Passion Lego

Le bonheur de sortir de l’ âge des ténèbres

Selon la plus récente étude Play Well de Lego, plus d’un adulte sur cinq s’ennuie de jouer avec les petites briques colorées inventées il y a plus de 60 ans par Godtfred Kirk Christiansen. Une statistique qui explique à elle seule la décision de la multinationale danoise de continuer à bonifier son impressionnante gamme destinée aux adultes. Mais qu’est-ce qui anime ces passionnés de Lego ?

Réalisée il y a un peu plus d’un an, l’étude Play Well se veut un gigantesque coup de sonde de Lego auprès des amateurs du légendaire jouet de construction – 18 435 adultes ont été interrogés dans 18 pays, dont 1031 au Canada. Bien qu’il s’agisse d’une étude à usage interne, La Presse a pu obtenir les grandes lignes. On y apprend notamment que 84 % des adultes disent que le jeu les aide à améliorer leur créativité et que 77 % soutiennent qu’il les aide à réduire leur stress et à se détendre.

« Le moment où je monte le modèle est un moment de plaisir intense pour moi, j’ai hâte que les enfants aillent se coucher pour pouvoir aller m’asseoir sur mon lit et monter mon Lego, nous explique en riant Philippe Desmarais, responsable d’un service de garde en milieu scolaire. Il y a un côté très enfant qui revient, ça me fait vibrer comme un petit garçon. Simplement regarder le modèle dans sa boîte suscite des souvenirs, des images de ma jeunesse. »

C’est d’ailleurs en regardant jouer un enfant que Philippe est sorti de son « âge des ténèbres » – l’expression consacrée par les amateurs de Lego pour parler de la période où l’on juge qu’il est enfantin de jouer avec des Lego.

« Mon neveu était venu chez nous pendant la période des Fêtes et il s’est mis à monter un Lego qu’il avait eu à Noël. Je me bouffais les doigts pour ne pas le faire avec lui ! Le lendemain, j’ai pris ma voiture et je suis allé au magasin, j’ai acheté quasiment la première boîte sur la tablette. Je suis revenu à la maison et j’ai monté le modèle. C’est comme si j’étais en manque ! »

— Philippe Desmarais

Robert Rollin est de son côté un collectionneur assumé ; pas moins de 413 ensembles sont exposés dans son appartement de Laval, et c’est sans compter les centaines de modèles neufs qu’il a achetés au cours des 13 dernières années, mais qu’il a choisi de conserver dans leurs boîtes. « J’ai certainement un cœur d’enfant, j’ai toujours eu ce trait de caractère là, reconnaît d’emblée l’homme de 64 ans. Je crois bien que c’est nécessaire pour les amateurs de Lego. »

Catherine Hallé est elle aussi collectionneuse, à la différence que la jeune mère de 35 ans possède aussi une fine connaissance du marché de la revente de Lego, un univers en soi. Elle a aujourd’hui son propre site de revente de pièces rares et exclusives. « J’avais 25 ans quand, à l’occasion d’une visite chez une amie, j’ai vu que son père était collectionneur de Lego, qu’il avait même une boutique de vente en ligne, se rappelle l’enseignante en biologie au cégep de l’Outaouais. Je lui ai demandé si je pouvais voir sa collection, on a finalement passé quatre heures dans son sous-sol rempli de super beaux Lego de collection. Il m’a donné quelques mini-figurines, c’est alors que j’ai réalisé que l’on pouvait être un adulte qui tripe sur les jouets d’enfants ! »

Un jouet qui parle aux adultes

Marc-André Caron est revenu vers les Lego parce qu’il voulait faire des films d’animation image par image. Huit ans plus tard, il a obtenu sa certification de « Lego Education Academy Teacher Trainer », c’est-à-dire que c’est lui qui montre les rudiments de la robotique aux enseignants de sciences du primaire et du secondaire – les Lego sont en effet utilisés pour démythifier la robotique dans de nombreuses écoles. Il en connaît donc un bout sur la relation que les adultes entretiennent avec les Lego.

« Les gens qui rient un peu de moi parce que je joue avec des Lego, je les invite à la maison et je mets une poignée de briques sur la table ; je compte à peine jusqu’à cinq avant de les voir commencer à jouer avec et tenter de construire quelque chose. »

— Marc-André Caron

« C’est l’imaginaire qui embarque, on retombe dans cette partie-là de notre cerveau parce que oui, on peut retourner là, même à 46 ans ! Quand ils se remettent à jouer, ils s’aperçoivent que leurs mains savent des choses que leur tête ne croyait pas savoir », illustre l’enseignant de formation.

C’est particulièrement apparent pendant les formations qu’il donne chez Brault et Bouthillier, distributeur québécois des produits Lego Education. « Je me souviens d’une enseignante qui venait tout juste d’hériter du cours d’une prof qui venait de quitter, ça ne lui tentait pas du tout d’être là, se rappelle Marc-André. Elle a une nouvelle classe, dans une nouvelle école, et elle doit faire de la robotique ? Ça fait peur ! Mais à 10 h 15, quand les profs réalisent leur premier petit programme, ils se filment et mettent ça sur Facebook, c’est tout juste s’ils ne font pas un selfie avec le robot ! En cinq ans, au rythme de 80 formations par année à des groupes de 20 personnes, j’ai vu une seule enseignante me dire non, c’est tout. Généralement, le fun pogne ! »

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