Danse

Atteindre l’extase en 5 rythmes

Dans un spacieux studio du Y des femmes, au centre-ville de Montréal, une trentaine de corps aux âges et formes variés dansent dans toutes les directions, se laissant porter par les modulations des musiques choisies par Lynne Adams, DJ et enseignante.

C’est un frisquet début de soirée de février et nos muscles endormis mettent un peu de temps à se dégourdir et se laisser entraîner par la « danse des 5 rythmes ». Après une trentaine de minutes de liberté gestuelle, l’énergie a réintégré nos anatomies endormies et nous voilà prêtes à recevoir les instructions de Lynne, qui nous invite alternativement à danser en trio, à traverser la pièce sur un rythme « staccato », à nous laisser guider un peu moins par notre tête, et un peu plus par nos genoux, nos hanches, nos pieds...

Technique créée par la danseuse américaine Gabrielle Roth, la danse des 5 rythmes renaît de ses cendres à Montréal, portée par l’inspiration d’instructeurs comme Lynne Adams et Erik Iversen. Ce dernier, un Montréalais de retour au bercail après deux décennies d’exil (et de danse !) dans l’île de Martha’s Vineyard, a accordé à La Presse une entrevue pour expliquer les fondements de cette pratique qui a souvent été qualifiée d’ancêtre de la « trans dance » et des raves.

« Gabrielle Roth a commencé à développer les 5 rythmes à San Francisco, à la fin des années 70, et cette pratique n’a pas tardé à séduire les New-Yorkais dans les années 80. Par la suite, des professeurs ont commencé à l’enseigner à Londres, en France, en Belgique, en Hollande. Les raves, en effet, se sont inspirés de cet esprit de créativité issu des 5 rythmes. »

Iversen a été dans les années 80 parmi les premiers adeptes de cette danse et pratique méditative en mouvement qui rallie désormais des adeptes partout sur la planète. Depuis quelques mois, cet éternel danseur offre des classes hebdomadaires et des ateliers ponctuels de danse de 5 rythmes dans divers studios à Montréal, principalement Circuit-Est et Wanderlust.

« Je suis un enseignant du corps. J’utilise le rythme comme un outil pour accéder à la balance, à la conscience et aux modes d’expression du corps. Gabrielle Roth a transmis une méthode pour bouger à travers l’énergie et la douleur, pour libérer le corps, le cœur, l’esprit, l’âme, la conscience... », résume Erik Iversen qui, pendant toute la durée de notre entretien, parle en dansant, ou danse en parlant...

LIBRE ET EN SÉCURITÉ

Ce qui frappe d’abord l’esprit des nouvelles venues dans l’univers des 5 rythmes, c’est la diversité des corps et des âges. « Pour les femmes, c’est un endroit où explorer la sensualité et le pouvoir de la féminité dans un lieu sûr », exprime Erik Iversen, qui a reçu dans ses ateliers des enfants de 5 ans et des septuagénaires. 

« C’est une des choses attrayantes des 5 rythmes : vous pouvez être une femme corpulente de six pieds et avoir accès à une liberté d’expression rarement allouée. »

— Erik Iversen, professeur de « danse des 5 rythmes »

Laisser à la porte l’esprit de compétition et les complexes, demeurer attentif aux rythmes et à l’énergie dans la pièce, ressentir la beauté du moment et du « flow », explorer l’essence de soi en solo ou en dansant avec un partenaire... En 30 ans d’enseignement, Erik Iversen a développé et raffiné son propre style d’enseignement, qui consiste à diriger ses classes en fonction du « plus bas dénominateur commun ».

« Je change mes musiques à chaque classe. J’arrive toujours avec une quarantaine de chansons divisées selon les rythmes, puis je choisis la musique en fonction de ce qui se passe en face de moi. S’il y dix danseurs avancés et deux novices, j’adapte en fonction des nouveaux venus. »

Erik Iversen, qui a longuement étudié auprès de Gabrielle Roth, raconte également le chemin qui a mené sa mentore vers l’élaboration de sa technique en cinq temps.

« Gabrielle était aussi massothérapeute et un de ses clients était Fritz Perls, un praticien de la thérapie Gestalt. Celui-ci lui a parlé de comment ses patients étaient prisonniers de leur tête, disant qu’il serait intéressant de les faire danser sur de la musique et observer comment cela pourrait altérer leur état. C’est en travaillant auprès de patients d’instituts psychiatriques que Gabrielle Roth a développé une technique de méditation en mouvements et élaboré les rythmes de fluidité, de staccato, de chaos, de lyrisme et finalement, l’immobilité en mouvement. »

En fonction de la musique, de l’instructeur ou du lieu, chaque classe de 5 rythmes est unique, que l’on se trouve dans un studio de Montréal en février ou un loft vitré de Greenwich Village un mardi soir d’octobre. Selon Erik Iversen, qui enseigne un jeudi soir par mois aux studios de yoga Wanderlust, les yogis qui aiment danser sont comme des poissons dans l’eau dans les 5 rythmes.

« Le yoga est une discipline qui aligne et ouvre le corps. Le 5 rythmes offre la permission et la liberté de retrouver la joie de l’enfance, par l’expression personnelle de mouvements instinctifs. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.