Rapport de Freedom House

La démocratie recule partout dans le monde

L’organisation Freedom House prévient, dans son dernier rapport annuel, qu’on assiste à un « recul démocratique » à l’échelle de la planète. Et que l’évolution de la situation aux États-Unis, sous la gouverne du président Donald Trump, risque de favoriser le mouvement.

Plus de pays en baisse

Pour en arriver à dégager des tendances, les analystes de Freedom House évaluent la situation dans 195 pays et 14 territoires à partir de 25 indicateurs distincts. Ils leur permettent d’établir un score cumulatif sur 100 qui reflète l’importance des libertés civiques et des droits politiques dont disposent les citoyens des États concernés. Les pays sont ensuite classés en trois catégories selon le résultat, soit « libre », « partiellement libre » et « non libre », qui désigne des régimes autoritaires. En 2018, 68 pays ont vu leur score reculer alors qu’une cinquantaine enregistraient une hausse. Toutes les régions, à l’exception de l’Asie-Pacifique, ont vu chuter le score moyen des pays qui les composent.

Une tendance lourde

L’organisation américaine note que l’effritement global des libertés civiques et des droits politiques se poursuit depuis plus d’une décennie. De 2008 à 2018, la part de pays considérés comme étant autoritaires est passée de 21,8 % à 25,6 %, tandis que le nombre de pays « libres » reculait de 46,1 % à 44,1 %. Dans la période de 20 ans ayant suivi la fin de la guerre froide, le pourcentage d’États autoritaires avait largement reculé, mais cette « poussée progressiste » s’est épuisée avec le temps, note Freedom House. Les institutions démocratiques de plusieurs pays qui étaient demeurés fragiles économiquement ou divisés par des conflits de classe ou des divisions ethniques ont subi de fortes pressions internes, favorisant les reculs.

Les démocraties « établies » aussi touchées

Les pays qui sont démocratiques de longue date ressentent aussi un ressac. Parmi les 41 pays considérés comme « libres » par Freedom House de 1985 à 2005, 22 ont vu leur score reculer au cours des cinq dernières années. L’organisation américaine note que la mondialisation a enrichi un nombre limité d’individus tout en compromettant les emplois peu qualifiés de nombreux travailleurs dans les pays industrialisés, qui se sentent aujourd’hui laissés pour compte. Les partis en place n’ont pas pris la mesure de la « dislocation » en cours, ouvrant la voie à des partis populistes, surtout à droite. Ceux-ci, note le rapport annuel, « endommagent souvent les démocraties de l’intérieur par leur peu de considération pour les droits civiques et politiques fondamentaux ».

Les États-Unis à un point critique ?

Freedom House, de manière inusitée, sonne l’alarme relativement à l’évolution des États-Unis sous la gouverne du président Donald Trump. Le chef d’État, relève l’organisation, « teste la stabilité du système constitutionnel » en place par ses attaques contre les tribunaux ou les médias, ses critiques des élections ou encore son attitude envers de possibles conflits d’intérêts, et le Congrès a trop souvent omis d’intervenir pour le recadrer. Les institutions se sont montrées résilientes jusqu’à maintenant, mais « rien ne garantit que ça va continuer », prévient le groupe de recherche. Le score total des États-Unis de 85 sur 100 les place loin derrière l’Australie, le Japon ou le Canada, qui ont des scores supérieurs à 95.

Un effet planétaire

Un sondage de Freedom House indique que 71 % des Américains pensent que le gouvernement américain devrait soutenir la démocratie et les droits de la personne dans d’autres pays. L’organisation note que la rhétorique et les actions du président, incluant les compliments formulés envers des potentats, compromettent la capacité du pays à intervenir dans ce domaine. Les propos du dirigeant américain, relève le rapport, sont parfois évoqués comme justification par des dirigeants autoritaires « dans des pays moins équipés pour faire face à des attaques contre leurs institutions démocratiques ». La réticence des États-Unis à faire la promotion active de valeurs démocratiques fait par ailleurs le jeu de pays comme la Chine, qui « offre son système autoritaire comme modèle à suivre pour les pays en développement », souligne Freedom House.

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