Nouvelle tempête

Une mutation du virus qui rend la COVID-19 encore plus contagieuse oblige le Canada à fermer ses frontières avec le Royaume-Uni, qui se reconfine d’urgence. Et au Québec, un nombre record de cas nourrit les craintes de délestages accrus dans les hôpitaux.

Royaume-Uni

Une souche « hors de contrôle »

L’apparition au Royaume-Uni d’une nouvelle souche du coronavirus « hors de contrôle » a entraîné le reconfinement soudain de 16 millions de Britanniques et a amené plusieurs pays, dont le Canada, à suspendre les vols en provenance du territoire britannique.

Le ministre de la Santé britannique, Matt Hancock, a qualifié dimanche la nouvelle souche comme étant « hors de contrôle », afin de justifier le nouveau confinement à Londres et dans le sud-est de l’Angleterre. Cette nouvelle souche pourrait être jusqu’à 70 % plus transmissible, a affirmé samedi le premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson.

Suspension des vols

La découverte de ce nouveau variant a poussé plusieurs pays d’Europe, dont l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Irlande, à suspendre leurs liaisons avec le Royaume-Uni. La France a également décidé de suspendre tous les déplacements de personnes en provenance du territoire britannique pour 48 heures à partir de dimanche à minuit.

À la suite d’une rencontre du Groupe d’intervention en cas d’incident dimanche, le gouvernement Trudeau a également interdit les vols de passagers en provenance du Royaume-Uni. Cette décision survient au moment où le nombre de cas de COVID-19 a battu un record au Québec. « Compte tenu du nombre élevé de cas recensés d’un variant du virus de la COVID-19 dans certaines régions du Royaume-Uni, nous avons pris la décision de suspendre l’entrée au Canada de tous les vols de passagers commerciaux et privés en provenance du Royaume-Uni, et ce, pendant 72 heures à compter de minuit [dimanche] », a indiqué l’Agence de la santé publique du Canada dans un communiqué.

Seul Air Canada opérait des vols directs entre Montréal et Londres et sa planification d’horaire était d’un vol par jour, précise Anne-Sophie Hamel, directrice aux affaires corporatives et relations médias à l’aéroport Montréal-Trudeau. Les passagers qui sont arrivés au Canada dimanche en provenance du Royaume-Uni devront faire l’objet d’une vérification secondaire et de mesures accrues, notamment une vérification approfondie de leur plan de quarantaine, a indiqué le gouvernement fédéral. Les passagers qui sont arrivés récemment du Royaume-Uni recevront aussi de nouvelles consignes de la part du Canada.

Selon Nathalie Grandvaux, chercheuse au laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), la fermeture des frontières avec le Royaume-Uni ne sera probablement pas suffisante pour contrôler la pandémie.

« Il y a énormément de personnes actuellement qui décident de passer des vacances dans le Sud. Si on veut contrôler ce qui se passe, il ne faut pas seulement limiter les rassemblements au Québec, il faut arrêter de laisser les gens voyager pour des raisons non essentielles. »

— Nathalie Grandvaux, chercheuse au CHUM

Mme Grandvaux soutient qu’un nouveau variant pourrait apparaître dans n’importe quel pays.

« Il est encore tôt pour comprendre le mécanisme par lequel le nouveau variant se propage plus rapidement, mais c’est peut-être parce qu’il est plus transmissible entre les individus », indique à La Presse David Robertson, professeur de génomique virale et de bio-informatique à l’Université de Glasgow, en Écosse.

Bien qu’il soit connu que les virus changent constamment par mutation, conduisant à l’émergence de nouveaux variants, une analyse préliminaire au Royaume-Uni suggère que cette nouvelle souche se transmet beaucoup plus rapidement avec une transmissibilité estimée jusqu’à 70 %.

La nouvelle souche britannique a été détectée pour la première fois au mois de septembre. En novembre, environ un quart des cas à Londres étaient composés de ce nouveau variant, et cette proportion a grimpé à près de deux tiers à la mi-décembre. Bien qu’elle soit devenue la souche dominante, rien n’indique que l’infection est plus grave avec ce nouveau variant.

