Repêchage de la LNH

Cayden Lindstrom a soupé avec le CH

Buffalo — Un jour, il faudra monter une compilation statistique des soupers des espoirs de la LNH avec les équipes lors du camp d’évaluation de la LNH afin de déterminer leur valeur prédictive. Quelque chose avec un titre scientifique bien léché, du genre : La géopolitique des soupers – Essai.

En attendant l’écriture de ce futur succès de librairie, contentons-nous de rapporter que Cayden Lindstrom a pu casser la croûte avec l’état-major du Canadien cette semaine. C’est ce qu’a raconté le prometteur centre à La Presse, vendredi midi, dans un hall d’hôtel du chef-lieu du comté d’Érié, Buffalo.

C’est dans un steakhouse du centre-ville que Lindstrom a été convié, mardi. On retrouvait parmi les convives Jeff Gorton, Kent Hughes, Martin Lapointe et un certain Billy, que l’on devine être Billy Ryan, directeur de l’évaluation des joueurs et dépisteur amateur du CH.

« C’était bien, on a mangé, on a jasé, on a rigolé. C’était bien de les rencontrer, d’apprendre à les connaître et ils ont appris à me connaître », a décrit Lindstrom.

Si on se fie à la description de Lindstrom, le CH s’est présenté à lui comme un Mini Wheats cette semaine. Le jeune homme a d’abord vu le côté nutritif de l’équipe, lors d’une entrevue plus formelle au KeyBank Center, avant de découvrir le fameux givrage sucré.

« Leurs entrevues, c’est du sérieux. C’était une bonne entrevue. Je pense que ça a bien été, ils ne m’ont pas trop talonné. Mais je ne sais pas comment le décrire, personne n’a vraiment souri. Mais ensuite, au souper, ils blaguaient et tout. C’était du bon monde. »

— Cayden Lindstrom

Ces repas ne disent pas tout. En 2022, le Canadien avait invité Logan Cooley et Shane Wright à souper. Juraj Slafkovsky avait quant à lui été convié à une deuxième entrevue, mais pas autour d’un repas, et c’est finalement sur le grand Slovaque que l’équipe a misé.

Convoitise et incertitude

La différence, c’est qu’en 2022, Montréal était maître du jeu, en tant que détenteur du 1er choix. Cette année, l’équipe parle au 5rang et son choix pourrait donc dépendre de ce qui se passera aux rangs 1 à 4. Disons plutôt 2 à 4, puisque les Sharks feront visiblement de Macklin Celebrini le premier choix.

Or, il appert que Lindstrom suscite la curiosité ailleurs qu’à Montréal. On nous dit en effet qu’il a aussi eu droit à des rencontres approfondies avec d’autres équipes qui repêchent avant le Tricolore.

C’est que Lindstrom a tous les outils pour connaître une grande carrière. À 6 pi 3 po et 210 lb, il est un des attaquants les plus costauds de l’encan. Il a utilisé sa carrure à bon escient cette saison, inscrivant 27 buts et 19 passes en seulement 32 matchs, avec les Tigers de Medicine Hat, dans la Ligue junior de l’Ouest (WHL). Il a ajouté 66 minutes de pénalité.

Là où ça accroche, c’est son état de santé. On sent la question très délicate. Pour notre entrevue (et pour celles d’autres médias), son agent, Daren Hermiston, est resté à son côté, chose inhabituelle à ce camp d’évaluation, où les rencontres avec les journalistes se font toujours dans un contexte décontracté.

L’agent a en outre exigé qu’il n’y ait pas de questions sur ses récentes blessures. « On va laisser ça aux équipes. On leur a fourni toute l’information dont elles ont besoin », a dit Hermiston.

Lindstrom a été ralenti par des blessures au dos et à une main cette saison, ce qui explique sa saison de 32 matchs. Il est revenu au jeu en séries, le temps de quatre matchs, mais a été limité à deux petits points. Après les séries, il a été déterminé qu’il valait mieux mettre fin à sa saison, ce qui explique qu’il n’a pas participé au Championnat du monde des moins de 18 ans à la fin avril.

Plus tard vendredi, dans un point de presse réunissant les cinq meilleurs espoirs, les inévitables questions sur sa santé sont toutefois revenues. « Je me sens très bien. Je m’entraîne cinq ou six fois par semaine et je patine trois ou quatre fois par semaine. Tout va bien, ça guérit rapidement », a-t-il assuré.

