Biden convaincu que Trump a « soutenu une insurrection »

Donald Trump « a assurément soutenu une insurrection, il n’y a aucun doute là-dessus, aucun. Zéro », a affirmé mercredi le président Joe Biden, en référence à l’attitude de son prédécesseur lors de l’assaut du Capitole par ses partisans déchaînés, le 6 janvier 2021. Longtemps, il a même refusé de prononcer son nom en public. Mais le démocrate de 81 ans lâche désormais ses coups contre son prédécesseur républicain, sa rhétorique jugée autoritaire et son recours à un vocabulaire de « l’Allemagne des années 1930 ». Mardi soir, lors d’une rencontre avec des donateurs démocrates, Joe Biden a prononcé le nom de son rival une bonne douzaine de fois, comme il le fait désormais systématiquement lors de ce genre de réunions, destinées à lever des fonds pour sa campagne.

— Agence France-Presse

Disqualification de Donald Trump au Colorado

« Du jamais vu dans l’histoire américaine »

La décision de la Cour suprême du Colorado d’écarter la candidature de Donald Trump dans l’État en raison de ses activités insurrectionnistes du 6 janvier 2021 a eu l’effet d’un coup de tonnerre mercredi. La Presse en a discuté avec John Fea, professeur d’histoire des États-Unis au Messiah College, en Pennsylvanie, et Stéphane Beaulac, professeur titulaire de la faculté de droit de l’Université de Montréal et spécialiste du droit international et du droit constitutionnel.

En quoi la décision de la Cour suprême du Colorado est-elle significative ?

John Fea : C’est une surprise. Je ne crois pas que nous ayons jamais vu une décision comme ça dans l’histoire des États-Unis. Ce qui est significatif, c’est la façon dont ça va se jouer en Cour suprême, car Trump a dit que c’est ce qu’il demanderait. Essentiellement, la Cour suprême va devoir rendre une décision sur le 3e article du 14amendement de la Constitution. Elle va officialiser cette partie du 14e amendement, à savoir que Trump est un insurrectionniste. On verra ce qu’ils vont faire. Ce que le Colorado vient de dire à la nation, c’est que Trump est un insurrectionniste, alors il est disqualifié.

Pourquoi cette cause liée à une présidentielle américaine s’est-elle retrouvée devant une Cour d’État et non directement à la Cour suprême des États-Unis ?

Stéphane Beaulac : De prime abord, ça semble être une question relevant de l’autorité fédérale. Mais même si on est dans une question liée à la présidence des États-Unis, les procédures d’élection ne relèvent pas d’une autorité centralisée, mais de chacun des 50 États. Autrement dit, le processus électoral américain est décentralisé, même pour l’élection fédérale. La question portée devant la Cour suprême du Colorado pourrait l’être dans les 50 États américains. En fait, la même question a été portée à l’attention des tribunaux au Minnesota et au Michigan. Les requérants ont été déboutés en première instance. Des poursuites ont aussi été intentées (sans succès) au New Hampshire.1

Sur quoi les juges de la Cour suprême se pencheront-ils ? Et est-ce que la décision sera applicable à tous les États ? Ou seulement au Colorado ?

Stéphane Beaulac : Les juges vont se demander si cette question n’est pas plutôt d’ordre politique. Cet article 3 ne porte pas sur une qualification objectivement vérifiable, comme l’exigence d’âge minimal (35 ans) des candidats. Il porte sur la question de savoir s’il y a eu participation par un “officier” à une activité d’insurrection, et que les cours ne seraient pas habilitées à en juger. Bref, que ça ne devrait pas être une question liée à la qualification des candidats au même titre que les autres bases de qualification. Donc, que l’article 3 est une question éminemment politique qui ne devrait pas faire l’objet d’une détermination judiciaire. Et donc, qu’il ne revient pas à une cour de justice de trancher.

John Fea : Une éventuelle décision de la Cour suprême serait applicable à toute la nation. Par exemple, je ne peux pas imaginer que la Cour suprême puisse décider que le Colorado a eu raison de bannir Trump, mais que les autres États peuvent décider ce qu’ils veulent. Quand la Cour suprême prend une décision, cela s’applique à toute la nation.

Quelles sont les implications politiques du jugement ?

John Fea : Cette décision est révélatrice. Les rivaux républicains de Trump auraient pu en profiter pour isoler Trump, et affirmer qu’il était responsable de l’assaut du 6 janvier. Aucun n’a emprunté cette voie jusqu’ici. Ils sont plutôt d’avis que ce n’est pas au tribunal de décider, mais bien aux électeurs. Ils ne disent rien de négatif à propos de Trump, car ils ont besoin d’attirer les électeurs de Trump. Aussi, plusieurs se voient peut-être comme son prochain colistier, et donc ne veulent pas le mettre en colère et risquer de ne pas être choisis.

Trump deviendra-t-il plus populaire à cause de cette décision ?

John Fea : Chaque fois que Trump a des problèmes, chaque fois qu’il est poursuivi au civil ou au criminel, sa base le soutient encore davantage. Ça entretient l’idée que, comme eux, il se bat contre le système. Il joue à la victime, et ça l’aide. Trump a même lancé une levée de fonds en soulignant la décision de la Cour suprême du Colorado.

1. Selon le site spécialisé Lawfare, des poursuites similaires sont en cours ou ont été portées en appel dans 15 États américains, excluant le Colorado.

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