Le vaccin est-il compromis ?

Le nouveau variant n’est pas inquiétant pour le vaccin, mais « nous ne voulons pas que cette souche mute ou se propage davantage », affirme dans un courriel à La Presse le professeur de microbiologie clinique à l’Université de Cambridge, en Angleterre, Ravi Gupta, qui étudie les mutations du coronavirus.

Le professeur David Robertson est du même avis. « Il n’y a aucune preuve que ce variant particulier ou l’un de ceux détectés à ce jour auraient un impact sur le succès du vaccin. » Il souligne toutefois qu’il faudra suivre de près l’immunité induite par les vaccins, puisque le virus peut continuer d’évoluer rapidement.

Si on se rend compte que le vaccin est moins efficace avec cette nouvelle souche, on devra avoir un vaccin qui change en fonction des variants comme on le fait pour la grippe, explique Mme Grandvaux. « La beauté de la technologie du vaccin ARN, c’est qu’on peut changer l’ARN à l’intérieur du vaccin beaucoup plus facilement, donc ça va laisser beaucoup plus de flexibilité pour s’adapter aux variants dans le futur », dit-elle.

Le nouveau variant voyage

Des cas liés à la nouvelle souche ont été décelés dans plusieurs régions du Royaume-Uni, ainsi qu’aux Pays-Bas, au Danemark et en Australie, a indiqué dimanche l’Organisation mondiale de la santé.

« On ne peut pas exclure que le variant soit déjà au Québec, parce que nos frontières ne sont pas fermées », affirme Nathalie Grandvaux.

Bien que la souche du virus ne soit pas vérifiée chez tous les patients canadiens, une biobanque a été mise sur pied pour connaître quels variants et quelles souches sont présents dans la population. « Même si on a déjà ce variant au Québec, il n’est certainement pas aussi étendu qu’au Royaume-Uni », soutient Mme Grandvaux.

L’Ontario s’apprêterait à se reconfiner

Le gouvernement ontarien s’apprêterait à imposer un confinement à l’échelle de la province à compter du 24 décembre afin de lutter contre la progression de la COVID-19, ont rapporté des médias, dimanche. Global News et la station de radio torontoise 680 News ont lancé la nouvelle, citant des sources au courant des intentions du gouvernement. Le confinement complet, dont la durée variera en fonction des régions, devrait être annoncé lundi après-midi. Un porte-parole du premier ministre Doug Ford n’a pas immédiatement répondu à une demande d’entrevue. Le gouvernement avait déjà indiqué que de nouvelles mesures seraient annoncées ce lundi. L’Ontario a rapporté dimanche 2316 nouveaux cas de COVID-19 et 25 décès liés au coronavirus. La province dépassait le cap des 2000 cas pour la sixième journée de suite.

— La Presse Canadienne

Record de cas quotidiens

« Les gens ont moins peur de la COvid-19 »

Noël approche et la situation ne s’améliore pas au Québec : le bilan de dimanche fait état pour la deuxième journée de suite d’un record de cas de COVID-19. Il va falloir s’armer de patience avant de voir le bout du tunnel, et le spectre des rassemblements illégaux durant le temps des Fêtes vient assombrir le portrait, estiment les experts.

« Les trois prochains mois seront très difficiles », laisse tomber Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

D’autant plus qu’on va mettre du temps à voir les effets du confinement partiel qui s’étendra du 25 décembre au 11 janvier, poursuit l’expert.

« Les dés sont jetés. On doit attendre au moins une dizaine de jours pour voir une diminution des cas si les contacts sont vraiment réduits. Les chiffres continueront à être élevés d’ici là. »

« On a l’impression qu’on n’a pas été capables de mettre des mesures assez tôt et avec assez de cohérence pour diminuer la tendance », affirme Marie-Pascale Pomey, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

La chercheuse fait référence au lent déploiement des tests de dépistage rapides au Québec et déplore aussi que la Santé publique n’exige pas à toute la famille de s’isoler quand un membre est en attente d’un résultat de test.

