-elle. Aujourd’hui, l’athlète est encore mieux entourée, notamment d’un ostéopathe et d’un préparateur mental.
« Quand je suis revenue à la compétition, je l’appréciais plus, souligne Lysanne Richard. Je réalisais la chance que j’avais d’être là. » La plongeuse s’est hissée au troisième rang du classement féminin Red Bull Cliff Diving en 2018 et 2019 – avant de voir la saison 2020 annulée, en raison de la pandémie.
Lysanne Richard a profité de cette drôle d’année pour plonger en Beauce et dans le fjord du Saguenay. « On aimerait organiser une compétition au fjord », dit-elle. Son rêve ultime reste de plonger aux Jeux olympiques de Paris, en 2024 – à condition que le haut vol y soit admis comme discipline. « Mais j’ai d’autres objectifs, nuance-t-elle. Je rêve de plonger d’un hélico. J’aimerais plonger dans des lieux inusités, en faisant le tour du Canada. Faire des choses flyées en continuant à vivre de mon sport, c’est ce qui m’intéresse. »
Toujours plus haut
Lysanne Richard et Myriam Jézéquel
Flammarion Québec
224 pages
En librairie jeudi