Frantz Saintellemy, Farah Alibay et Stéphanie Harvey 

Servir d’exemple

Ils ont percé dans des domaines où ils avaient parfois du mal à se reconnaître. Aujourd’hui, Farah Alibay, Frantz Saintellemy et Stéphanie Harvey ouvrent la voie pour ceux qui seraient tentés de les suivre.

L’ingénieure Farah Alibay se souvient de ses débuts dans le milieu de l’aérospatiale. Celle qui se décrit comme « femme racisée, immigrante, aux cheveux rouges et queer » regardait autour d’elle et ne trouvait pas grand monde qui lui ressemblait.

« C’est difficile. On vit tous le syndrome de l’imposteur. Quand les choses ne vont pas bien et que tu te retournes et qu’autour de toi, personne ne te ressemble... Tu te demandes : est-ce qu’il y a vraiment une place pour moi ici ? », raconte celle qui travaille aujourd’hui à la NASA.

Le nouveau chancelier de l’Université de Montréal et président et chef de l’exploitation de LeddarTech, Frantz Saintellemy, constate quant à lui « qu’il n’y a pas beaucoup de gens des communautés afro-descendantes qui ont réussi dans le domaine de la haute technologie ».

« Des femmes, il n’y en avait presque pas au début des années 2000 quand j’ai commencé mes premiers tournois, peut-être deux ou trois filles parmi 500 ou 1000 gars », se remémore quant à elle la conceptrice et ancienne championne de jeu vidéo Stéphanie Harvey.

Tous trois représentent aujourd’hui dans leur domaine des modèles de réussite atypique, capables d’exercer une influence sur des jeunes qui seraient tentés de marcher dans leurs pas.

« Plein de fois, des femmes m’ont dit être entrées dans l’industrie car elles m’avaient vu à la télé ou dans une entrevue », explique Stéphanie Harvey, qui a récemment publié missharvey, gameuse et fière de l’être, un livre qui s’intéresse au concept de cybercitoyenneté.

Au-delà du plafond de verre

Même si elle constate que les femmes restent « très, très sous-représentées » dans l’industrie du jeu vidéo, elle tire une certaine fierté de pouvoir en inspirer d’autres.

« Ça confirme que ce que je fais vaut la peine. Des fois, me lever le matin pour aller faire une entrevue à la radio alors que j’avais des pratiques jusqu’à 1 h la veille, ça me tentait moins. »

« Je travaille très fort. Et souvent, ce n’est pas pour ma carrière à moi, c’est pour faire changer les choses. »

— Stéphanie Harvey

Farah Alibay constate quant à elle que les choses changent lentement en génie. La proportion de femmes au baccalauréat en génie reste autour de 20 % et monte à pas de tortue.

Celle qui a acquis une renommée immédiate avec la mission Mars 2020 multiplie les conférences dans les écoles du Québec. Elle raconte avoir reçu un message d’une fille récemment. « Elle m’a écrit pour me dire que j’étais venue à son cégep donner une conférence. Elle a décidé d’aller en aérospatiale et aujourd’hui, elle travaille dans ce domaine-là. »

Au début de sa carrière, elle a remarqué que les cadres ne lui ressemblaient pas. Elle raconte s’être demandé s’il n’existait pas un plafond de verre et qu’elle en subirait les contrecoups.

« La diversité, c’est important, parce que tu peux te retrouver dans un environnement et être toi-même finalement. »

— Farah Alibay

Frantz Saintellemy note que ses « modèles ont été de toutes les origines, de toutes les couleurs, de toutes les cultures ». « Je n’aime pas seulement me limiter aux gens qui me ressemblent physiquement », dit-il.

Ses « vrais influenceurs » ont été ses enseignants à l’école secondaire. Arrivé d’Haïti à 8 ans, il avait du mal à comprendre l’accent québécois à couper au couteau de certains d’entre eux. Le jeune introverti s’est refermé sur lui-même, était considéré comme en difficulté.

Puis une poignée d’enseignants ont fait des gestes pour l’aider à sortir de sa coquille et à se réaliser, se souvient celui qui a fondé le Groupe 3737, un centre d’innovation et de diversité entrepreneuriale situé dans le quartier Saint-Michel, à Montréal.

« Je suis un produit de l’éducation, de ces gens qui ont vu le potentiel et m’ont tiré vers le haut, et n’ont pas accepté que je divague. »

— Frantz Saintellemy

« Le leadership, c’est d’entraîner les gens à en faire plus. J’ai été chanceux. J’ai croisé des gens comme ça », conclut le chancelier de l’Université de Montréal.

Qui est Farah Alibay ?

• Née à Saint-Charles-Borromée, dans Lanaudière, en 1989

• Titulaire d’un doctorat en génie aérospatial du Massachusetts Institute of Technology

• Elle a été au cœur de la mission Mars 2020 de la NASA, qui a déployé l’astromobile Perseverance

• Elle rêve de devenir astronaute

Qui est Frantz Saintellemy ?

• Né à l’île de la Gonâve, en Haïti, en 1973, et arrivé à Montréal en 1982

• Titulaire d’un baccalauréat en génie électronique et informatique de l’Université Northeastern et d’un fellowship du Massachusetts Institute of Technology

• Président et chef de l’exploitation de LeddarTech, chef de file dans le domaine des véhicules autonomes

• Chancelier de l’Université de Montréal depuis octobre 2021

Qui est Stéphanie Harvey ?

• Née à Québec en 1986

• A remporté cinq championnats mondiaux au jeu Counter-Strike

• Cofondatrice de l’organisation Missclicks, qui s’attaque à la sous-représentation des femmes dans l’univers du jeu vidéo

• Vainqueure en 2016 de l’émission Canada’s Smartest Person, à CBC

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