« Ces détails ont vraiment joué contre nous. On n’a pas été en mesure d’agir tôt et rapidement. On est donc complètement dépassés par le nombre de cas. »

— Marie-Pascale Pomey, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

La cohue dans les centres commerciaux ne représente pas un grand danger, mais les réunions en milieux clos sont une énorme source de propagation. « On ne peut pas faire l’autruche. Des gens se réuniront pour Noël. » Il y avait une plus grande collaboration lors du contrat moral selon lequel il fallait s’isoler avant et après le party de famille qu’avec une interdiction formelle de se réunir, très difficile à appliquer ou à contrôler, admet-elle.

On remarque un relâchement dans les consignes sanitaires, croit Michel Camus, épidémiologiste de l’environnement. « On arrive à la limite de ce que notre système de santé peut prendre, estime l’expert. On a tardé à donner un message plus sévère à la population. Les gens ont été marqués par certaines incohérences : on fermait les bibliothèques et le Jardin botanique, mais on gardait d’autres endroits ouverts. Ça a beaucoup déstabilisé la population. »

Selon Marie-France Raynault, cheffe du département de médecine préventive et santé publique au CHUM, il y a de quoi craindre les réunions familiales la semaine prochaine. Les files devant les succursales de la Société des alcools du Québec (SAQ) et les foules qui font leurs emplettes ne sont pas des signes encourageants. « Les vacances scolaires n’auront aucun effet si c’est remplacé par une augmentation des rassemblements entre proches et amis. Ça va même être pire. Ceux qui vont payer, ce sont les gens qui sont malades, dont les hospitalisations seront retardées. »

« Mon impression, c’est que les gens ont moins peur de la COVID-19, ils sont habitués à vivre avec. C’est pourtant un virus sournois. Ça peut nous frapper n’importe quand », dit Mme Raynault.

Bilan

On a recensé dimanche 2146 nouveaux cas de COVID-19 à travers le Québec, un record qui porte le total de personnes contaminées à 176 985 depuis le début de cette pandémie. Les hospitalisations sont en légère hausse et on rapporte 21 morts supplémentaires liées au virus.

De celles-ci, 3 sont survenues dans les 24 dernières heures et 18, entre le 13 et le 18 décembre. Selon les plus récentes données gouvernementales, 7736 personnes ont succombé à la COVID-19 au total.

Les hospitalisations augmentent de 5 par rapport à samedi et demeurent élevées, à 1010. On précise qu’une centaine de personnes sont entrées à l’hôpital et que 95 en sont sorties.

Parmi les patients hospitalisés, 146 sont aux soins intensifs pour des complications liées au virus. Il s’agit d’une hausse de 4 par rapport à la veille.

La campagne de vaccination entamée lundi dernier se poursuit au Québec, avec 719 doses de vaccin administrées dans les 24 dernières heures, pour un total de 4716.

Dans ce portrait sombre, la campagne de vaccination entamée lundi donne espoir. « On vaccine au compte-gouttes, mais beaucoup de personnes seront vaccinées rapidement d’ici la mi-janvier », estime Benoît Mâsse.

Se rendre jusqu’au mois de mars ne sera pas facile, mais il demeure optimiste. « Le confinement partiel va beaucoup nous aider, pourvu que le temps des Fêtes se déroule sans rassemblements illégaux. »

L’Ontario s’apprêterait à se reconfiner

Le gouvernement ontarien s’apprêterait à imposer un confinement à l’échelle de la province à compter du 24 décembre afin de lutter contre la progression de la COVID-19, ont rapporté des médias, dimanche. Global News et la station de radio torontoise 680 News ont lancé la nouvelle, citant des sources au courant des intentions du gouvernement. Le confinement complet, dont la durée variera en fonction des régions, devrait être annoncé lundi après-midi. Un porte-parole du premier ministre Doug Ford n’a pas immédiatement répondu à une demande d’entrevue. Le gouvernement avait déjà indiqué que de nouvelles mesures seraient annoncées ce lundi. L’Ontario a rapporté dimanche 2316 nouveaux cas de COVID-19 et 25 décès liés au coronavirus. La province dépassait le cap des 2000 cas pour la sixième journée de suite.

