« Il y a encore du travail à faire »

Les féminicides et la violence contre les femmes étaient au cœur des commémorations du drame

Quatorze jets de lumière ont illuminé le ciel de Montréal lundi soir, à la mémoire des 14 femmes assassinées il y a 32 ans, à l’École polytechnique.

Un à un, les faisceaux lumineux ont éclairé le ciel au-dessus du mont Royal à mesure que le nom de chacune des 14 victimes du drame était prononcé.

La pluie battante et les rafales n’ont pas empêché les familles, les proches des victimes et les personnalités politiques de se rassembler lundi soir.

Présents à la cérémonie sur le belvédère Kondiaronk du mont Royal, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et le premier ministre du Québec, François Legault, ont tenu à rappeler que pour trop de femmes, la violence continue à faire partie du quotidien.

« Malheureusement, il y a encore de la violence contre les femmes et il faut continuer de se battre. […] On a fait du chemin, mais il y a encore du travail à faire. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Depuis le début de l’année 2021, 18 féminicides présumés sont survenus dans la province.

La mairesse de Montréal s’est dite heureuse d’être présente à la cérémonie « pour penser à ces jeunes femmes qui ont été tuées froidement parce qu’elles étaient des femmes ». Pour souligner l’anniversaire du drame, les drapeaux de la Ville de Montréal ont été mis en berne.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, était également présent à la cérémonie, mais ne s’est pas adressé aux médias.

La commémoration est organisée annuellement par le comité Mémoire, en collaboration avec la Ville de Montréal et l’École polytechnique. Le public pouvait suivre la commémoration en direct sur les différents comptes des réseaux sociaux de Polytechnique Montréal.

En soirée lundi, le pont Samuel-De Champlain s’est également couvert de blanc et de violet foncé à la mémoire des victimes et pour appuyer l’appel national contre la violence faite aux femmes.

Les 14 victimes de la tuerie sont Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Klucznik-Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault et Annie Turcotte.

« Nous avons encore beaucoup à faire »

Par ailleurs, la gouverneure générale du Canada, Mary Simon, a déclaré que le Canada, « d’un océan à l’autre, [porte] encore les cicatrices de l’évènement tragique survenu le 6 décembre 1989 à Polytechnique Montréal ».

Au début de la soirée du 6 décembre 1989, 13 étudiantes et 1 employée de l’École polytechnique ont vu leur vie fauchée par un homme armé, parce qu’elles étaient des femmes qui étudiaient ou travaillaient dans un domaine réservé traditionnellement aux hommes.

« Même si d’importants efforts de sensibilisation, de prévention et d’intervention pour contrer les violences de genres sont en place aux quatre coins du pays, nous constatons malheureusement que la pandémie a exacerbé la détresse des victimes et augmenté leur nombre. C’est signe qu’ensemble, nous avons encore beaucoup à faire », a conclu la gouverneure par voie de communiqué.

« Pas qu’un chiffre »

En cette journée de commémoration, la question des féminicides et des violences armées a été grandement discutée. « C’est un évènement qui a mis un terme à la vie de 14 femmes, ce n’est pas qu’un chiffre. Il y a eu 18 féminicides cette année, ce n’est pas qu’un chiffre », a dit Mélanie Ederer, présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), dans une allocution en ligne de la campagne annuelle des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes. La Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes était également soulignée lundi.

« [Les femmes tuées sont] des individus qui ont des rêves, des goûts, des choses qu’elles aiment et n’aiment pas, qui ont de familles, des qualités, des défauts, et qui ont été assassinées parce qu’elles étaient des femmes, dans une société qui encore aujourd’hui considère qu’on peut faire des violences basées sur le genre. »

— Mélanie Ederer, présidente de la Fédération des femmes du Québec

Dans la même table ronde virtuelle, Julie Tran, militante féministe antiraciste et chargée de cours à l’Université de Montréal, a noté que la violence genrée se traduit souvent par des manques de services pour des cas de violence conjugale et de violence sexuelle dans certains quartiers tels que Montréal-Nord, Saint-Michel et Rivière-des-Prairies. Même lorsqu’elles ont accès à ces services, « elles sont exposées à des préjugés racistes, homophobes, transphobes ».

L’écrivaine et poétesse innue Natasha Kanapé Fontaine, originaire de la réserve de Pessamit, sur la Côte-Nord, a pour sa part témoigné du fait que la réalité des femmes autochtones assassinées a toujours fait partie de sa conscience. « Étant moi-même une femme autochtone, je cours chaque jour dix fois plus de risques de disparaitre ou d’être assassinée ici au Québec. »

Les femmes des Premières Nations doivent « déployer une force jour après jour pour outrepasser les conséquences de l’histoire coloniale sur nos vies et sur nos corps », a-t-elle dit.

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