L’homme aux chats

Un roman noir signé Michèle Ouimet

Un psychopathe qui torture ses victimes et les abandonne aux côtés d’un chat éventré. Une journaliste obstinée prête à tout pour faire la une. Un enquêteur hanté par ses démons. Combinés à l’écriture incisive de l’ancienne journaliste de La Presse Michèle Ouimet, tous les ingrédients étaient réunis pour faire de L’homme aux chats un polar impitoyable et impossible à lâcher.

On la rencontre dans son appartement du Mile End, un édifice centenaire où règne ce silence qui lui est si cher pour écrire, et on la retrouve inchangée depuis son départ de La Presse, il y a trois ans. Toujours aussi tranchée dans ses objectifs.

Michèle Ouimet savait depuis longtemps qu’elle se mettrait à écrire une fois qu’elle aurait pris sa retraite ; l’occasion s’est présentée plus tôt que prévu, après une opération à une épaule, en 2012, six ans avant qu’elle ne tire sa révérence de cette salle de rédaction où elle a passé plus de temps que chez elle au cours des trois dernières décennies.

En revenant d’une longue marche, elle s’est assise pour écrire ce qui allait devenir le premier chapitre de son premier roman, La promesse (paru en 2014 chez Boréal). Après L’heure mauve, en 2017, L’homme aux chats est déjà son troisième roman, mais le premier qui navigue dans les eaux noires du polar.

« Écrire un roman, j’ai adoré ça parce que tu n’as pas de deadline. Et je ne fais pas de contrat [avec l’éditeur] parce que si je trouve ça mauvais, j’ai la liberté de le jeter. J’ai eu de la pression toute ma vie, ce n’est pas vrai que je vais me mettre de la pression quand j’écris des romans », dit-elle avec cette détermination qui lui donne des airs quasi frondeurs.

C’est cette même détermination qui l’a d’ailleurs poussée vers le journalisme quand, adolescente, à l’évocation du DSchweitzer et de son travail en Afrique ou du journaliste Pierre Nadeau, elle ne rêvait que d’une chose : partir. Ce qu’elle a fait sans répit, pendant 29 ans passés à La Presse, et consigné dans un essai paru en 2019 chez Boréal – Partir pour raconter. Rwanda, Afghanistan, Syrie, Iran, Pakistan, Égypte…

« Si j’ai écrit quelque chose d’aussi sombre, c’est peut-être à cause de tout ce que j’ai vu – les camps de réfugiés, les morts, la guerre, la folie de l’homme… [Dans L’homme aux chats], la folie est dans la tête d’un seul homme, mon psychopathe, mais c’est un peu comme un condensé de “mon Dieu, l’homme peut être mauvais à ce point-là”. »

— Michèle Ouimet

La journaliste n’est jamais loin

Même quand elle écrit, c’est la journaliste de terrain qui mène le bal. Pour construire le personnage du tueur en série dans L’homme aux chats, Michèle Ouimet a écrit à neuf meurtriers emprisonnés au pays en espérant qu’ils acceptent de lui parler. Paul Bernardo, Robert Pickton, Russell Williams, Luka Magnotta… ils ont tous refusé. Mais elle ne s’est pas laissé démonter ; elle a rencontré le DJocelyn Aubut, psychiatre et ex-directeur de l’Institut Pinel, afin de cerner l’esprit d’un meurtrier. Également d’anciens enquêteurs et des hauts dirigeants au Service de police de la Ville de Montréal. « Le plaisir d’écrire des livres, c’est de faire ce que tu veux avec la réalité. […] Mais il faut que ce soit crédible, sinon le lecteur va décrocher. »

Elle a aussi passé deux semaines avec des enquêteurs de la police de Longueuil. « J’avais accès à tout. Tout. Ils m’ont intégrée comme si je faisais partie de l’équipe. Ce que je voulais voir, c’est comment ça marche, le quotidien des enquêteurs, qu’est-ce qu’ils font le matin, qu’est-ce qu’ils se disent autour de la machine à café, c’est quoi, les blagues entre eux, la dynamique. J’ai appris plein d’affaires. Je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de femmes, que ça sacrait comme des charretiers », raconte-t-elle.

Et pour imaginer la reporter Marie Pinelli et ses collègues, elle s’est servie de certains travers propres aux journalistes et les a grossis ; l’héroïne de L’homme aux chats est « une ambitieuse prête à tout, même à vendre sa mère et à écraser les orteils d’un confrère pour faire la une », écrit-elle, implacable, soucieuse de ne faire preuve d’aucune complaisance envers ce métier qu’elle a exercé et chéri.

L’écriture de L’homme aux chats a été exigeante, avoue-t-elle. Mais ce n’est pas pour cette raison qu’il n’y aura ni suite ni prochain polar. « J’ai envie d’un autre univers. »

Son prochain livre ? Elle hésite entre roman et essai. Songe à quelque chose qui serait un mélange des deux, à l’image de L’adversaire, d’Emmanuel Carrère, ou de Carnets de Homs, de Jonathan Littell. Mais elle va prendre son temps, laisser vivre L’homme aux chats, le temps d’un passage au Salon du livre de Rimouski, début novembre, puis d’un autre au Salon du livre de Montréal, trois semaines plus tard. Prendre du temps pour elle, aussi, et en passer avec son petit-fils en attendant de se plonger, avec toujours autant de passion, dans son prochain projet.

En librairie le 2 novembre

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