— La Presse Canadienne

Montréal

Les consignes sanitaires bafouées lors d’une manifestation

Restrictions sanitaires bafouées, slogans complotistes, interpellations policières : plusieurs milliers de manifestants se sont réunis dimanche devant les bureaux montréalais du premier ministre François Legault. Malgré les consignes sanitaires et la forte présence policière, très peu de participants arboraient le couvre-visage et plus de 200 contraventions ont été distribuées aux récalcitrants.

L’impressionnante foule se tenait devant les bureaux montréalais du premier ministre François Legault dimanche dès midi, près d’une heure avant le début de la marche.

À l’arrivée de La Presse, deux policiers remettaient une contravention à un participant sans couvre-visage. Vêtu d’un masque d’Halloween, le manifestant refusait de collaborer et argumentait avec les agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Il n’a pas été le seul à recevoir une amende salée. Malgré le caractère pacifique de l’évènement, plusieurs refusaient d’obéir aux consignes sanitaires lancées par les policiers, qui rappelaient le port du masque obligatoire.

Au total, 269 constats d’infraction ont été remis en lien avec le port du masque.

On signale aussi six rapports d’infraction généraux envoyés au Directeur des poursuites criminelles et pénales en lien avec les consignes sanitaires, confirme Julien Lévesque, du SPVM.

Ce « méga-rassemblement de Noël » était organisé par un groupe s’opposant aux consignes sanitaires. Le mouvement citoyen entend faire « face à la menace d’une descente vers un État policier ».

La distanciation n’était pas au rendez-vous. Non loin de l’escouade antiémeute postée aux abords de la rue Sherbrooke Ouest, une femme distribuait des « câlins gratuits », comme l’indiquait sa pancarte tenue à bout de bras.

Plusieurs affiches dénonçaient les consignes sanitaires et la « dictature » du gouvernement. D’autres évoquaient la 5G et le mouvement antivaccin.

« Je suis contre toutes les mesures depuis le mois de mars. La COVID-19, c’est une mascarade visant à nous imposer le vaccin », a expliqué un manifestant accompagné de sa famille. Selon lui, les urgences sont vides. Pourtant, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a souligné en point de presse cette semaine la situation critique dans une dizaine de centres hospitaliers.

En milieu d’après-midi, des gens de tous les âges et des familles continuaient de déambuler dans la rue Sherbrooke en direction du parc La Fontaine, suivis par un convoi du SPVM.

Beauport : Des amendes de 1543 $ pour trois fêtards

Trois fêtards de Beauport ont reçu la visite du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), samedi soir. Cadeau avant le temps, leur fête illégale leur a valu chacun un constat de plus de 1500 $. Et gare à ceux qui voudraient les imiter, les patrouilleurs seront aux aguets pour répondre aux appels de dénonciation pour non-respect des consignes sanitaires pendant la période des Fêtes. Les appels de dénonciation de rassemblements illégaux se feraient nombreux à Québec. Sans pouvoir les quantifier, le lieutenant Yannick Berrouard confirme toutefois que le SPVQ reçoit un « certain nombre d’appels » liés à des contrevenants. Trois fautifs dans la trentaine l’ont d’ailleurs appris à leurs dépens samedi quand des agents se sont présentés à leur party à Beauport en guise d’avertissement. Ils ont cependant reçu un deuxième appel d’un voisin en soirée, soulignant que la fête continuait. « Il y a eu un refus de collaborer, on s’est donc procuré un télémandat [pour pouvoir entrer dans la résidence] pour finalement pouvoir intervenir en début de nuit. On ne peut pas dire qu’ils n’avaient pas été avertis », a expliqué le lieutenant Berrouard.

— Émilie Pelletier, Le Soleil

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