Lindstrom n’est évidemment pas le premier espoir de haut niveau dont la santé suscite des doutes. En 2012, le Canadien avait repêché Alex Galchenyuk au 3rang après qu’une blessure à un genou l’eut limité à huit matchs en saison et en séries. On a compris par la suite que le genou venait bien loin dans la liste de ses problèmes…

Élevé dans la modestie

Hors glace, c’est un garçon au parcours atypique qui se présente aux équipes.

Lindstrom a en effet été élevé par sa mère, dont il porte d’ailleurs le nom de famille. Le père n’est pas dans le décor. « Ma figure paternelle, c’était mon grand-père, Lance, le père de ma mère, détaille-t-il. Il m’a aidé athlétiquement et il m’a montré à devenir un homme. »

On le sent très reconnaissant des sacrifices faits par sa mère pour lui permettre d’aller au bout de ses rêves. « Ça m’a poussé, ça me fait jouer avec émotion. Quand ça devient dur dans les matchs, les entraînements, j’essaie de me rappeler pourquoi je fais ça. »

« Financièrement, on n’en avait pas autant que d’autres personnes. Donc elle a fait des sacrifices pour m’inscrire à des tournois d’été. Elle a conduit des 14 heures simplement pour que je puisse jouer à Vancouver. »

— Cayden Lindstrom au sujet de sa mère

Des sacrifices comme se priver de vacances ? lui demande-t-on. « De toute façon, pour des raisons financières, on n’avait pas vraiment l’argent pour partir en vacances. Mais une fois, on est partis en camping, on adore le plein air et c’était probablement mes plus belles vacances ! »

Reste donc à voir si quelqu’un, parmi Chicago, Anaheim et Columbus, tentera sa chance avant que le Canadien ait droit de parole au 5rang.

Repêchage de la LNH

Celebrini, l’exception

Buffalo — Des espoirs de premier plan repêchés après un an dans la NCAA, ça arrive. Mais de la façon dont Macklin Celebrini s’y est pris, ça arrive moins souvent.

À moins d’un cataclysme, Celebrini deviendra le 28 juin prochain le premier de classe de ce repêchage 2024. S’il n’est pas attendu comme un talent aussi exceptionnel que son prédécesseur, Connor Bedard, son parcours, lui, n’est pas moins exceptionnel.

Sa particularité ? Il a joué dans la NCAA à 17 ans. On s’explique.

Le 1er choix en 2021, Owen Power, de même que Jack Eichel (2rang, 2015), Matty Beniers (2rang, 2021) et Adam Fantilli (3choix l’an passé) ont tous joué dans les rangs universitaires la saison précédant leur repêchage.

Mais ces joueurs ont tous en commun d’être nés après le 15 septembre, soit la date qui détermine l’admissibilité au repêchage. Ils sont ce qu’on appelle communément des « late », soit des joueurs qui sont repêchés à 18 ans, à quelques mois de leurs 19 ans. Ce qui signifie qu’ils avaient 18 ans lors de leur première saison au collège.

Celebrini, lui, est né le 13 juin. C’est donc dire qu’il a disputé l’ensemble de sa saison universitaire à 17 ans, ce qui est rare. Le site QuantHockey ne répertorie que 24 joueurs de 17 ans dans la NCAA au fil des ans, une liste qui comporte notamment Jonathan Toews, Zach Werenski et l’ancien espoir du CH Ryan Poehling.

Celebrini est de loin le plus productif de cette liste. Il a terminé la saison en tant que troisième marqueur de la NCAA avec 64 points (32 buts, 32 passes) en 38 matchs, avec Boston University. Or, rappelons que l’âge moyen des équipes de Division I de la NCAA cette saison variait entre 20 ans et 9 mois et 23 ans et 2 mois*.

Sa décision de tenter sa chance à l’université à 17 ans « était principalement basée sur le hockey », a-t-il expliqué dans un point de presse réservé à cinq des meilleurs espoirs, vendredi. « Je sentais que le niveau de jeu allait m’aider à m’améliorer. »

Sur le plan scolaire, cependant, Celebrini a dû faire, dans les mots d’André Ruel, de l’agence CAA, qui le représente, « deux années en une » afin de pouvoir être admis. « Pendant que je jouais pour le Steel de Chicago [en 2022-2023], j’ai dû suivre plein de cours de 11e et 12années afin d’obtenir tous mes crédits. Mais du reste, ce n’était pas tant de travail », a expliqué l’adolescent.

Côté hockey, c’est Michael Hage, un espoir du repêchage de 2024 qui a joué avec lui à Chicago, qui a le mieux expliqué la situation. « Avec ce qu’il a fait à sa première année, il n’avait rien à gagner à revenir dans l’USHL avec le Steel », nous a expliqué Hage.

