Journée nationale des peuples autochtones

L’année de tous les possibles

Normalement au jour du solstice, quelque part vers le 21 juin, Journée nationale des peuples autochtones, c’est pour moi l’heure des bilans. Je regarde l’année qui vient de passer en rétrospective et je me permets de juger nos avancées ou nos reculs, comme Premiers Peuples, mais aussi comme société.

J’analyse ce qui s’est fait du côté du gouvernement fédéral, puis provincial. À chaque bilan, je compte le nombre de communautés sans eau potable, je scrute les grands évènements, bons et moins bons, qui ont marqué notre année. Parfois je souris, d’autres fois je pleure.

L’an passé, alors que l’on découvrait 215 sépultures anonymes quelques semaines plus tôt et que Joyce était gravée dans mes pensées, j’ai crié à m’en égosiller. Dans le grand élan d’amour qui s’en vient, vous me permettrez de me demander pourquoi « juste dire » n’aura pas été assez. Pourquoi aura-t-il fallu toutes ces morts tragiques pour ouvrir les yeux de tant de gens alors que nous nous époumonions à coup de commissions d’enquête à crier nos réalités ?

Je m’emporte. Reprenons-nous.

Le chemin parcouru

Je disais donc que cette année, le cœur n’y est pas. Au jugement, je veux dire. J’ai plutôt envie de célébrer.

Je suis peut-être sévère, ou lucide c’est selon, mais c’est sans doute la première fois depuis que la Journée nationale des peuples autochtones existe – ça fait 26 ans cette année – que j’ai envie de le faire de cette façon.

J’ai envie de me retrouver avec les miens et avec vous, à rire, échanger, chanter et danser.

Parce que votre regard n’est plus le même, vos sourires non plus. Vos bras croisés se sont détendus. Ils se projettent parfois devant vous comme des mains tendues. C’est comme si l’éléphant dans la pièce, celui des secrets cachés, des tabous, de la peur de l’autre, de quelques préjugés aussi, bien solide dans leurs pieds de béton, était parti voir ailleurs en même temps que l’histoire, l’autre histoire, était dévoilée.

Mon coup de chapeau, c’est à vous qu’il va. Monsieur, madame, vous qui avez accepté de remettre en question vos croyances, qui vous êtes interrogés, avez cherché, observé, discuté.

À vous qui vous êtes parfois indignés à nos côtés. À mes étudiants aussi. Cette génération qui grandit les yeux grands ouverts. Wow ! Votre ouverture, vos pertinentes questions, vos actions, petites ou grandes, vos mots, votre écoute… À ceux qui nous ont fait de la place également pour que nos voix soient entendues dans vos espaces. Si vous saviez comme c’est précieux et important.

Un effort collectif

Je n’aurais jamais pensé être témoin de tout ça ainsi. Jamais. J’espérais que mes enfants vivent dans un monde plus égalitaire et que mes petits-enfants s’épanouissent comme ils sont, avec tout ce qu’ils sont, avec force et fierté, comme Autochtones. Mais voilà, je me suis trompée. C’est aujourd’hui que ça se passe. Et c’est donc bien tant mieux !

Les universités, certains médias, les présidents de sociétés d’État, de grandes ou petites entreprises qui ont choisi de changer les choses, de contribuer à la hauteur de ce qu’ils peuvent faire : de la formation, des groupes de discussion, des consultations, des embauches, des politiques. Merci !

Je crois fermement que les grands changements ne peuvent s’accomplir sans que la population ne soit partie prenante. J’espère encore qu’elle peut être le gouvernail qui montre le chemin aux paquebots des systèmes qu’on ne veut pas bouger.

Quand elle tend l’oreille, qu’elle ouvre les bras, qu’elle prend un bout du canot sur ses épaules pour nous soulager de la lourdeur du portage, qu’elle se tient prête à entendre des vérités parfois difficiles, elle contribue à une vie meilleure pour nous, pour tous. Elle nous permet de rêver. Et en couleur, s’il vous plaît.

Continuez, vous nous faites du bien. Il en reste encore à faire, mais le chemin pour s’y rendre, tous ensemble, est plus lumineux.

Là, maintenant, je regarde droit devant. Cette année sera l’année de tous les possibles.

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