2Fik

Le jeu de l’amour et des avatars

En 2015, 2Fik avait proposé au Festival TransAmériques (FTA) une audacieuse installation-performance intitulée Chasse-galerie, dans laquelle les bûcherons de la légende canadienne prenaient les traits de multiples personnages représentant la diversité des genres, des cultures et des origines. Et ils étaient tous incarnés par le créateur multidisciplinaire d’origine franco-marocaine.

2Fik est de retour cette année au FTA avec une nouvelle création sans compromis : La Romance est pas morte, 2Fik ! Un spectacle-installation dans lequel il poursuit son travail sur l’identité et la représentation de soi, à travers une réflexion en profondeur sur les rencontres en ligne. En explorant les misères et les splendeurs des sites et des applications où l’on cherche l’amour en ligne, 2Fik veut aborder ce qui reste du désir à l’ère numérique. Ainsi que son affreux corollaire : le rejet.

Dans ce spectacle déambulatoire qui se déroulera à la Cinquième Salle de la Place des Arts, l’artiste nous propose une expérience interactive. Sur un site de rencontre fictif, le créateur incarne 100 personnages, aussi disparates que colorés, brûlants d’un désir ardent. Le public est invité à interagir, échanger et, pourquoi pas, se laisser séduire… par lui.

« J’ai vraiment ouvert une boîte de Pandore, confie 2Fik en entrevue avec La Presse. Quand tu navigues sur ces sites et ces applis de rencontre, tu es à la fois acteur et voyeur. Tu juges et tu es jugé en même temps. C’est comme une épicerie virtuelle du désir où tu es à la fois l’acheteur et le produit. »

Objet de désir ou… de rejet

Le créateur d’origine marocaine travaille sur ce projet depuis six ans. L’artiste visuel voulait illustrer, avec les moyens des arts vivants, les montagnes russes émotionnelles ressenties sur ces applications de rencontre.

Il remarque aussi que le web a détourné la séduction du réel, car elle est désormais plus propice aux fantasmes, à l’illusion, aux avatars. « Avant, tu allais dans un bar ou une soirée dansante pour rencontrer une date. Tu séduisais avec tes yeux, ta voix, ton corps, ton odeur. Maintenant, l’objet du désir n’est plus la vraie personne, mais son avatar, la mise en scène de l’image qu’elle veut transmettre. »

« Alors je m’interroge… Est-ce que l’avatar est un leurre, ou bien le summum de soi-même ? Où s’arrête la réalité et où commence le fantasme ? »

— Le créateur 2Fik

Durant huit jours consécutifs, à raison de huit heures par jour, 2Fik rencontrera 32 personnes, une à la fois, qui auront été happées par l’un des différents profils de son site (fictif) de rencontre.

C’est un projet « gargantuesque », reconnaît l’artiste. « Je me mets en danger à chaque représentation, dit-il. C’est l’œuvre la plus romanesque que j’ai réalisée depuis que je suis arrivé à Montréal, en 2003. » Pour la réaliser, 2Fik collabore avec une équipe de concepteurs de talent, dont le scénographe Max-Otto Fauteux, l’éclairagiste Paul Chambers et Jérôme Guilleaume au son.

La Romance est pas morte ! s’annonce comme une performance qui fera éclater les frontières des disciplines et des possibilités. Avec une approche amusante et légère, pour traiter de sujets graves et encourageant l’acceptation de soi. Voilà le secret de l’art de 2Fik !

À la Cinquième Salle de la Place des Arts à Montréal, du 2 au 9 juin.

Festival TransAmériques

À ne pas manquer

La jamais sombre : créer à trois

Voilà une bien intrigante proposition à l’affiche du Festival TransAmériques (FTA) du 9 au 12 juin, dans l’édifice Wilder. Présentée comme une manifestation poétique de la lumière, La jamais sombre est le fruit de la collaboration multidisciplinaire entre Michel F Côté, concepteur sonore, Marc Parent, concepteur d’éclairage, et Catherine Tardif, chorégraphe et interprète. L’écriture scénique de cette création explorant les mystères anciens du clair-obscur est issue de leurs trois pratiques artistiques respectives.

Du 9 au 12 juin, dans l’édifice Wilder

Je suis une maudite sauvagesse, de l’écrivaine An Antane Kapesh

Traduit pour la première fois en 1976, ce texte percutant de l’écrivaine innue An Antane Kapesh raconte avec lucidité la tragédie des Premières Nations du Québec. L’autrice y relate sa vie, depuis le nomadisme jusqu’au déracinement des réserves. La poétesse et actrice Natasha Kanapé Fontaine en fera la lecture en innu, avec surtitres en français, chez Duceppe. Cette lecture, orchestrée par Charles Bender, est aussi offerte en webdiffusion (avec possibilité de surtitres en anglais).

Chez Duceppe, les 5, 9 et 10 juin. En webdiffusion, du 4 au 21 juin.

Public/Private Parts ou L’origine du monde, de Gérard X Reyes

Le danseur et chorégraphe montréalais Gérard X Reyes s’est entouré de travailleurs et travailleuses du sexe, mais aussi d’éducateurs, pour s’interroger sur le corps et ses représentations. À la fois performance et installation vidéo, cette création présente tant des corps nus qui s’explorent, dansent, exultent que des discussions sur le consentement et l’intimité. Un spectacle pour les 18 ans et plus qui promet de confronter le spectateur aux limites de sa propre pudeur.

À l’Espace Danse de l’édifice Wilder, du 10 au 12 juin

La fille de Christophe Colomb, de Réjean Ducharme

Écrit en vers libres en 1969, ce roman de Réjean Ducharme raconte la picaresque aventure de Colombe Colomb, fille du célèbre explorateur. Après avoir fait le tour du monde, Colombe revient dans son pays natal, dégoûtée de n’avoir pas trouvé l’amitié des hommes. « Chaque page de La fille de Christophe Colomb m’était une plongée vertigineuse vers la joie, le désespoir et le ravissement. J’y ai puisé un trésor inestimable : la parole. Cette précieuse parole de l’ami fidèle que je n’ai jamais rencontré, Réjean Ducharme », écrivait Martin Faucher en 1994 dans le programme de la création du spectacle, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Un quart de siècle plus tard, le directeur du FTA et la suave actrice Markita Boies revisitent cette « curiosité poétique » dans l’œuvre du mythique auteur québécois, dans le cadre de la série des lectures du Port-Royal.

Du 8 au 10 juin, au Théâtre Jean-Duceppe et en webdiffusion

— Iris Gagnon-Paradis, Stéphanie Morin et Luc Boulanger, La Presse

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