À 16 ans, Celebrini avait en effet terminé au 1er rang du circuit junior américain pour les buts (46) et les points (86), et ce, en 50 matchs.

Un futur Shark

Avec de tels exploits, le Vancouvérois s’est imposé comme le choix consensuel au 1er rang de la cuvée 2024.

Or, il a habilement évité le piège de se présenter comme un futur membre des Sharks, et ce, malgré des questions fortement orientées en ce sens. « Au bout du compte, on ne sait jamais ce qui va se passer », a-t-il souligné.

Il a certes concédé avoir cassé la croûte avec Mike Grier, directeur général des Sharks, mais sans plus.

La question la plus piégée a été celle d’un collègue lui demandant s’il était soulagé de compter Will Smith parmi ses coéquipiers. C’est que Smith, un espoir des Sharks, portait les couleurs de Boston College la saison dernière, un des grands rivaux de Boston University. Ce même Smith a confirmé, fin mai, qu’il quittait les bancs d’école et signait un contrat avec les Sharks.

« Ce n’est pas plaisant de l’affronter, a convenu Celebrini. C’est un joueur spécial, super talentueux. Chaque fois qu’on l’affrontait, il nous faisait mal. » Bref, pas une ligne sur la perspective d’être son coéquipier.

Mais à moins d’une blessure, il y a fort à parier que Smith et Celebrini vivront leur baptême de la LNH dans l’ancien uniforme de Pat Falloon quelque part en octobre prochain.

* Source : College Hockey News

Le charisme sans les mots

Un dirigeant du Canadien nous avait prévenu. « Ce gars-là est tout un personnage. On dirait qu’il n’a jamais eu une mauvaise journée de sa vie. » Il était question d’Artyom Levshunov, défenseur à Michigan State pressenti pour faire partie des trois premiers joueurs repêchés. Les journalistes qui assistaient au point de presse de vendredi ont vite eu une idée de ce charisme. Levshunov s’est présenté au podium en compagnie d’un autre espoir, Zeev Buium ; quand le modérateur a présenté Levshunov aux médias, ce dernier a aussitôt agité les bras pour nous faire de grandes salutations, comme s’il voulait s’assurer que personne ne le confonde avec son collègue. Cela dit, le Biélorusse a offert des réponses relativement courtes, possiblement en raison de la barrière de la langue. Même s’il joue en Amérique du Nord depuis deux saisons, son anglais demeure hésitant. Il a tout de même révélé avoir soupé avec les Blackhawks de Chicago, détenteurs du deuxième choix.

Les conseils d’Owen Beck

Auteur d’une saison sensationnelle à Saginaw, Zayne Parekh est un autre nom qui fait jaser cette semaine. Ses 33 buts et ses 96 points en 63 matchs sont d’autant plus impressionnants que l’Ontarien joue à la position de défenseur. Une sélection dans le top 10 est certainement une possibilité pour lui. Parekh est par ailleurs débarqué à Buffalo en tant que champion de la Coupe Memorial, puisqu’il porte les couleurs du Spirit de Saginaw. C’est d’ailleurs là qu’il a fait la connaissance d’Owen Beck, espoir du Canadien échangé à Saginaw en janvier. Parekh a indiqué avoir contacté quelques coéquipiers pour se préparer pour ce camp d’évaluation, dont Beck. « Ils m’ont tous dit la même chose : les équipes seront sur ton cas, elles vont poser des questions difficiles et elles veulent juste voir comment tu vas répondre. Sois confiant et exprime-toi », a-t-il résumé.

Des espoirs difficiles d’accès

Cette édition du camp d’évaluation a ceci de particulier que les meilleurs espoirs sont plus difficiles à contacter que ceux des dernières années. En 2022, La Presse avait pu rencontrer plutôt facilement Shane Wright, Logan Cooley et Juraj Slafkovsky, trois des quatre meilleurs espoirs – sur papier – de cette cuvée. Cette année, les représentants de Macklin Celebrini ont fait savoir qu’il n’accorderait pas d’entrevues individuelles. Idem pour Tij Iginla, le fils de Jarome, un attaquant qui divise les analystes, mais qui devrait aboutir quelque part en première moitié du premier tour. À cela s’ajoute le silence radio autour de l’attaquant Beckett Sennecke. Et les deux meilleurs espoirs européens selon la Centrale de recrutement, Anton Silayev et Ivan Demidov, sont russes et jouent dans leur pays, ce qui vient toujours avec un certain degré d’opacité quand vient le temps d’organiser des entrevues. Cela dit, les autres espoirs, notamment ceux du Québec, ont répondu comme à l’habitude et ces entrevues ont pu s’organiser sans anicroche.

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